L’expérience la plus avancée dans la « zone des tempêtes » fut faite au Pérou, avec Gonzalo, qui aborde de manière ouverte la question de la pauvreté.
Voici comment le Parti Communiste du Pérou synthétise cette question :
« Le Président Gonzalo attribue une importance particulière à l’organisation scientifique de la pauvreté, principe qui nous vient de Marx, et qui signifie, pour nous, organiser la paysannerie,- principalement la pauvre – et les masses les plus pauvres des villes en Parti Communiste, Armée Populaire de Guérilla et en Etat Nouveau qui se concrétise en Comités Populaires.
Il établit la relation suivante: parler du problème paysan c’est parler du problème de la terre, et parler du problème de la terre c’est parler du problème militaire, et parler du problème militaire c’est parler du problème du Pouvoir, de l’Etat Nouveau auquel nous arrivons par la révolution démocratique que dirige le prolétariat à travers son Parti, le Parti Communiste. » (La révolution démocratique, 1988)
Comme on le voit, il est ici spécifiquement parlé de la paysannerie se désagrégeant dans les conditions particulières d’un pays semi-colonial semi-féodal.
Voici un autre passage où ce même point de vue est exprimé, pour formuler en quoi la cordillère des Andes forme le cœur du projet du Parti Communiste du Pérou, de par sa réalité sociale.
« Il spécifie la nécessité d’organiser scientifiquement la pauvreté et remarque que ceux qui sont les plus disposés à se rebeller, ceux qui réclament le plus ardemment que l’on organise la rébellion, sont les plus pauvres parmi les masses et qu’il faut prêter une attention toute spéciale à l’organisation révolutionnaire scientifique des masses.
Cela ne va pas à l’encontre des critères de classes, mais nous démontre que la pauvreté a son origine dans l’exploitation, dans la lutte de classes.
« La misère existe et elle côtoie de fabuleuses richesses, même les utopistes savaient, qu’elles vont de pair; énorme et provocante richesse à côté d’une pauvreté criante qui la dénonce. Il en est ainsi parce que l’exploitation existe ».
Thèse rattachée à Marx qui découvrit la puissance révolutionnaire de la pauvreté et la nécessité de l’organiser scientifiquement, c’est-à- dire, pour la révolution; Marx qui nous enseigna que le prolétariat, n’ayant pas de propriété, est l’unique classe créatrice qui détruira la propriété et se détruira elle-même en tant que classe.
Et à Lénine qui nous enseigna que la révolution sociale ne surgit pas des programmes, mais du fait que des millions de personnes disent qu’au lieu de mourir en souffrant de la faim elles préfèrent mourir pour la révolution.
Et au Président Mao qui conçoit que la pauvreté stimule le désir de changement, d’action, de révolution, qu’elle est une feuille de papier blanc, nue, sur laquelle on peut écrire les mots les plus nouveaux et les plus beaux (…).
Cette particularité est stratégique, car elle permet de comprendre que la révolution, dans le monde, se définit du côté des plus pauvres qui constituent la majorité et sont le plus disposés à se rebeller et, aussi, que dans chaque révolution on doit aller aux plus pauvres en appliquant les trois conditions que l’organisation scientifique de la pauvreté exige : l’idéologie, la guerre populaire et le Parti Communiste.
C’est ainsi que le Président Gonzalo nous dit : « la pauvreté est une force motrice de la révolution, les pauvres sont les plus révolutionnaires, la pauvreté est le plus beau des chants…. la pauvreté n’est pas un opprobre, c’est un honneur; notre cordillère avec ses masses est la source de notre révolution; ces masses, sous la direction du Parti Communiste, construiront de leurs mains un monde nouveau. Leur guide: l’idéologie, leur moteur: la lutte armée, leur direction: le Parti Communiste. » (La ligne de masses, 1988)
Il va de soi que toute utilisation de ces passages hors de leur contexte, de leur réalité historique, aboutirait à la thèse erronée et unilatérale de la paupérisation absolue.