Visite de Brejnev à l’usine Pepsi-Cola en URSS

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Le rétablissement du capitalisme dans les campagnes ne cessa de se renforcer. Ainsi, en 1964, les kolkhoziens pouvaient posséder une vache, un veau plus les veaux nés dans l’année, une truie avec ses petits ou un porc « gras », trois moutons ou chèvres avec leurs petits (cinq au cas où il n’y aurait pas de vache ou de porc), des poulets et des ruches en nombre illimité.

L’acquisition d’une vache était aidée par un crédit d’État, les particuliers pouvaient directement acheter du fourrage d’État, ainsi que faire paître les vaches sur les terres publiques. Les impôts sur le bétail possédé par les citadins disparurent ; les prix de vente sur le marché privé étaient libérés.

La possession de lopins de terre à cultiver était de plus en plus autorisé pour tous, et devenait même une obligation pour les instituteurs, les médecins et les techniciens vivant et travaillant dans les campagnes.

En 1966, 3 % seulement des terres cultivées – dépendant de la petite production capitaliste – produisaient 60 % des pommes de terre, 40 % de la viande et des légumes, 39 % du lait, 68 % des œufs. C’était un triomphe pour le secteur capitaliste, si on pense en plus qu’une importante part du reste dépend des kolkhozes placés en situation d’autogestion.

Cependant, en plus de cette ligne dans les campagnes, associée au renforcement du complexe militaro-industriel, il y avait la nécessité toutefois une seconde étape, mis en place par Leonid Brejnev lui-même, et connue sous le nom de « réforme Liberman », du nom de l’économiste Evseï Liberman.

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Il était, en effet, nécessaire de procéder à la libéralisation de l’industrie elle-même. Le plan avait été brisé dans sa dimension centrale ; il fallait désormais rétablir la concurrence.

Le principe fut en fait le même que pour les kolkhozes, qui devaient désormais acheter les machines et établir leur propre plan. Les entreprises, désormais, étaient indépendantes. Elles disposaient de fonds propres à investir comme elles l’entendaient, devant s’arranger avec d’autres pour se procurer des matières premières, établir des contrats à long terme, déterminer le nombre d’emplois qu’elles créaient, la variété des biens qu’elles décidaient de produire, etc.

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Les entreprises peuvent alors louer ou vendre à d’autres entreprises des parties d’elles-mêmes, que ce soit des structures de production ou bien des bâtiments, la production elle-même, etc. ; le capital obtenu ne peut pas leur être enlevé : chaque entreprise est devenue une unité autonome.

Et bien entendu, qui dit indépendance financière des entreprises dit capacité de celles qui ont le plus de capital à prêter à crédit. En fait, la moitié du capital des entreprises devint au bout de quelques années dépendant du crédit, avec des intérêts tournant autour de 4-5 %.

L’économie existe ainsi désormais pratiquement sans le plan ; dès 1970, 78,8% de l’investissement total provenait directement des fonds des entreprises. L’ensemble des 44 300 entreprises industrielles fonctionne selon ce principe (il y en avait 704 en 1966, 7248 faisant 50 % des profits en 1967, 26850 en 1968, 36049 en 1969).

Pour parfaire également le système, les directeurs de chaque entreprise se voient attribués un rôle d’autorité suprême. Ils décident d’absolument tout, librement : des investissements et des contrats jusqu’aux embauches et aux licenciements.

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A partir de 1971, sur une décision du 24e congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique, les entreprises sont également encouragées à s’organiser en « associations de production » ; dès 1973, il y en a déjà 5000, exprimant une faramineuse tendance à la concentration : à peine les entreprises en concurrence, qu’on a déjà un capitalisme monopoliste qui se développe à très grande vitesse.

L’État, de son côté, ne suivait plus que quelques indicateurs principaux : la quantité des biens produits, leur prix, le bilan comptable global, les profits et la profitabilité, le budget national, les investissements dans les nouvelles technologies, les équipements et le volume des matières premières.

Concrètement, l’État supervisait l’ensemble de l’existence de la production et de la consommation, mais simplement de manière quantitative, et sans gérer aucun paramètre productif.

Il s’agissait officiellement, bien entendu et comme toujours, de mener un combat « anti-bureaucratique », sans toucher à la base socialiste. Le Comité Central du Parti Communiste d’Union Soviétique expliquait ainsi en 1965 dans sa « Décision pour améliorer la direction de l’industrie dans la réforme économique soviétique : Caractéristiques et objectifs principaux » :

« La production des entreprises est régulée par de nombreux indices qui limitent l’indépendance et l’initiative du personnel des entreprises, diminuent leur sens des responsabilités. Pour améliorer l’organisation de la production il est judicieux de mettre fin à une régulation excessive de l’activité des entreprises, de réduire le nombre d’indices imposés aux entreprises. »

Les conséquences étaient bien entendu de grande importance pour le renforcement de la couche bureaucratique devenant une véritable bourgeoisie. De manière tout à fait officielle, les quelques pour cents de responsables des entreprises recevaient 43,9% des fonds d’intéressement des entreprises, contre 50,7% aux prolétaires.

Ceux-ci connaissaient des vagues de migration afin de chercher des conditions de travail meilleures ; dès 1967, 5,5 millions de personnes s’étaient déplacés de ville en ville, 3,1 millions de village en ville, 1,5 million de ville en village, et sans doute plusieurs millions de villages en villages.

Les pénuries, les destructions écologiques et l’inflation se généralisaient, pour la simple raison que dans la recherche du profit maximum dans le cadre d’une domination monopolistique, les entreprises étaient totalement libres de leurs choix et de leurs prix.

De la même manière que dans l’impérialisme une petite couche oligarchique a tendance à se former, vivant à part, capable de consommer des biens comme elle le souhaite, le « Parti Communiste » devenait une bourgeoisie formant une véritable caste.


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