La mi-mars 1968 doit être considéré comme la date où il est clair que la clique d’Alexander Dubček a pris le contrôle du pays. L’appel de l’évêque František Tomášek à la liberté religieuse, dans un article du Literární listy du 21 mars 1968, témoigne bien du changement complet d’atmosphère, tout comme la démission le 22 mars du poste de président du pays d’Antonín Novotný.

Le 28 mars, c’est le président du conseil des coopératives qui démissionne, le 4 avril c’est le ministre de la défense.

Un article du Literární listy du 4 avril 1968, signé Václav Havel et intitulé « Au sujet de l’opposition », appelle à la constitution d’un second parti à côté du Parti Communiste de Tchécoslovaquie, garant de l’émulation et de la nature d’un « socialisme démocratique ».

Le lendemain, le Parti Communiste de Tchécoslovaquie a son Comité Central réuni en session et dresse un programme d’action de 160 pages, intitulé « La voie au socialisme de la Tchécoslovaquie ».

Il y est parlé de « grave crise sociale », le document souligne l’absence de classes antagoniques et accorde une importance prépondérante aux couches intellectuelles, devenues « socialistes ». Il considère qu’il n’y a pas de socialisme sans « esprit d’entreprise », qu’il faut s’adapter à la division internationale du travail, cesser le monopole d’État dans les exportations pour laisser libre cours aux entreprises. Il remet en cause l’interventionnisme étatique dans la vie quotidienne et appelle à un équilibre total entre Tchèques et Slovaques.

Le 6 mai, le secrétaire du Comité Central dans le domaine des sciences, de la culture et des médias, Čestmír Císař, tint à Prague un long discours devant tous les membres du Comité Central, ainsi que tous les représentants du Front national, structure datant de 1945 et englobant les structures de masse, le PCT et quelques petits partis pro-PCT (František Kriegel en est le président depuis le 8 avril).

Čestmír Císař

Čestmír Císař

Čestmír Císař salua que le PCT procède à sa séparation de l’économie, de l’État, de l’administration. Il affirma qu’il fallait en revenir au marxisme, que le bolchevisme était une particularité propre à une époque et à un pays ; il fallait mettre un terme à la main-mise de conceptions dogmatiques dans le Mouvement Communiste International :

« Le phénomène de monopolisation de la théorie, de l’idéologie, de la stratégie et de la tactique du mouvement n’a pas encore disparu. Lorsqu’un parti fait un effort qui n’est pas en adéquation avec celui d’un autre parti, il est vite suspecté de révision du marxisme-léninisme.

Une expression extrême de cette tendance à monopoliser une interprétation générale du marxisme est aujourd’hui visible dans le maoïsme. Avec celui-ci, on atteint l’apogée d’une vieille conception dogmatique du socialisme, de son idéologie et de sa politique. »

Le 6 mai, le ministère de l’intérieur informe de la cessation d’activités de toutes les stations d’écoutes qu’elles géraient, ainsi que la fin du brouillage des émissions de radio des pays étrangers, sauf de Radio Free Europe (financée par le Congrès des États-Unis), affirmant que pour ce cas-là ce serait possible mais qu’il faudrait des négociations.

Le 9 mai, Ludvík Svoboda qui est le nouveau président depuis la fin mars accorde une amnistie politique générale, concernant des dizaines de milliers de personnes.

Le 29 mai, un vote des 2/3 du Comité Central – qui avait connu plusieurs remaniements au cours des semaines et ce jusqu’à la fin de l’été – suspend de leur appartenance au Parti Communiste de Tchécoslovaquie Antonín Novotný ainsi que toute une série de très hauts responsables de la justice et de la sécurité d’État. Cette dernière connaît une purge de 250 cadres.

Le 25 juin, la censure est abolie et l’assemblée nationale met en place une grande loi de réhabilitation de « victimes » pour la période allant de 1948 au 31 décembre 1956, ce qui est modifié pour passer de 1948 au 31 juillet 1965. Déjà le premier mai, le président Svoboda avait remis à titre posthume le titre de héros de la République Socialiste de Tchécoslovaquie à Vladimír Clementis et Josef Frank, exécutés en 1952.


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