D’autres operaistes, hostiles au choix de Mario Tronti de rejoindre le Parti Communiste italien, chercheront à maintenir l’operaisme, mettant en place les organisations Potere Operaio, Lotta Continua, Autonomia Operaia.
Toni Negri en est la principale figure historique et c’est désormais la quête permanente du « sujet révolutionnaire » propre à la restructuration en cours dans le capitalisme.
Il s’agirait de le trouver pour qu’il s’agite et qu’il fasse dynamiter le contrôle capitaliste sur l’ensemble du bloc ouvrier encore divisé. La CGT française faisait de même dans les années 1900-1910 avec son action directe passant notamment par les cheminots.
Ce n’est pas là une conception « informatique » du monde, mais du syndicalisme révolutionnaire mêlé à la théorie social-démocrate du capitalisme organisé.
Dans son document de formation intitulé Qu’est-ce que le pouvoir ouvrier ?, Potere Operaio explique la chose suivante en 1971 :
« Potere Operaio existe comme organisation nationale depuis ’69, depuis les luttes chez FIAT en ’69, depuis la préparation des groupes révolutionnaires à l’action dans les luttes pour les tarifs et contre les accords; mais en réalité, comme hypothèse politique – issue de toute une série d’expériences (« Quademi rossi »; « Classe operaia ») – Potere Operaio part du début des années 60.
[Quaderni Rossi – les cahiers rouges – a été une revue publiée de 1961 à 1965 ; les gens à l’origine de Potere Operaio ont quitté la revue en 1963 pour publier « Classe operaia » – Classe Ouvrière.] (…)
L’insurrection du prolétariat en juillet ’60, les premières grèves sauvages chez FIAT, sont les sonnettes d’alarme pour les capitalistes en Italie.
Et c’est ainsi que la classe politique, la classe capitaliste progressiste en Italie, entend changer de jeu et transposer dans le pays des modèles de développement avancés, qui ont déjà été essayé aux États-Unis et au niveau des pays capitalistes avancés au niveau du marché mondial.
C’est une tentative d’aller au-devant des initiatives des travailleurs et de préparer l’orchestration politico-culturelle afin que le capital devienne capable de reconnaître et d’interpréter les mouvements de classe; c’est aussi une sorte de « prologue » au réformisme, une sorte de « loi-cadre » du réformisme.
Le patronat le plus moderne et le plus progressiste – le privé comme le public – et le personnel politique du côté capitaliste voyant le plus loin comprennent que pour garder le contrôle sur la force de travail il est nécessaire d’imposer une gestion et une conduite démocratiques des rapports du travail ;
de faire participer les travailleurs au plan de développement, de canaliser l’insubordination des travailleurs de telle manière que cela devienne un élément dynamique du système, de dépasser les contradictions et les problèmes d’équilibre par la programmation, les travaux de recherches, le plan, et par la définition fonctionnelle de l’État comme cerveau du capital, et plus seulement comme policier ;
dépasser donc cela par la définition fonctionnelle de l’État comme régulateur des conflits entre capitaliste et capitaliste et avant tout entre travailleurs et capital (…).
On doit ainsi travailler avec l’hypothèse suivante : contre la nouvelle programmatique de l’État planificateur capitaliste, contre le nouveau niveau de coordination capitaliste sur le plan international, contre cette machine, qui semble être brillante, parfaite et sans point faible, il s’agit de trouver le point faible.
Et ce point faible consiste en ce que le réformisme, que le plan réformiste – comme tout plan réformiste – doit nécessairement s’appuyer sur le consensus de la classe ouvrière.
C’était le point faible, c’est là qu’il faut se battre, et en effet il s’agit que les travailleurs refusent le consensus et l’approbation du réformisme.
Camarades, c’était la découverte de l’autonomie (…). Nous avons fait l’expérience suivante: eu égard un capital ayant réduit ses contradictions intérieures à un minimum, nous avons tenté de faire jouer jusqu’au bout la contradiction principale, qui reste insoluble – la contradiction entre travailleur et capital – et d’organiser cette organisation à partir du rapport de production. »
Ce qui est appelé « autonomie », c’est simplement la formation d’un bloc ouvrier, dans une perspective finalement syndicaliste révolutionnaire, pour faire face à un capitalisme qui serait « organisé » au moyen de l’État, ce qui est la conception social-démocrate des années 1920.