Si l’on admet qu’il y a bien une lecture « informatique » effectuée par les guérillas urbaines d’Europe occidentale, alors on voit qu’il y a un problème simple de leur part.

En effet, elles disent : le capitalisme est un système d’exploitation, il y a des programmes qui tournent avec lui comme base et il faut leur opposer un contre-programme partant à la reconquête de l’ordinateur, secteur par secteur.

Or, la nature du changement du système d’exploitation n’est pas présentée (ni chez la Fraction Armée Rouge ni chez Action Directe ni chez les Brigades Rouges pour la construction du Parti Communiste Combattant).

La raison en serait que l’ensemble serait un processus et qu’établir formellement une transition au communisme serait une abstraction par rapport au processus de recomposition de la classe.

Le problème n’est cependant pas le « mouvementisme ». Le problème est simplement qu’alors les guérillas urbaines d’Europe occidentale ne peuvent plus justifier ce qui caractérise les révolutionnaires : la subjectivité, la détermination (au sens d’être déterminé).

Elles n’ont eu de cesse de souligner le poids croissant de la subjectivité dans les métropoles, le fait qu’être révolutionnaire ne pouvait jamais être un simple réflexe de la situation, qu’une rupture était nécessaire.

Mais d’où vient alors cette subjectivité ? De par leur démarche, la conclusion est alors que c’est une démarche négative : elle est fondamentalement anti-impérialiste.

C’est là une lecture toutefois erronée, car c’est perdre de vue que le nouveau dépasse l’ancien, que le « système d’exploitation » n’est pas effacé et remplacé, mais mis à jour. Un mode de production ne s’efface en effet pas : il est dépassé.

Cette erreur de la part des guérillas urbaines d’Europe occidentale a deux conséquences.

D’une part, la fixation sur la négation, puisque tout dépend finalement du système d’exploitation. D’autre part, une incapacité à voir ce qui naît comme nouveau, contre l’ancien, dans le cadre même du système d’exploitation.

En fait, les guérillas urbaines d’Europe occidentale ont eu la lecture « informatique » suivante :

avec le système d’exploitation utilisant des programmes pour contrôler le terrain et le noyau rebelle lançant un contre-programme pour lui arracher secteur par secteur.

Or, c’est erroné déjà car le système d’exploitation n’est pas extérieur au terrain réel de la lutte des classes, il n’y a pas de contradiction État / société comme le formulent les guérillas urbaines d’Europe occidentale. Tout cela relève de la même base : le mode de production capitaliste.

Mais c’est surtout erroné car il n’y a pas de système d’exploitation à effacer et à remplacer. Le capitalisme et le socialisme sont une seule et même chose : ce sont les deux aspects de la contradiction.

Il y a bien une bataille du socialisme pour conquérir des secteurs au capitalisme – c’est-à-dire recomposer la classe ouvrière pour la faire triompher. Mais il n’y a pas une muraille de chine entre capitalisme et socialisme.

Cela pose la question de la correspondance entre les forces productives et les rapports de production : c’est le sens d’une mise à jour, qui est en quelque sorte un processus de téléchargement marqué par des avancées rapides, des stagnations, des reculs, des « bugs » (un processus marqué par la non-linéarité).

Les gauchistes ont cherché à échapper à ce problème en disant qu’il n’y a que le capitalisme et qu’il faut la guerre sociale totale, les droitiers ont nié le problème en disant qu’il y avait une muraille de Chine entre capitalisme et socialisme (ce qui revient au syndicalisme révolutionnaire).

En réalité, le capitalisme est déjà le socialisme et en même temps il ne l’est pas ; poser la négation c’est poser l’affirmation et inversement. Ce qui implique que la rébellion ne suffit pas : il ne faut pas simplement un contre-programme visant à casser les programmes d’un système d’exploitation à supprimer.

Il faut un nouveau « système d’exploitation » capable de prendre le relais du précédent, de l’ancien « système d’exploitation ». Les communistes doivent établir le mode de fonctionnement systématique capable de se placer comme suite historique du capitalisme, comme dépassement. Il faut bien une vision du monde.


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