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Kliment Vorochilov, Joseph Staline et Mikhaïl Kalinine – années 1930
KALININE Mikhaïl Ivanovitch (1875-1946). Un des dirigeants éminents du parti communiste et de l’Etat soviétique, remarquable propagandiste du marxisme-léninisme. Né dans une famille paysanne, en novembre 1875, à Verkhniaïa Troïtsa, province de Tver.
En 1893, il s’embauche comme ouvrier à l’usine « Stary Arsénal » (Pétersbourg) et en 1896, comme tourneur à la fonderie de canons de l’usine Poutilov. C’est à cette époque qu’il commence à participer au travail révolutionnaire des organisations ouvrières clandestines, et s’affirme comme un ouvrier d’avant-garde. Membre actif de l’« Union de lutte pour la libération de la classe ouvrière » de Pétersbourg, il adhère au P.O.S.D.R. en 1898.
Révolutionnaire professionnel, persécuté par le gouvernement tsariste, il milite à Pétersbourg, Tiflis, Rêvai, Moscou, prend une part active à la révolution de 1905-1907, est délégué au IVe congrès du P.O.S.D.R. En 1912, à la conférence de Prague, il est élu membre suppléant du Comité Central du Parti communiste et membre du Bureau russe du C.C.
En 1912-1914, Kalinine est un collaborateur actif du journal « Pravda ». Pendant la Révolution de Février (1917) il dirige avec d’autres la lutte héroïque des ouvriers et des soldats de Pétersbourg, et plus tard, participe activement à la Grande Révolution socialiste d’Octobre. Il sera l’un des chefs les plus éminents du jeune Etat soviétique.
En mars 1919, après la mort de Sverdlov, sur proposition de Lénine, il est élu président du Comité exécutif central de Russie. Depuis lors et pendant 27 ans, il dirige, plein d’abnégation, l’organe supérieur de l’Etat soviétique et consacre toutes ses forces à consolider la patrie socialiste, à souder l’alliance des ouvriers, des paysans et des intellectuels l’amitié des peuples de l’Union Soviétique.
En décembre 1922, lors de la formation de l’U.R.S.S., Kalinine est élu président du C.B.C. de l’U.R.S.S. et, en janvier 1938, président du Présidium du Soviet Suprême. De 1926 à 1946, il est membre du Bureau politique du P.C.(b) de l’U.R.S.S.
Lors de l’édification socialiste pacifique, après la fin victorieuse de la guerre civile, il consacre toutes ses forces et toutes ses connaissances, toute sa riche expérience, à renforcer le régime politique et social du pays des Soviets. Compagnon d’armes fidèle de Lénine et de Staline, il lutte inlassablement contre les ennemis du parti et du peuple, pour le triomphe du léninisme.
Propagandiste brillant et infatigable de la théorie marxiste-léniniste, il disait : « Nous n’étudions pas le marxisme-léninisme pour le connaître d’une façon toute mécanique comme on étudiait autrefois le catéchisme. Nous étudions le marxisme-léninisme parce que c’est une méthode, un instrument, au moyen duquel nous déterminons ce que doit être notre comportement dans la vie politique, sociale et privée. Nous estimons qu’il est l’arme la plus puissante dont l’homme dispose dans sa vie pratique. »
Kalinine a beaucoup fait pour éduquer le peuple, les masses de travailleurs dans l’esprit du patriotisme soviétique, de l’internationalisme prolétarien, de l’égalité et de l’amitié des peuples.
On lui doit une série d’œuvres remarquables consacrées à l’éducation communiste des Soviétiques, à la formation de la morale nouvelle, socialiste, au collectivisme dans la vie quotidienne et le travail. Les écrits de Kalinine sur l’édification socialiste aux différentes étapes du développement de la société soviétique sont d’une grande importance théorique et pratique.
Il a rappelé plus d’une fois que le patriotisme soviétique est une force motrice prodigieuse de la société soviétique. « Le patriotisme soviétique, écrivait-il, anime et arme moralement notre peuple ; il pousse à l’héroïsme les gens jusque-là les plus simples et les plus effacés ; il fait agir des millions d’hommes. »
Le plus remarquable dans sa propagande des idées sur l’éducation communiste des masses, c’était qu’il soulignait l’étroite liaison de l’éducation avec les problèmes pratiques de l’édification socialiste : « L’éducation communiste, comme nous la concevons, doit toujours être concrète. Dans nos conditions, elle doit être subordonnée aux tâches qui se posent au parti et au gouvernement. »
Pendant la Grande guerre nationale. Kalinine, déjà gravement malade, se dépense tout entier pour contribuer à la victoire, pour mettre sur pied de guerre toute la vie du peuple soviétique. Il dirige le vaste travail législatif du temps de guerre. Ses ardents discours patriotiques donnent aux combattants la certitude de la victoire, ils aident à mobiliser toutes les forces du peuple.
Le Gouvernement soviétique a hautement apprécié l’activité de Kalinine : il fut décoré de plusieurs ordres, reçut le titre de Héros du Travail Socialiste. La vie et l’activité de Kalinine sont un exemple de dévouement à l’œuvre du communisme.
Le recueil d’articles et de discours de Kalinine « L’éducation communiste » a paru en français en 1952-1953 (Editions en langues étrangères, Moscou).
KANT Emmanuel (1724-1804). Un des plus grands philosophes, fondateur de l’idéalisme allemand de la seconde moitié du XVIIIe siècle et du début du XIXe. « Le caractère essentiel de la philosophie de Kant, c’est qu’elle concilie le matérialisme et l’idéalisme, institue un compromis entre l’un et l’autre, associe en un système unique deux courants différents et opposés de la philosophie » (Lénine : « Matérialisme et empiriocriticisme », M. 1952, p. 223). D’une part, Kant reconnaît l’existence d’un monde de choses en dehors de notre conscience, de « choses en soi ». (V. « Chose en soi » et « chose pour nous ».)
D’autre part, la « chose en soi » de Kant est, dans son principe, inconnaissable, se trouve au-delà de notre connaissance (est « transcendante »). « Lorsqu’il admet qu’une chose en soi extérieure à nous, correspond à nos représentations, Kant parle en matérialiste. Lorsqu’il la déclare inconnaissable, transcendante, située dans l’au-delà, il s’affirme comme idéaliste » (Ibid.).
Lénine disait de l’inconnaissable « chose en soi » de Kant que c’est une abstraction morte, vide de sens. En fin de compte, la « chose en soi » devient chez Kant un simple symbole de la pensée. En prenant comme point de départ l’inconnaissabilité de la « chose en soi », Kant construit sa gnoséologie subjective idéaliste. Sous le choc transmis par la « chose en soi », la faculté de sentir de l’homme crée un chaos de perceptions qui s’ordonnent à l’aide des formes subjectives de la sensibilité — l’espace et le temps.
Ainsi apparaît le phénomène ou l’objet de la sensation. Ensuite c’est l’entendement qui entre en action. A l’aide des catégories logiques subjectives qui lui sont inhérentes, l’entendement transforme l’objet de la sensation (le phénomène) en concept. La sphère supérieure de la connaissance humaine réside dans la raison dirigée, elle aussi, par des idées subjectives : l’âme en tant que substance, le monde en tant que tout homogène, Dieu.
Selon Kant l’espace, le temps, la causalité, les lois de la nature ne sont pas des propriétés de la nature même, mais des propriétés de l’entendement humain, des catégories « a priori », antérieures à l’expérience, indépendantes de cette dernière, la condition de toute expérience, des catégories « transcendantales ».
De là le nom que Kant a donné à sa philosophie : « idéalisme transcendantal », c’est-à-dire un idéalisme selon lequel les formes a priori de la conscience précèdent l’expérience et la conditionnent.
Ainsi, la connaissance sépare l’homme de la nature, au lieu de les réunir. Kant a armé la philosophie bourgeoise de la théorie de l’inconnaissabilité du monde que les philosophes réactionnaires de tout poil utilisent encore pour
lutter contre le matérialisme et défendre le fidéisme (V.).
Il a lancé ce principe idéaliste, suivant lequel l’entendement dicte ses lois à la nature. Tout le tableau de la nature, telle qu’elle se présente à la connaissance humaine, serait une construction subjective de l’intelligence. D’après Kant, l’unité de la nature réside non dans sa matérialité, mais dans l’unité du sujet connaissant, du « Moi ».
Toutes les tentatives de la raison pour sortir des limites de l’expérience subjective, la conduisent inévitablement à des contradictions insolubles ; on obtient des antinomies, les contradictions dialectiques de l’entendement avec lui-même.
Ici apparaissent certains éléments importants de dialectique, propres à Kant, et qui ont joué un grand rôle pour le développement ultérieur de la dialectique dans la philosophie allemande. Mais il considérait ces contradictions comme une erreur, une illusion et non comme le reflet des contradiction réelles du monde extérieur.
Toutes les considérations de Kant sur le caractère contradictoire de la raison, sur les antinomies (V.) reviennent à défendre l’agnosticisme (V.).
De même que toute la philosophie de Kant, sa théorie de la connaissance fut une réaction au matérialisme français ; elle se proposait de restaurer l’idéalisme, de réhabiliter Dieu et la religion, ébranlés sous les coups des matérialistes.
Kant conciliait la connaissance avec la religion. Sa théorie de la connaissance se propose de limiter les droits de la raison, de laisser une place à Dieu au-delà de la connaissance. « Je dus… limitant la connaissance, faire place à la foi… », écrit-il dans la préface à « La critique de la raison pure ».
Dans sa doctrine éthique, il estimait nécessaire, pour soutenir la moralité, de reconnaître l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme.
Dans sa première période, Kant a formulé l’hypothèse sur l’origine du système solaire qui a grande ment contribué au progrès des sciences de la nature. Dans son ouvrage « Histoire naturelle du monde et théorie du ciel », Kant aborda ce problème du point de vue du développement, ce qu’Engels apprécia hautement. Engels indiquait que par sa théorie Kant battit en brèche la conception du monde métaphysique qui niait le développement.
Dans les domaines social et politique, Kant était partisan de la liberté civique, de la paix éternelle, etc., mais tout cela était, à son avis, irréalisable. « Kant se contentait de la simple « bonne volonté » même si elle reste sans aucun résultat et plaçait la réalisation de cette bonne volonté, l’harmonie entre elle et les besoins et les aspirations des individus, dans l’au-delà.
Cette bonne volonté de Kant correspond parfaitement à l’impuissance, à la situation pénible et à la misère des bourgeois allemands dont les intérêts mesquins ne furent jamais capables de se transformer en intérêts nationaux communs d’une classe… » (Marx/Engels : Gesamtausgabe, Erste Abteilung, Bd. 5, M.-L. 1933, S. 175).
Kant comprenait la nécessité de certaines réformes sociales, il les exigeait et, sous ce rapport, sa doctrine a reflété les intérêts du développement bourgeois progressiste de l’Allemagne. Mais c’était là, comme l’ont dit Marx et Engels, la théorie allemande de la révolution française, c’est-à-dire l’idéologie d’une bourgeoisie pusillanime, hésitante. Kant exigeait de tous les sujets une soumission absolue à l’Etat exploiteur
et leur déniait le droit à la résistance. Il était un ennemi de la violence révolutionnaire.
Le kantisme est toujours une des armes principales aux mains des idéologues de l’impérialisme contre les sciences naturelles modernes et la philosophie scientifique du marxisme-léninisme.
Rejetant l’élément matérialiste de la philosophie kantienne, la « chose en soi », les philosophes bourgeois et les révisionnistes puisent dans la gnoséologie idéaliste subjective de Kant des arguments contre le matérialisme philosophique. S’appuyant sur la philosophie de Kant, les réformistes font du socialisme un idéal abstrait et inaccessible, une sorte de « chose en soi » en laquelle on peut croire, mais pas davantage.
A l’aide de la philosophie kantienne, ils cherchent à émousser la pointe révolutionnaire du marxisme, à en faire un instrument de la « paix sociale », à l’utiliser pour empêcher le renversement révolutionnaire du capitalisme. Dénoncer et combattre les variétés modernes du kantisme est toujours une tâche importante et actuelle.
Principaux ouvrages : « Histoire naturelle du monde et théorie du ciel » (1755), « Critique de la raison pure » (1781), « Prolégomènes » (1783), « Critique de la raison pratique » (1788), « Critique du jugement » (1790). (V. également néo-kantisme.)