La Tchécoslovaquie est devenue une démocratie populaire en 1948, à la suite de l’immense mouvement de rébellion populaire. Voici la présentation de l’organisation du nouvel Etat sur le plan de la justice.

L’administration de la justice repose, en Tchécoslovaquie, d’une part, sur une législation entièrement nouvelle, d’autre part, sur une partie de l’ancienne législation modifiée dans un sens démocratique. Aux termes de la Constitution, « l’Etat tchécoslovaque est une république de démocratie populaire et c’est du peuple que procède tout pouvoir s’exerçant à l’intérieur de l’Etat ».

A la fois dans la forme et dans la procédure, la vieille structure rigide de la justice a été simplifiée, humanisée, assouplie. Dans la forme : par l’introduction d’assesseurs populaires temporaires faisant office de juges dans les tribunaux, avec des pouvoirs égaux à ceux des juges professionnels ; dans l’exercice de la justice : par la modification des anciennes limitations apportées aux témoignages de sorte qu’une bien plus grande liberté est donnée à la magistrature assise pour décider quels sont ceux qui sont inadmissibles. Cela ne signifie pas, notons-le bien, qu’on repousse pour autant des témoignages qui auraient été admis par l’ancienne législation.

Les pouvoirs judiciaires sont exercés par des tribunaux indépendants composés en partie de juges de carrière et de juges populaires ; les juges populaires sont des hommes et des femmes venant des usines, des bureaux, de toutes les professions et qui exercent leurs pouvoirs judiciaires comme une des prérogatives de leurs droits de citoyen. Ces juges sont choisis par les comités nationaux, les autorités démocratiques locales qui sont bien souvent aidés dans cette tâche par les compagnons, les collègues ou les concitoyens des futurs juges ou même leurs voisins qui les désignent comme candidats.

Ainsi est né un nouvel appareil judiciaire composé de juges choisis au milieu de la population laborieuse et qui, par leur sagesse et leur expérience humaine de la vie, viennent heureusement compléter la science des juges de carrière : synthèse nouvelle susceptible de transformer les tribunaux en de véritables organes de la volonté populaire.

Les pouvoirs, quant à l’interrogatoire et à la décision proprement judiciaire, des assesseurs populaires sont, notons-le, égaux à ceux des juges de carrière et leurs décisions peuvent même prévaloir, à l’occasion, sur ceux des juges de carrière car les assesseurs populaires sont, dans la plupart des cas, en majorité.

Le serment des juges, prêté aussi bien par les uns que par les autres, les oblige à interpréter la loi dans l’esprit de la démocratie populaire. C’est cela qui les rend capables d’interpréter et d’appliquer la législation existant antérieurement dans un esprit nouveau et progressiste. La simplification du système judiciaire a réduit les catégories des tribunaux tchécoslovaques de la façon suivante : il existe aujourd’hui des tribunaux de district et des tribunaux régionaux, le tribunal d’État et la Cour suprême. Il existe aussi certains tribunaux d’arbitrage.

Les tribunaux de district

Les tribunaux de district sont des instances premières compétentes dans toutes les affaires civiles et criminelles, à de rares exceptions près. Un tribunal de district se compose d’un juge de carrière qui fait fonction de président (ou, comme on dit, président du siège) et de deux juges populaires. Le président siège seul pour les affaires non litigieuses et purement techniques, telles que les signatures d’actes et autres documents ordinaires, etc.

Quand il s’agit d’affaires susceptibles d’entraîner des condamnations à une peine de mort ou une peine supérieure à dix ans de prison, le tribunal de district se compose de deux juges de carrière dont l’un fait fonction de président et de trois juges populaires. Ainsi que nous l’avons déjà signalé, il y a toujours plus de juges populaires que de juges professionnels.

Les décisions sont prises à la majorité, en cas de désaccord. Juges populaires et juges de carrière ont des pouvoirs égaux. Le juge demeure deux ans en fonctions — période qui peut être renouvelée naturellement. Mais les juges populaires figurent sur une liste si longue qu’en fait aucun d’entre eux n’est en fonctions plus de quelques jours par an, si bien que leurs activités normales n’en souffrent pas.

Les citoyens ont le droit de faire appel aux tribunaux régionaux dans les quinze jours qui suivent la sentence. Dans chaque district il existe un ou plusieurs tribunaux de district selon les besoins.

La population moyenne d’un district tchécoslovaque est de 46 730 habitants. Ces tribunaux sont très près du peuple. Les juges des tribunaux de district sont choisis parmi les habitants du district et sont ainsi en contact étroit avec les conditions de vie des habitants, leurs besoins et leurs désirs.

Les tribunaux régionaux

Les tribunaux régionaux sont surtout des Cours d’appel, bien qu’en certains cas ils siègent comme première instance. Ceci vaut, par exemple, dans les affaires d’héritage lorsque la va leur du litige dépasse la somme de quinze mille couronnes et si l’une des parties est une entreprise nationalisée. Ils connaissent, en outre, de certaines affaires importantes intéressant la vie administrative de la nation.

Lorsqu’il siège comme juridiction de première instance, le tribunal régional se compose d’un juge de carrière et de deux juges populaires. Comme Cour d’appel il se compose de deux juges de carrière (dont l’un fait fonction de président) et de trois juges populaires. La durée des fonctions des juges, leur désignation, etc., obéissent aux mêmes règles que les tribunaux de district

Alors que la conception générale vise à amplifier la procédure en confiant dans beaucoup d’affaires la juridiction aux tribunaux de district et aux tribunaux régionaux, l’appel peut être, dans certaines circonstances, interjeté devant la Cour suprême. Ceci vaut pour des problèmes d’interprétation de la loi, mais non dans des cas de fait ou de témoignages douteux.

Ces dernières remarques s’appliquent bien entendu dans les seuls cas où appel a été interjeté après décision d’un tribunal de district. Lorsque le tribunal régional a siégé comme première instance, le droit d’appel est illimité. Il existe un tribunal régional dans chaque région et la population moyenne d’une région est de 641 933 habitants.

Le tribunal d’État

Le tribunal d’Etat est une instance régulière et non d’exception. II a son siège à Prague et sa juridiction s’étend à tout le territoire de la République. C’est une cour pénale ou criminelle qui agit comme cour de première instance dans les affaires d’infraction à la loi n° 231 sur la sauvegarde de la République de démocratie populaire ou, plus exactement, il connaît de ces crimes que la loi en question punit de la peine de mort ou d’un emprisonnement supérieur à dix ans.

Ce tribunal est aussi compétent pour connaître des affaires de la juridiction militaire.

Le tribunal d’Etat se compose de juges de carrière, civils ou militaires, et de juges populaires qui sont désignés pour une durée d’un an par le gouvernement sur des propositions faites par les autorités gouvernementales des régions et des districts. Des juges populaires sont également désignés dans les affaires militaires et sont choisis parmi les membres des forces armées sur la proposition du ministre de la Défense nationale.

Dans la plupart des cas, sauf les exceptions prévues par la loi, le tribunal d’État se compose de trois juges de carrière dont l’un fait fonction de président, et de deux juges populaires. Cependant les juges populaires ne participent aux délibérations que dans les cas prévus par la loi, par exemple, quand leur absence pourrait empêcher le tribunal de parvenir à une décision ou lorsque la reprise de la procédure a été décidée.

La Cour suprême

Elle est installée à Brno et a juridiction sur l’ensemble du territoire de la République.

Elle fonctionne comme Cour d’appel connaissant des décisions des tribunaux régionaux et du tribunal d’Etat. Mais la fonction principale de la Cour suprême intéresse les affaires de non-observation ou de mauvaise interprétation de la loi. Par exemple, il est possible que différents tribunaux régionaux viennent à interpréter la même loi de manière divergente de sorte que les jurisprudences pourraient varier d’une région à l’autre. C’est naturellement indésirable et c’est la fonction de la Cour suprême d’examiner, d’analyser et de prendre finalement une décision pour que la procédure et l’interprétation soient correctes.

Les questions de fait ne peuvent être portées devant la Cour suprême (exception faite lorsqu’elles ont été connues du tribunal d’Etat). Mais la Cour suprême a à connaître et connaît les erreurs de jugement lorsque ces erreurs proviennent d’une carence de science juridique ou d’une mauvaise interprétation de la législation républicaine.

Dans le cas où une erreur de ce genre est établie par la Cour suprême, l’instance inférieure d’où vient l’erreur doit réviser son jugement. Les membres de la Cour suprême, qui existait auparavant en Tchécoslovaquie, se sont vu adjoindre des juges populaires désignés par le gouvernement. Lorsqu’elle connaît d’affaires ordinaires, elle se compose de deux juges de carrière et dé trois juges populaires. Quand il est besoin, lorsqu’il s’agit de cas dont nous avons déjà parlé, d’établir une jurisprudence, le tribunal se compose de trois juges de carrière et de deux juges populaires. Les uns et les autres, en raison de la nature hautement technique de telles questions, doivent avoir une profonde culture juridique.

Les procureurs et les avocats

Les tribunaux de district, régionaux et le tribunal d’Etat ont chacun leur procureur du gouvernement assisté d’adjoints. Le procureur général est attaché à la Cour suprême.

Depuis la nouvelle République, le caractère inadmissible de la profession d’avocat — l’aspect financier — a été remplacé par le concept du service public. Le barreau a été reconstitué et réformé. Le devoir du barreau est de sauvegarder le nouvel appareil judiciaire populaire et d’agir en harmonie avec les nouvelles conceptions sociales.

Les juristes appartiennent à des associations régionales elles-mêmes affiliées à l’Association centrale des juristes installée à Prague.

Les juristes exercent leur profession dans leurs propres bureaux, mais iIs sont aussi obligés de servir pendant certaines périodes dans les centres de district et de région où ils sont tenus à donner des consultations légales libres. Ils tiennent un compte de tous les honoraires qui leur sont payés et les reversent au trésor de l’association régionale des avocats qui, en retour, paie une certaine somme à chaque juriste. Certains juristes sont aussi employés à cœur d’année pour défendre les intérêts des entreprises nationales dans les procédures civiles.

Mais quand on passe en revue la structure nouvelle de la justice en Tchécoslovaquie, il importe ayant tout de se pénétrer de cette idée que le nouvel appareil judiciaire est animé et inspiré par un esprit de dévotion à la cause du peuple.

Ainsi, bien des raisons de désaccord et de litige ont disparu. Dans son esprit comme dans sa lettre la législation et son application en Tchécoslovaquie ont subi des modifications dans le sens d’une véritable renaissance du droit.


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