Je crois, camarades, qu’il nous faut avant tout faire abstraction des menus détails, des facteurs personnels, etc., pour résoudre le problème qui nous préoccupe : la déviation de droite.
Existe-t-il dans notre Parti un danger de droite, un danger opportuniste ? Existe-t-il des conditions objectives favorisant un tel danger ? Comment combattre ce danger ? Telles sont les questions qui se posent aujourd’hui devant nous.
Or, nous ne résoudrons pas ce problème de la déviation de droite, si nous ne le dégageons de tous ces menus détails et éléments étrangers, qui s’y sont agrégés et nous empêchent de comprendre le fond de la question.
Zapolski a tort de croire que la question de la déviation de droite est une question fortuite. Il affirme que le tout ici n’est pas dans la déviation de droite, mais dans les chicanes, dans les intrigues personnelles, etc.
Admettons un instant que les chicanes et intrigues personnelles jouent ici un certain rôle, comme dans toute autre lutte. Mais vouloir tout expliquer par des chicanes et ne pas voir derrière elles le fond de la question, c’est abandonner la voie juste, la voie marxiste.
Il n’est pas possible qu’une organisation aussi importante, aussi vieille, aussi soudée que l’est incontestablement l’organisation de Moscou, ait pu être remuée de la base au sommet et mise en branle par les efforts de quelques chicaneurs ou intrigants. Non, camarades, de tels miracles n’arrivent pas dans le monde.
Sans compter qu’on ne saurait juger avec cette légèreté de la force et de la vigueur de l’organisation de Moscou. Il est évident que des causes plus profondes ont agi ici, n’ayant rien de commun ni avec la chicane, ni avec l’intrigue.
Frountov a tort également, qui, bien que reconnaissant l’existence du danger de droite, ne le croit pourtant pas digne d’être sérieusement traité par des gens sérieux et posés.
D’après lui, la question de la déviation de droite est un objet de préoccupation pour des braillards, et non pour des gens posés. Je comprends fort bien Frountov, tellement absorbé par le travail pratique quotidien, qu’il n’a pas le temps de penser aux perspectives de notre développement.
Mais cela ne veut pas encore dire que nous devions ériger en dogme de notre oeuvre constructive l’étroit praticisme d’affaires de certains militants du Parti. Le robuste sens des affaires est une bonne chose, mais s’il perd les perspectives dans le travail et ne subordonne pas ce dernier à la ligne fondamentale du Parti, il devient un défaut.
Or, il n’est pas difficile de comprendre que la question de la déviation de droite est la question de la ligne fondamentale de notre Parti, la question de savoir si la perspective de développement tracée par notre Parti à son XV° congrès, est juste ou erronée.
Ont également tort les camarades qui, dans la discussion du problème de la déviation de droite, aiguillent leur attention sur ceux qui représentent cette déviation.
Montrez-nous, disent-ils, les hommes de droite ou les conciliateurs, nommez-les, afin que nous puissions leur régler leur compte. Cette façon de poser la question n’est pas juste. Certes, les personnalités jouent un certain rôle. Mais il ne s’agit pas ici de personnalités ; il s’agit des conditions, des circonstances qui engendrent le danger de droite dans le Parti.
On peut écarter telles personnalités, mais cela ne signifie pas encore que par là même nous aurons tranché les racines du danger de droite dans notre Parti. C’est pourquoi la question des personnalités, bien que présentant un intérêt indubitable, ne résout pas le problème.
On ne peut s’empêcher d’évoquer, à ce propos, un épisode qui eut lieu à Odessa fin 1919 et début 1920. Nos troupes, après avoir chassé Denikine hors d’Ukraine, achevaient de battre les derniers débris de son armée dans la région d’Odessa. Un détachement de soldats rouges s’était mis frénétiquement à la recherche de l’Entente à Odessa, persuadés que, s’ils se saisissaient de cette Entente, la guerre serait terminée. (Rire général.)
On peut s’imaginer que les soldats de l’Armée rouge auraient pu mettre la main sur un représentant quelconque de l’Entente à Odessa. Mais il est évident que, de ce fait, la question de l’Entente n’aurait pas été résolue, car cette dernière a ses racines non à Odessa — quoique cette ville fût alors le dernier refuge de Denikine — mais dans le capitalisme mondial.
On peut en dire autant de certains de nos camarades qui, dans la question de la déviation de droite, aiguillent leur attention sur les personnes représentant la déviation de droite, oubliant les conditions qui engendrent cette déviation.
Aussi bien devons-nous ici tout d’abord éclaircir les conditions qui engendrent la déviation de droite, de même que la déviation de « gauche » (trotskiste) à l’égard de la ligne léniniste.
Dans le cadre du capitalisme, la déviation de droite dans le communisme, c’est la tendance, le penchant qu’ont une partie des communistes — penchant imprécis, il est vrai, et dont ils n’ont peut-être pas encore pris conscience, mais penchant tout de même, — à s’écarter de la ligne révolutionnaire du marxisme vers la social-démocratie.
Lorsque certains milieux communistes nient l’utilité du mot d’ordre : « Classe contre classe » dans la lutte électorale (France), ou s’affirment contre la présentation d’une liste indépendante par le Parti communiste (Angleterre), ou ne veulent pas accentuer la lutte contre la « gauche » de la social-démocratie (Allemagne), etc., etc.. cela signifie qu’à l’intérieur des partis communistes il y a des gens qui s’efforcent d’adapter le communisme au social-démocratisme.
La victoire de la déviation de droite dans les partis communistes des pays capitalistes signifierait la débâcle idéologique des partis communistes et un renforcement énorme du social-démocratisme. Or, qu’est-ce que le renforcement énorme du social-démocratisme? C’est le renforcement et la consolidation du capitalisme, la social-démocratie étant le principal appui du capitalisme dans la classe ouvrière.
Ainsi donc, la victoire de la déviation de droite dans les partis communistes des pays capitalistes conduit à multiplier les conditions nécessaires au maintien du capitalisme.
Dans le cadre du développement soviétique, alors que le capitalisme est déjà renversé, bien que ses racines ne soient pas encore arrachées, la déviation de droite, dans le communisme, est une tendance, un penchant qu’ont une partie des communistes — penchant imprécis, il est vrai, et dont ils n’ont peut-être pas encore pris conscience, mais penchant tout de même, — à s’écarter dc la ligne générale de notre Parti vers l’idéologie bourgeoise.
Lorsque certains de nos milieux communistes tentent de tirer notre Parti en arrière par rapport aux résolutions du XV° congrès, en niant la nécessité d’une offensive contre les éléments capitalistes de la campagne ;
ou qu’ils exigent la réduction de notre industrie, estimant que le rythme actuel de son développement rapide est néfaste pour le pays ; ou qu’ils nient l’utilité des affectations de fonds aux kolkhoz et aux sovkhoz, estimant que c’est de l’argent jeté par la fenêtre;
ou qu’ils nient l’utilité de la lutte contre le bureaucratisme sur la base de l’autocritique, croyant que l’autocritique ébranle notre appareil ; ou qu’ils exigent le relâchement du monopole du commerce extérieur, etc., etc., cela veut dire qu’il y a dans les rangs de notre Parti des gens qui tentent, peut-être sans s’en rendre compte eux-mêmes, d’adapter l’oeuvre de notre construction socialiste aux goûts et aux besoins de la bourgeoisie « soviétique ».
La victoire de la déviation de droite dans notre Parti signifierait un renforcement énorme des éléments capitalistes dans notre pays. Or, que signifierait le renforcement des éléments capitalistes dans notre pays ? Cela signifierait l’affaiblissement de la dictature du prolétariat et l’accroissement des chances de restauration du capitalisme.
Ainsi donc, la victoire de la déviation de droite dans notre Parti signifierait l’accroissement des conditions nécessaires à la restauration du capitalisme dans notre pays.
Existe-t-il chez nous, dans notre pays des Soviets, des conditions rendant possible la restauration du capitalisme?
Oui, elles existent.
Cela vous paraîtra peut-être étrange, mais c’est un fait, camarades. Nous avons renversé le capitalisme, instauré la dictature du prolétariat et nous développons, à un rythme renforcé, notre industrie socialiste, en soudant avec elle notre économie paysanne.
Mais nous n’avons pas encore arraché les racines du capitalisme.
Où donc résident-elles ? Elles résident dans la production marchande, dans la petite production de la ville et surtout de la campagne.
La force du capitalisme, comme dit Lénine, réside « dans la force de la petite production, car, malheureusement, il reste encore au monde une très, très grande quantité de petite production ; or, la petite production engendre le capitalisme et la bourgeoise constamment, chaque jour, à chaque heure, d’une manière spontanée et dans de vastes proportions ». (La Maladie infantile, t. XXV, p. 173.)
Il est clair que, pour autant que la petite production revêt chez nous un caractère de masse, voire prépondérant, et pour autant qu’elle engendre le capitalisme et la bourgeoisie, surtout dans les conditions de la Nep, constamment et dans de vastes proportions, il existe chez nous des conditions rendant possible la restauration du capitalisme.
Est-ce que chez nous, dans le pays des Soviets, existent les moyens et forces nécessaires pour détruire, pour liquider les possibilités de restauration du capitalisme ?
Oui, ils existent.
C’est précisément ce qui fait la justesse de la thèse de Lénine sur la possibilité de construire en U.R.S.S. une société socialiste intégrale.
Pour cela, il est nécessaire de consolider la dictature prolétarienne, de renforcer l’alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie, de développer nos postes de commande sous l’angle de l’industrialisation du pays, d’assurer un rythme rapide de développement de l’industrie, d’électrifier le pays, de faire passer toute l’économie nationale sur une nouvelle base technique, de grouper dans les coopératives les masses paysannes et d’augmenter le rendement de leur économie, de réunir graduellement les exploitations paysannes individuelles en exploitations communes, collectives, de développer les sovkhoz, de limiter et de vaincre les éléments capitalistes de la ville et de la campagne, etc., etc.
Voici ce que dit Lénine à ce sujet :
Tant que nous vivons dans un pays de petits paysans, il existe en Russie, pour le capitalisme, une base économique plus solide que pour le communisme. Il faut bien retenir cela.
Tous ceux qui ont observé attentivement la vie rurale en la comparant à la vie urbaine, savent que nous n’avons pas arraché les racines du capitalisme, ni sapé les fondements, la base de l’ennemi intérieur.
Ce dernier se maintient sur les petites exploitations, et pour en venir à bout il n’est qu’un moyen : faire passer l’économie du pays, y compris l’agriculture, sur une nouvelle base technique, sur la base technique de la grande production moderne. Seule l’électricité constitue une telle base. Le communisme, c’est le pouvoir des Soviets plus l’électrification de tout le pays. Autrement le pays demeurera un pays de petits paysans, et il faut que nous nous en rendions nettement compte.
Nous sommes plus faibles que le capitalisme, non seulement à l’échelle mondiale, mais aussi à l’intérieur du pays. Tout le monde le sait. Nous nous en sommes rendu compte et nous ferons en sorte que la base économique de petite production agricole devienne une base économique de grande industrie.
C’est lorsque le pays sera électrifié, lorsque nous aurons donné à l’industrie, à l’agriculture et aux transports la base technique de la grande industrie moderne, c’est alors seulement que notre victoire sera définitive. (Rapport sur l’activité du Conseil des commissaires du peuple au VIII° congrès des Soviets de la R.S.F.S.R., t. XXVI, pp. 46.47.)
Il en résulte, en premier lieu, que tant que nous vivons dans un pays de petits paysans, tant que nous n’avons pas encore extirpé les racines du capitalisme, il existe pour ce dernier une base économique plus solide que pour le communisme.
Il arrive qu’on abatte un arbre, mais qu’on n’en extirpe pas les racines, les forces ayant manqué. D’où la possibilité de restauration du capitalisme dans notre pays.
Il en résulte, en deuxième lieu, que, outre le possibilité de restauration du capitalisme, nous avons encore la possibilité de la victoire du socialisme, puisque nous pouvons détruire la possibilité de restauration capitaliste, nous pouvons extirper les racines du capitalisme et remporter sur celui-ci une victoire définitive dans notre pays, si nous y intensifions le travail d’électrification ; si nous donnons à l’industrie, à l’agriculture et aux transports la base technique de la grande industrie moderne.
D’où la possibilité de la victoire du socialisme dans notre pays.
Il en résulte enfin que l’on ne peut édifier le socialisme dans l’industrie seule et abandonner l’agriculture au gré d’un développement spontané, en partant de ce point de vue que la campagne « suivra d’elle-même » la ville.
L’existence d’une industrie socialiste à la ville constitue le facteur fondamental de la transformation socialiste de la campagne. Mais cela ne signifie pas encore que ce facteur soit absolument suffisant. Pour que la ville socialiste puisse sans réserve entraîner derrière elle la campagne paysanne, il est indispensable, comme dit Lénine, de « faire passer l’économie du pays, y compris l’agriculture (Souligné par moi. J. Staline.), sur une nouvelle base technique, sur la base technique de la grande production moderne ».
Cette citation de Lénine ne contredit-elle pas une autre citation de ses oeuvres, où il est dit que « la Nep nous assure pleinement la possibilité (Souligné par moi. J. Staline.) de construire les fondations de l’économie socialiste » ?
Non, elle ne la contredit pas. Au contraire, ces deux citations s’accordent parfaitement. Lénine ne dit point que la Nep nous donne un socialisme tout prêt. Lénine dit seulement que la Nep nous assure la possibilité de construire les fondations de l’économie socialiste.
Entre la possibilité de construire le socialisme et sa construction réelle, la différence est grande. On ne doit pas confondre la possibilité avec la réalité.
C’est précisément pour transformer cette possibilité en réalité que Lénine propose d’électrifier le pays et de donner à l’industrie, à l’agriculture et aux transports la base technique de la grande industrie moderne, comme condition nécessaire à la victoire définitive du socialisme dans notre pays.
Mais cette condition de la construction du socialisme, il n’est pas possible de la remplir en un ou deux ans. Il est impossible en un ou deux ans d’industrialiser le pays, de construire une industrie puissante, de grouper dans les coopératives les millions de paysans, d’assigner à l’agriculture une nouvelle base technique, de réunir les exploitations paysannes individuelles en de grandes collectivités, de développer les sovkhoz, de limiter et de vaincre les éléments capitalistes de la ville et des campagnes. Pour cela il faut à la dictature du prolétariat des années et des années de construction intensive.
Et tant que cela n’est pas fait, — cela ne se fait pas d’un seul coup, — nous demeurons un pays de petits paysans où la petite production engendre le capitalisme et la bourgeoisie, constamment et dans de vastes proportions, et où le danger de restauration du capitalisme subsiste.
Et comme le prolétariat de chez nous n’habite pas des régions éthérées, mais le monde le plus réel avec toute sa diversité, les éléments bourgeois surgissant sur la base de la petite production, « entourent de tous côtés le prolétariat d’une ambiance petite-bourgeoise, ils l’en pénètrent, ils l’en corrompent, ils suscitent constamment au sein du prolétariat des récidives de défauts propres à la petite bourgeoisie : manque de caractère, dispersion, individualisme, passage de l’enthousiasme à l’abattement » (Lénine : La Maladie infantile, t. XXV, p. 189), et apportent ainsi dans le prolétariat et dans son Parti certains flottements, certaines hésitations.
Telles sont la racine et la base de tous les flottements et déviations à l’égard de la ligne léniniste dans les rangs de notre Parti.
Voilà pourquoi la question de la déviation de droite ou de « gauche », dans notre Parti, ne saurait être considérée comme une question futile.
En quoi consiste le danger de la déviation de droite, franchement opportuniste, dans notre Parti ? En ce qu’elle sous-estime la force de nos ennemis, la force du capitalisme.
En ce qu’elle ne voit pas le danger de restauration du capitalisme, ne comprend pas le mécanisme de la lutte de classes dans les conditions de la dictature du prolétariat et, de ce fait, consent si facilement des concessions au capitalisme, en réclamant le ralentissement du rythme de développement de notre industrie, en réclamant des facilités pour les éléments capitalistes de la campagne et de la ville, en exigeant qu’on mette à l’arrière-plan la question des kolkhoz et des sovkhoz, en réclamant le relâchement du monopole du commerce extérieur, etc., etc.
Il est certain que la victoire de la déviation de droite dans notre Parti donnerait libre cours aux forces du capitalisme, minerait les positions révolutionnaires du prolétariat et augmenterait les chances de restauration du capitalisme dans notre pays.
En quoi consiste le danger de la déviation de « gauche » (trotskiste) dans notre Parti ?
En ce qu’elle surestime la force de nos ennemis, la force du capitalisme, en ce qu’elle ne voit que la possibilité de restauration, du capitalisme, mais ne voit pas la possibilité de construire le socialisme par les seules forces de notre pays, tombe dans le désespoir et est obligée de se consoler par des bavardages sur les tendances thermidoriennes de notre Parti.
Des paroles de Lénine disant que « tant que nous vivons dans un pays de petits paysans, il existe en Russie, pour le capitalisme, une base économique plus solide que pour le communisme », — de ces paroles de Lénine la déviation de « gauche » tire cette fausse conclusion qu’il est impossible, en général, de construire le socialisme en U.R.S.S., qu’on n’arrivera à rien avec la paysannerie, que l’idée d’une alliance entre la classe ouvrière et la paysannerie a fait son temps ;
que si l’aide de la révolution victorieuse en Occident n’arrive pas à temps, la dictature du prolétariat en U.R.S.S. devra tomber ou dégénérer ; que si l’on n’adopte pas un plan fantastique de superindustrialisation, devant être réalisé même au prix d’une rupture avec la paysannerie, il faut considérer la cause du socialisme en U.R.S.S. comme perdue.
De là l’esprit d’aventure dans la politique de la déviation de « gauche ».
De là les bonds « surhumains » en politique.
Il est certain que la victoire de la déviation de « gauche », dans notre Parti, aboutirait à détacher la classe ouvrière de sa base paysanne, à détacher l’avant-garde de la classe ouvrière du reste de la masse des ouvriers ; elle aboutirait par conséquent à la défaite du prolétariat et à la création de conditions facilitant la restauration du capitalisme.
Ainsi, vous le voyez, ces deux dangers, celui de « gauche » comme celui de droite, ces deux déviations à l’égard de la ligne léniniste, la droite comme la « gauche », aboutissent, bien que par des voies différentes, à un seul et même résultat.
Lequel de ces deux dangers est le pire ? Je crois que tous les deux sont pires.
La différence entre ces deux déviations, du point de vue de la lutte efficace contre elles, consiste en ce que le danger de la déviation de « gauche » apparaît en ce moment au Parti avec plus de netteté que celui de la déviation de droite.
Le fait qu’une lutte intense contre la déviation de « gauche », se déroule chez nous, depuis plusieurs années déjà, ce fait ne pouvait évidemment pas rester sans lendemain pour le Parti. Il est évident que pendant la années de lutte contre la déviation de « gauche », trotskiste, le Parti a beaucoup appris, et il n’est plus facile de le tromper par des phrases de « gauche ».
Quant au danger de droite, qui existait auparavant déjà et qui, aujourd’hui, ressort avec plus de relief, par suite du renforcement de l’élément petit-bourgeois en raison de la crise de l’an dernier dans le stockage du blé, je pense qu’il n’apparaît pas aussi clairement pour certains milieux de notre Parti.
C’est pourquoi la tâche est d’accentuer la lutte contre la déviation de droite, sans affaiblir d’un iota notre lutte contre le danger de « gauche », trotskiste, et de prendre toutes les mesures afin que le danger de la déviation de droite devienne pour le Parti aussi évident que l’est, pour lui, le danger trotskiste.
La question de la déviation de droite ne se poserait peut-être pas chez nous avec autant d’acuité qu’elle se pose aujourd’hui, si elle n’était liée à la question des difficultés de notre développement.
Mais c’est que justement l’existence de la déviation de droite complique les difficultés de notre développement et freine les efforts pour les surmonter.
Et précisément parce que le danger de droite rend plus difficile la lutte pour surmonter les difficultés, précisément pour cette raison, surmonter le danger de droite devient pour nous une tâche d’une importance toute particulière.
Deux mots sur la nature de nos difficultés. Il faut tenir compte que nos difficultés ne peuvent nullement être considérées comme des difficultés de stagnation ou de déclin. Il est des difficultés qui surviennent en période de déclin ou de stagnation économique ; dès lors les gens s’efforcent de rendre la stagnation, moins douloureuse, ou le déclin économique moins profond.
Nos difficultés n’ont rien de commun avec les difficultés de ce genre. Le trait caractéristique de nos difficultés, c’est qu’elles sont des difficultés d’essor, des difficultés de croissance.
Quand on parle chez nous de difficultés, il est ordinairement question, de déterminer le pourcentage du relèvement de l’industrie, le pourcentage de l’extension des surfaces ensemencées ; de combien de pouds on relèvera le rendement du sol, etc., etc. Et précisément parce que nos difficultés sont des difficultés d’essor, et non de déclin ou de stagnation, précisément pour cette raison elles ne sauraient représenter pour le Parti rien de particulièrement dangereux.
Mais les difficultés sont tout de même des difficultés.
Et comme pour surmonter les difficultés il faut tendre toutes ses forces, faire preuve de fermeté et de cran, ce dont certains manquent, peut-être parce qu’on est las et surmené, ou peut-être parce qu’on préfère vivre plus tranquille, sans luttes ni tribulations, — c’est alors précisément que commencent les flottements et les hésitations, les revirements vers la ligne du moindre effort, les propos tenus sur le ralentissement du rythme du développement industriel, sur les facilités à accorder aux éléments capitalistes, sur la négation de l’utilité des kolkhoz et des sovkhoz et, en général, de tout ce qui sort du cadre habituel et calme du travail quotidien.
Mais nous ne pouvons avancer sans surmonter les difficultés qui se trouvent devant nous.
Or, pour les surmonter, il faut d’abord vaincre le danger de droite ; il faut d’abord surmonter la déviation de droite, qui freine la lutte contre les difficultés et tend à affaiblir la volonté de notre Parti dans cette lutte contre les difficultés.
Evidemment, il s’agit d’une lutte réelle contre la déviation de droite, et non d’une lutte fictive et verbale.
Il est des gens dans notre Parti qui veulent bien, par acquit de conscience, proclamer la lutte contre le danger de droite, tout comme les popes qui chantent parfois « alléluia, alléluia » ; mais ils ne prennent aucune, absolument aucune mesure pratique pour organiser dûment la lutte contre la déviation de droite et la surmonter en fait.
Ce courant porte chez nous le nom de courant de conciliation à l’égard de la déviation de droite franchement opportuniste. Il n’est pas difficile de comprendre que la lutte contre un pareil esprit de conciliation est partie intégrante de la lutte d’ensemble contre la déviation de droite, contre le danger de droite. Car il est impossible de surmonter la déviation de droite, la déviation opportuniste. sans mener une lutte systématique contre l’esprit de conciliation qui abrite sous son aile les opportunistes.
La question des fauteurs de la déviation de droite présente un intérêt incontestable, encore qu’elle ne tranche pas le problème.
Nous avons eu l’occasion de nous heurter aux fauteurs de la déviation de droite dans les organisations de base de notre Parti, au moment de la crise du stockage du blé, l’année dernière, lorsque bon nombre de communistes, dans les cantons et les villages, s’affirmèrent contre la politique du Parti, en s’orientant vers l’alliance avec les éléments koulaks.
Vous savez que ces éléments ont été exclus de notre Parti, au printemps dernier, ce qui a été spécialement mentionné dans le document que l’on sait de notre Comité central, daté de février de cette année.
Mais il serait faux de dire qu’il ne reste plus de ces éléments dans notre Parti.
Si l’on monte plus haut vers les organisations communistes de district et de province, et si l’on a soin de bien scruter l’appareil d’Etat et coopératif, on pourrait y trouver sans peine des fauteurs de la déviation de droite et de l’esprit de conciliation à son égard.
On connaît des « lettres », des « déclarations » et autres documents rédigés par certains militants de notre appareil du Parti et de l’appareil d’Etat, dans lesquels la tendance vers la déviation de droite est apparue de toute évidence. Vous savez que ces lettres et ces documents sont mentionnés dans le compte rendu sténographique de l’Assemblée plénière de juillet du Comité central.
Si l’on monte encore plus haut et que l’on pose la question relative aux membres du Comité central, il faut avouer que là aussi, au sein du Comité central, il y a certains éléments — tout à fait insignifiants, il est vrai, — d’attitude conciliatrice à l’égard du danger de droite. Le compte rendu sténographique de l’Assemblée plénière de juillet du Comité central en est une preuve directe.
Et au Bureau politique ?
Y a-t-il des déviations au sein du Bureau politique ? Il n’y a dans notre Bureau politique, ni droites, ni « gauches », ni conciliateurs à leur égard. Il faut le dire ici de la façon la plus catégorique.
Il est temps de laisser là les racontars que colportent les ennemis du Parti et les oppositionnels de tout genre sur l’existence d’une déviation de droite ou d’une attitude de conciliation à son égard, au sein du Bureau politique de notre Comité central.
Y a-t-il eu des flottements et des hésitations au sein de l’organisation de Moscou ou à son sommet, au Comité de Moscou ?
Oui.
Il serait absurde d’affirmer maintenant qu’il n’y a pas eu de flottements, d’hésitations. Le discours plein de franchise de Penkov en est la preuve directe. Penkov n’est pas n’importe qui dans l’organisation de Moscou et dans son Comité.
Vous l’avez entendu avouer franc et net ses erreurs sur toute une série de questions très importantes de la politique de notre Parti.
Cela ne veut pas dire, bien entendu, que le Comité de Moscou dans son ensemble ait été sujet à des hésitations. Evidemment non.
Un document tel que le message adressé en ce mois d’octobre par le Comité de Moscou aux membres de l’organisation de cette ville, montre avec évidence que le Comité de Moscou a su triompher des hésitations de certains de ses membres. Je ne doute pas que le noyau dirigeant du Comité de Moscou réussisse à redresser définitivement la situation.
Certains camarades sont mécontents de ce que les organisations de rayon soient intervenues dans cette affaire et qu’elles aient posé la question du redressement des erreurs et des hésitations de tels ou tels dirigeants de l’organisation de Moscou.
Je ne sais comment on peut justifier ce mécontentement. Quel mal peut-il y avoir à ce que les militants actifs des rayons de l’organisation de Moscou aient élevé la voix pour réclamer le redressement des erreurs et des hésitations ?
Notre activité ne se poursuit-elle pas sous le signe de l’autocritique d’en bas ? N’est-ce pas un fait que l’autocritique stimule l’activité des communistes et en général des prolétaires de la base ? Quel mal ou quel danger peut-il y avoir à ce que les militants actifs des organisations de rayon se soient montrés à la hauteur de la situation ?
Le Comité central a-t-il eu raison d’intervenir dans cette affaire ? Je pense que oui. Berzine estime que le Comité central agit avec trop de rigueur, en proposant la destitution d’un dirigeant de comité de rayon, contre lequel s’est dressée l’organisation de son rayon.
C’est tout à fait faux. Je pourrais rappeler à Berzine certains épisodes de 1919 ou de 1920, où certains membres du Comité central ayant commis certaines fautes — pas très graves, je pense, — à l’égard de la ligne du Parti, se virent infliger sur la proposition de Lénine une punition exemplaire : l’un d’eux fut envoyé au Turkestan, un autre faillit payer sa faute de son exclusion du Comité central.
Lénine avait-il raison d’agir ainsi ? Je pense qu’il avait parfaitement raison.
A cette époque, la situation du Comité central n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui. La moitié du Comité central suivait alors Trotski, et la situation au sein même du Comité central manquait de stabilité. Aujourd’hui, le Comité central agit avec infiniment plus de douceur.
Pourquoi ? Peut-être voulons-nous montrer plus de bonté que Lénine ?
Non, il ne s’agit pas de cela. La vérité, c’est que la situation du Comité central est aujourd’hui plus stable qu’à cette époque, et que le Comité central peut agir maintenant avec plus de douceur.
Sakharov a tort lui aussi, lorsqu’il prétend que l’intervention du Comité central a été tardive. Il a tort, parce qu’il ignore apparemment que l’intervention du Comité central a commencé, à proprement parler, dès février dernier.
Sakharov peut s’en convaincre, s’il en a le désir. Il est vrai que l’intervention du Comité central n’a pas donné de résultats positifs tout de suite. Mais il serait étrange d’en accuser le Comité central.
Conclusions :
1) le danger de la déviation de droite est un grave danger dans notre Parti, car cette déviation a ses racines dans la situation sociale et économique de notre pays ;
2) le danger de la déviation de droite s’aggrave par la présence de difficultés qu’il est impossible de surmonter sans surmonter la déviation de droite et l’esprit de conciliation à son égard ;
3) dans l’organisation de Moscou, il y a eu des flottements et des hésitations, il y a eu des éléments d’instabilité ;
4) le noyau du Comité de Moscou, aidé du Comité central et des militants actifs des organisations de rayon, a pris toutes les mesures nécessaires pour que ces hésitations fussent liquidées ;
5) il ne peut faire de doute que le Comité de Moscou ne réussisse à surmonter les erreurs qui s’étaient révélées auparavant ;
6) la tâche consiste à liquider la lutte intérieure, à resserrer l’unité de l’organisation de Moscou et à mener à bien les nouvelles élections des cellules, sur la base de l’autocritique la plus large. (Applaudissements.)