En 1963, Eugen Varga publia les Essais sur l’économie politique du capitalisme. Il y développe certaines questions du capitalisme monopoliste d’État, et notamment le fait que selon lui celui-ci soit un prolongement de l’impérialisme.

Il y aurait le capitalisme, l’impérialisme, puis le capitalisme monopoliste d’État :

« La transition finale au capitalisme monopoliste d’État commença seulement durant la Première Guerre mondiale (…).

Il s’est affaibli à la fin de la Première Guerre mondiale, est devenu plus fort durant la crise économique de 1929-1933, s’est intensifié durant la seconde guerre mondiale, s’est légèrement affaibli après elle, et maintenant connaît une relance nouvelle qualitativement, s’exprimant par la mise en place d’organisations monopolistes d’État supra-nationales et dans les tentatives de créer un capitalisme monopoliste d’État supra-national. »

Il cite Kuusinen, une figure de l’Internationale Communiste, passé comme Thorez et Togliatti dans le camp du révisionnisme :

« Dans mon opinion, la meilleure définition du développement du capitalisme monopoliste d’État a été donné par O.V. Kuusinen, qui a dit :

« Initialement, il a été considéré comme une sorte de « mesure d’urgence », ressorti seulement durant l’époque de la guerre ou durant une grave crise économique ou politique, et abandonné au moment où « l’urgence » était passée.

À présent, la bourgeoisie impérialiste ne peut plus maintenir sa domination sans le capitalisme monopoliste d’État, même pour des périodes relativement normales. Cela est dû par l’aggravation de la crise générale du système capitaliste, à la désintégration grandissante du capitalisme et à l’affaiblissement de ses forces internes – économiques, politiques et idéologiques. » (revue marxiste mondiale n°4, Prague, 1960)

La bourgeoisie monopoliste (l’oligarchie financière) a pris cette route historiquement inévitable. »

On est là dans la mise en valeur d’une nouvelle conception du capitalisme, véritablement post-léniniste.

Eugen Varga dresse également dans l’ouvrage un panorama économique assez précis de la nature du capitalisme monopoliste d’État. Celui-ci amènerait à la naissance d’un cycle unique dans l’ensemble du monde capitaliste, qui ramène à la thèse social-démocrate du super-impérialisme.

Eugen Varga prend bien soin que dans ce processus, le taux de profit ne serait pas pour autant au maximum, Staline ayant selon lui tort d’affirmer que lorsque les monopoles ont le dessus c’est ce taux qui primerait.

Il profite également de l’ouvrage pour attaquer Staline sur la question de la paupérisation absolue. Staline parlait du tout début des années 1950 et, effectivement, a remis en 1952 en cause sa propre conception de la stabilité relative des marchés malgré la crise. C’était une erreur, mais Eugen Varga profite surtout de dix années de données économiques pour critiquer le point de vue Staline portant sur une autre période.

Il dit ainsi :

« Le problème de la paupérisation absolue est bien plus compliqué que celui de la paupérisation relative.

Tous les marxistes sont d’accord pour dire que dans le capitalisme, la paupérisation relative est un phénomène constant. Mais ils ont des points de vue différents sur les méthodes à utiliser pour le prouver et également quant au rythme de la paupérisation.

En général, il y a une large divergence de vues quant au problème de la paupérisation absolue.

Les apologistes du capitalisme, les sociaux-démocrates de droite et quelques renégats comme [l’américain, ex-communiste] Browder, déclarent qu’il n’y a pas de paupérisation absolue (…).

Entre 1947 et 1953, les travailleurs dirigeants de l’Institut d’économie de l’Académie des sciences d’URSS (après sa fusion avec l’Institut pour l’économie mondiale [fondée et dirigée par Eugen Varga, alors mis de côté]), ont adopté de manière officielle la considération selon laquelle la paupérisation absolue de la classe ouvrière était constante à travers le monde capitaliste.

Certains parlèrent même d’un paupérisation progressive continue, c’est-à-dire d’un recul progressif dans les salaires réels. »

Le piège est bien entendu qu’Eugen Varga utilise des données des années 1950 et du début des années 1960 pour critiquer la thèse soviétique de la période d’après-guerre. Le contexte dont parle Eugen Varga n’était plus du tout le même, rien qu’avec l’URSS passé dans le camp de la prétendue coexistence pacifique.

Mais c’était en fait la nature de l’ouvrage que de rejeter le passé, cela consistait en une vraie entreprise de démolition des thèses de Staline ; c’était un vrai manuel pour les cadres révisionnistes.


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