Dans les Essais sur l’économie politique du capitalisme, Eugen Varga rétablit bien entendu également ouvertement par ailleurs sa théorie comme quoi l’État en pleine guerre est capable de « planifier », même s’il précise que ce n’est pas dans un sens soviétique. Il la généralise en affirmant que l’Inde a également un plan désormais où l’État est capable d’avoir un réel effet sur l’économie :
« Dans une certaine mesure, l’État réussit à guider le développement de la production et des forces productives comme un tout, par la régulation planifiée des investissements directs de capitaux dans le secteur d’État, et en faisant que la politique de taxation influence les nouveaux investissements dans le secteur privé, ce qui n’est pas le cas dans l’anarchie complète de la production.
Nous soulignons encore une fois que dans le capitalisme, il ne peut pas y avoir de planification authentique. Mais, en même temps, il ne peut pas être nié que six pays du marché commun [européen] ont « planifié » leur politique économique pour une période de vingt ans à l’avance, et sont dans une certaine mesure en train de réaliser ce plan. La Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier agit également suivant un plan.
Cela montre que l’assertion dogmatique comme quoi il n’y a que deux alternatives – l’anarchie complète de la production ou une économie complètement planifiée – est impraticable, non conforme à la vérité et donc anti-marxiste. »
Cette reconnaissance d’une tendance historique à la planification pour ainsi dire, va de pair avec la collusion avec l’impérialisme, entre partenaires présentés comme rationnels. Eugen Varga salue donc le fait que le 20e congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique ait remis en cause la thèse de l’inéluctabilité de la guerre inter-impérialiste :
« Le 20e congrès du PCUS a mis en terme à cette conception erronée sur l’inéluctabilité des guerres. On lit dans la résolution du congrès : « Le précepte léniniste selon lequel tant que l’impérialisme existe, la base économique donnant naissance aux guerres est également préservée, reste valable. C’est pourquoi il est nécessaire de disposer de la plus grande vigilance… Mais la guerre n’est pas fatale, de manière inévitable. »
Le problème pourrait être considéré comme résolu. Et pourtant il y a ceux qui pensent que cette négation de l’inéluctabilité des guerres se réfère uniquement aux guerres entre les camps impérialiste et socialiste, et que cela ne s’applique pas aux guerres inter-impérialistes, même dans les conditions modernes.
Certains dogmatiques, pour cette raison, continuent à réitérer les arguments erronés avancés par Staline. Pour cette raison, nous considérons qu’il est nécessaire de porter un regard attentif sur le raisonnement de Staline. »
Eugen Varga dit alors : Staline s’appuie sur le fait que des pays impérialistes ont été obligés de s’allier à l’URSS pendant la seconde guerre mondiale. Cependant, dit Eugen Varga, à l’époque les capitalistes pensaient que le socialisme en URSS ne durerait pas, que c’était juste transitoire avant un retour du capitalisme. Or, aujourd’hui, affirme-t-il, il existe une puissante URSS, dont tout le monde voit la stabilité.
Eugen Varga avait pourtant affirmé le contraire dans les années 1930, constatant bien que personne dans la bourgeoisie ne niait que le socialisme était solidement installé en URSS, que personne ne s’attendait à son écroulement à court terme.
À cela s’ajoute que, selon Eugen Varga, l’État aurait appris des événements :
« Nous pensons pour cette raison que même s’il y a des raisons économiques pour des guerres inter-impérialistes, et même si la lutte pour les sources de matière première et les marchés, et pour l’export du capital, n’est pas moins aiguë entre les impérialistes qu’elle l’était avant la seconde guerre mondiale, les hommes d’État bourgeois ont tiré une leçon des Première et Seconde Guerre mondiale, qui ont arraché au capitalisme son pouvoir sur un tiers de la population mondiale, et qu’ils voient par conséquent les dangers planant sur leur classe s’ils permettent à une nouvelle guerre de survenir (…).
La possibilité d’une nouvelle guerre inter-impérialiste n’est pas exclue. Mais tant que la décision de paix ou de guerre n’est pas laissé à la discrétion d’un fou comme Hitler, mais aux hommes d’État bourgeois conscients de ce quelle menace implique la guerre pour le système capitaliste, cela ne se produira pas. »
On retrouve ici deux thèses : celle de la primauté de l’État sur les monopoles, mais également celle du « capitalisme organisé », qui serait en mesure de raisonner, de voir ce qui est le mieux pour lui.