James Ensor avait un père anglais, qui sombra dans l’alcoolisme et l’héroïne, sa mère flamande tenant un magasin de souvenirs, d’animaux empaillés, de coquillages et de masques de carnaval. Ses œuvres représentent une sorte de peinture flamande décadente, comme en témoigne ici Les ivrognes, de 1883.
Son tableau le plus célèbre est L’Entrée du Christ à Bruxelles en 1889. Le tableau fait 2,6 mètres sur 3,8 mètres et on retrouve un sens flamand du burlesque avec l’esprit de carnaval. C’est l’affirmation d’un esprit populaire, le slogan « Vive la sociale » resplendissant en haut du tableau.
Ce tableau fut refusé au Salon des XX. La raison en est simple : James Ensor n’était pas en accord avec la tendance au symbolisme, à l’impressionnisme, c’est-à-dire à la convergence avec la France. Le tableau se veut une réponse directe au Dimanche à la Grande Jatte de Seurat, qui avait eu l’année précédente un grand succès au Salon des XX.
En ce sens, avec L’Entrée du Christ à Bruxelles, James Ensor représentait une réalité belge subjectivement de par ce refus, même si de par sa forme et son approche, il restait objectivement dans le camp des avant-gardes subjectivistes. Cela fut sans conséquences réelles, l’œuvre n’étant par ailleurs plus montrée publiquement avant 1929.
Qui plus est, l’impertinence de James Ensor ne s’appuyant pas sur le réalisme, il se réduisit de fait à un expérimentateur. Son subjectivisme était par conséquent tout à fait intégrable, ce qui ne manqua pas d’arriver. Anvers fit une rétrospective James Ensor, puis les musées royaux de Bruxelles et d’Anvers achetèrent ses œuvres, en 1929 l’anarchiste James Ensor prit la nationalité belge et devint baron, puis il fut présenté officiellement le « Prince » des peintres en 1933 !
La tendance subjectiviste convergeant avec la France ne fut donc pas contrecarrée. Il y eut également d’autres expressions concrètes, cherchant une orientation nationale. Il faut noter ici, comme expression belge flamande, le groupe « Als ik Kan » d’Anvers, devise de l’immense peintre médiéval flamand Jan van Eyck, signifiant « Si je peux » et avec laquelle il signait ses œuvres.
On trouve dans ce groupe Charles Boland, avec des scènes de genre sans grand intérêt, mais également Henry Luyten, dont certaines œuvres sont notables. On retrouve une dimension plus lyrique, plus flamboyante, typiquement belge dans le sens d’une appropriation du baroque pour le style national.
Son tableau La grève est tout à fait représentatif de cela ; de trois mètres sur cinq, il fait partie d’un triptyque intitulé La lutte pour la vie, accompagné de Misère et de Après le soulèvement.
Misère est davantage marqué par l’orientation très particulière de Rubens ; on perd l’élément belge et d’ailleurs pendant la première guerre mondiale le peintre collaborera avec les Allemands pour renforcer le camp « flamand ».
Alexander Struys, un autre membre du groupe, fit scandale en 1876 avec Oiseaux de proie, intitulé Dieu est mort en flamand.
De manière plus développée, on a la peinture d’Evert Larock, également membre d’Als ik kan, puis du groupe dit des XIII, une scission. Voici L’escarbilleur, ainsi que L’idiot, deux œuvres éminemment marquées par l’impressionnisme, mais où le positionnement se veut naturaliste, preuve encore une fois de l’aisance à construire des ponts entre les deux approches.
Tout cela témoigne d’une grande vivacité culturelle, d’une véritable recherche d’une expression nationale, mais l’absence d’orientation réaliste fut le véritable problème, non résolu en raison de l’incapacité du Parti Ouvrier Belge à indiquer le chemin.