Pour qu’on puisse passer des dieux des étoiles au Dieu des saisons, il faut qu’il ait eu une base permettant la généralisation des dieux des étoiles. C’est ici qu’il faut se tourner vers le rapport entre les femmes et la lune.
Il y a une équivalence temporelle – qui relève du hasard, car il n’y a pas de lien matériel – entre les cycles menstruels de la femme et les 13 cycles de la lune pendant une année solaire.
Le lien, considéré alors comme plus que symbolique, avait été fait par l’humanité primitive. La Vénus de Laussel, qui date d’il y a 20 000 ans, qui tient une lune, est un exemple parlant de déesse-mère associée à la lune.
C’est que l’humanité primitive, avant de se tourner vers les étoiles, a d’abord observé le soleil et la lune. Les étoiles servent à se repérer, mais leurs passages dans le ciel exigent un certain niveau d’observation, la conservation de ces observations et de nombreux calculs, compliqués qui plus est.
Il a fallu donc une très longue période avant qu’on passe de l’observation du soleil et de la lune à celle des étoiles.
Naturellement, si l’on observe le soleil, il y a deux phénomènes qui s’imposent : le solstice et l’équinoxe. Si la Terre fait en effet le tour du soleil, son plan est incliné, alors qu’elle fait un tour sur elle-même en 24 heures.
Ce décalage aboutit au fait que le jour et la nuit ne sont pas de durée égale. Le jour le plus long dans l’hémisphère nord est appelé le solstice d’été (et se produit en juin, le 20 ou le 21), le jour le plus court est appelé le solstice d’hiver (et se produit en décembre, le 21 ou le 22).
Pour les solstices de l’hémisphère sud, il suffit d’intervenir les dates : le Nord connaît le jour le plus long quand c’est le jour le plus court pour le Sud et inversement.
On remarquera concernant le jour le plus court que la naissance du Christ a été justement placée en conformité avec la fête païenne du solstice d’hiver, moment où le soleil commence à « revenir ». On a ici une convergence « solaire ».
Et il y a les équinoxes. C’est le moment où le jour et la nuit durent chacun douze heures, avec le soleil qui se lève à l’Est et se couche à l’Ouest, car étant à la verticale au-dessus de l’Équateur.
L’équinoxe du printemps se déroule en mars dans l’hémisphère Nord et en septembre dans l’hémisphère Sud ; l’équinoxe d’automne a lieu en septembre dans l’hémisphère nord et en mars dans l’hémisphère sud.
C’est là où on débouche sur la question des mégalithes, qui sont apparus au néolithique. Plus exactement, il faut parler des structures d’apparence religieuse ou mystique, avec un cercle et des mégalithes.
Le plus connu est Stonehenge ; on peut mentionner le site de Sarmizegetusa en Roumanie, celui du cromlech des Almendres au Portugal, celui de Carahunge en Arménie, celui de Brahmagiri en Inde au Karnataka, ou encore celui de Sénégambie, à la frontière du Sénégal et de la Gambie.
Le phénomène est mondial ; l’humanité a, partout, raisonné en termes de cercle et de grandes pierres dressées, dont on connaît en France les menhirs et les dolmens, notamment à Carnac, bien que dans ce cas-ci il ne semble pas y avoir de cercles pour ce qu’on en sait.
D’innombrables analyses ont eu lieu à chaque cas, pour voir dans quelle mesure il y avait vraiment un rapport avec les solstices et les équinoxes. Dans certains cas, comme Carahunge, c’est démontré : des trous sont présents et plusieurs d’entre eux sont tournés vers le lever du soleil au solstice, plusieurs autres au coucher du soleil le même jour.
Le complexe de Chanquillo, au Pérou actuel, qui a 2 200 ans, est ici très intéressant : il consiste en treize empilements formant des petites tours de plusieurs mètres de haut et dans les créneaux formés, on peut suivre toute l’année le mouvement du soleil.
Lors du solstice d’été, le 21 décembre, le soleil se lève à droite de la première tour. On peut ensuite le suivre, jusqu’au 21 juin où, pour le solstice d’hiver, il se lève à gauche de la dernière tour.
Et il faut associer à ce phénomène des mégalithes les tumulus, dont l’un des plus fameux est celui de Newgrange, en Irlande. On parle ici de tombes construites comme des tertres artificiels.
On les trouve sur toute la planète, avec par exemple les Kofuns japonais, celui de Krakus en Pologne, celui du grand serpent aux États-Unis d’Amérique dans l’Ohio.
Il n’est pas bien difficile de voir que les pyramides qui vont suivre sont le prolongement direct des tumulus, avec d’ailleurs la même fonction de tombeau en Égypte. Ce n’est pas le cas en Mésoamérique, où par contre on trouve des références aux étoiles.
Cela fait que, si on reconstruit de manière dialectique, les mégalithes et les tumulus relèvent du soleil et de la lune, les pyramides des dieux liés ou assimilés aux étoiles.
Le problème archéologique qu’on trouve ici est que s’il semble évident que les mégalithes sont liés à l’observation du soleil et de la lune, il n’y a jamais eu de preuve permettant de l’affirmer avec certitude.
Il est tout à fait possible ici qu’il ne faille pas surestimer l’humanité primitive dans ses capacités d’observation des solstices et des équinoxes. Cela se voit avec les grottes où l’on trouve des peintures rupestres.
Une hypothèse, là encore non prouvée mais indéniablement intéressante, est que les grottes avaient été choisies de telle manière à « capter » la lumière au moment des solstices et des équinoxes.
Si on prend le grand Temple d’Abou Simbel, construit vers 1260 avant notre ère, on a le soleil qui entre les 21 février et 21 octobre au niveau des statues qui s’y trouvent. Le 21 février, c’est le dieu Amon et le pharaon Ramsès II, et le 21 octobre, en sens contraire, c’est Rê-Horakthy, dieu du soleil, puis Ramsès II de nouveau. À chaque fois, le dieu des ténèbres, Ptah, reste dans l’ombre.
Au temple maya dit des sept poupées de Dzibilchaltún, lors de l’équinoxe de printemps, le soleil qui se lève envoie la lumière sur une fenêtre pour traverser la fenêtre opposée. C’est un exemple parmi bien d’autres de la démarche mésoaméricaine.
Un exemple connu est également le serpent visible chaque équinoxe sur la pyramide mésoaméricaine de Chichen Itza, fruit d’une grande ingéniosité architecturale et d’une connaissance avancée de l’astronomie.
Notons également le site maya d’Uaxactun, dont le nom original était Siaan K’aa (« né dans le Ciel »), qui est ici une petite merveille de construction dans son rapport aux solstices et aux équinoxes. La pyramide fait face à trois temples et depuis celle-ci, on peut voir une partie du soleil à gauche du premier temple lors du solstice d’été, une partie du soleil à droite du troisième temple pour le solstice d’hiver et une partie du soleil au-dessus du temple du milieu lors des équinoxes.
Pour en arriver là, il a fallu tout un très long processus historique, de la part d’une humanité peu complexe. Jusqu’où faut-il remonter, telle est la substance de la question.
Et il est évidemment difficile de savoir ce que les êtres humains pensaient lors de leur installation, il y a plus de 35 000 ans au moins, dans des grottes où ils firent des peintures.
Eyzies-de-Tayac-Sireuil, qui a rejoint d’autres communes de Dordogne en 2019 pour former Les Eyzies, est une capitale mondiale de ces grottes, avec celle de Font-de-Gaume (200 gravures et peintures), celle des Combarelles (600 représentations), celle de Saint-Cirq (dite du Sorcier).
L’expression « homme de Cro-Magnon » pour désigner l’Homo Sapiens du paléolithique dit supérieur (45 000 – 12 000 avant nous) vient précisément d’Eyzies-de-Tayac-Sireuil, l’endroit où des squelettes vieux de plus de 27 000 ans ayant été trouvé étant désigné en occitan comme Cròsmanhon (« cros » signifiant creux en occitan).
On trouve également en Dordogne la très fameuse grotte de Lascaux. On trouve ainsi de très nombreuses interprétations – des plus crédibles aux plus farfelues – concernant l’art pariétal. En ce qui concerne la grotte de Lascaux, il y a des points dessinés aux côtés d’un taureau : s’agit-il d’une représentation des étoiles les plus visibles, appelées la Pléiade, de la constellation du Taureau ?
Néanmoins, la grande question est de savoir si les représentations sont simplement ce qu’elles sont – des images d’animaux surtout – ou bien s’il faut y chercher un lien avec l’astronomie.
Pour la vision bourgeoise du monde, les êtres humains sont des « individus » avec une conscience individuelle ; pour le matérialisme dialectique, ce sont des animaux développant leur cerveau, avec une conscience qui se fonde sur la vision du monde propre au mode de production.
Il est donc évident que les activités humaines de type culturelles sont liées au culte du soleil et de la lune, puis des étoiles.
Le fait que les défricheurs de la question des étoiles soient totalement inégaux dans leurs recherches – si on omet ceux qui émettent la théorie des « anciens astronautes » extraterrestres et qui sont par ailleurs toujours liés à l’extrême-droite occultiste, nazie – ne doit pas étonner. On a là un mur historique, celui de la compréhension de l’humanité par l’humanité, à travers les époques, à travers les modes de production.
C’est un ingénieur britannique, Alexander Thom (1894-1985), qui a, seul puis en compagnie de son fils et de son petit-fils, parcouru pendant 30 ans les sites mégalithiques de son pays. Il a considéré qu’il s’agissait de lieux permettant d’avoir une lecture astronomique des cieux, ce qui apparaît désormais comme juste, alors qu’il a été ridiculisé alors.
Et, en même temps, Alexander Thom avait plongé dans le fantasme d’un Yard mégalithique, de 82,9 cm et toujours à 1 mm près, qui aurait été la base de réalisation des mégalithes dans toute la Grande-Bretagne !
C’est un exemple de développement inégal dans le défrichement dans le domaine de l’Histoire, en particulier pour ces temps si lointains qui mènent à nous et où sans le matérialisme dialectique on fait une boucle et on voit l’avenir dans le passé, d’où la théorie délirante d’une civilisation extraterrestre ayant apporté des connaissances scientifiques fabuleuses, avec des pyramides électriques, etc.
C’est pareillement un autodidacte, l’Américain Alexander Marshack (1918-2004), qui a le premier mis en valeur les incisions sur les objets du paléolithique. Pour lui, il s’agit non seulement des traces d’un raisonnement mathématique, mais aussi de calculs relevant de l’observation du ciel.
L’os d’Ishango, datant de 20 000 ans et trouvé au Congo, contient des incisions sur chacune de ses faces; leur disposition laisse clairement penser aux mathématiques. Mais s’agissait-il d’un outil pour compter les mouvements dans le ciel ?
L’os de Lebombo, trouvé dans le Sud de l’Afrique et datant de 40 000 ans, a 29 incisions. Est-ce pour compter la lune, les périodes menstruelles ? Si on considère qu’il manque un bout de l’os, on tombe encore plus dans les conjectures.
Néanmoins, de manière matérialiste dialectique, si on part du principe que l’être humain est en évolution, alors, dans cette période où il a faim, froid, où il est carencé, où son esprit en formation… il ne pouvait qu’être littéralement happé par le soleil et la lune.
L’humanité était prisonnière d’une vie quotidienne entre la terreur et la joie, dans la survie et la découverte, et ses crises physiques, psychologiques, psychiques, devaient être terribles.
La religion – ici de la lune et du soleil – servait de synthèse des constats faits par l’expérience et de moyen de se rassurer, afin d’être en phase avec le monde.