La dimension nationale de l’entreprise de Martin Luther est donc évidente. En reprenant les mélodies populaires, il veut faire vivre ses valeurs dans le peuple, mais il considère en même temps donc que ce que porte le peuple va forcément dans le bon sens, une fois qu’on s’est séparé des tendances erronées, que lui voit comme « diabolique ».

Et cela a une conséquence d’une importance capitale : cela veut dire que de par sa forme et son contenu, on est ici dans une profonde avancée sur le plan de la culture. Le niveau culturel est élevé, les masses sont mises en branle, il y a un progrès général des consciences.

Le calvinisme n’est justement pas parvenu à cette dimension, et c’est frappant de voir comment Calvin se méfiait du chant et de la musique, alors que Martin Luther en faisait une valeur populaire et une clef pour adoucir les mœurs.

La route était ouverte, avec toute une série de compositeurs s’engouffrant dans la brèche. Au tout début de la Passion de Matthieu, on trouve « Herzliebter Jesus » (Jésus aimé par le cœur) composé par le compositeur religieux berlinois Johann Crüger (1598-1662).

Jean-Sébastien Bach reprendra également la mélodie de plusieurs œuvres de Johann Crüger (« Jesus meine Freude » soit « Jésus ma joie », « Schmücke dich, o liebe Seele » soit « Pare-toi, ô belle âme », « nun danket alle Gott » soit « Maintenant remerciez tous Dieu »).

Il faut également mentionner l’importante figure que fut Dietrich Buxtehude (1637-1707), apprécié par Jean-Sébastien Bach, mais surtout Heinrich Schütz (1585-1672).

Formé pendant plusieurs années en Italie, Heinrich Schütz fut ensuite organiste puis maître de chapelle à Dresde toute sa vie, jusqu’à l’âge de 87 ans, à part quelques interruptions.

Musicien œuvrant pour l’église luthérienne et composant aussi pour la cour de l’électeur de Saxe, allant même au Danemark invité deux fois par le roi pour la musique de mariages, il se situe très exactement dans la perspective légitimiste de luthéranisme.

Cependant, cette mise en perspective à la fois institutionnelle et religieuse fut mis à mal par la dévastatrice guerre de Trente ans qui commença en 1618.

La situation totalement calamiteuse de l’Allemagne morcelée qui plus est alors en une multitude de royaumes empêcha Heinrich Schütz d’obtenir un écho à sa mesure, même si dès son époque il fut considéré comme le plus grand compositeur allemand de son époque et disposait aussi d’une importante aura dans toute l’Europe.

Jean-Sébastien Bach intervient alors historiquement dans ce cadre pour finir le processus enclenché. C’est cela qui fait que sa productivité de fut immense. L’édition la plus récente de ses œuvres se divise comme suit, et encore a-t-on perdu une partie de son travail :

I. Cantates (46 volumes)

II. Messes, Passions, Oratorios (9 volumes)

III. Motets, Chorals, Lieder (4 volumes)

IV. Œuvres pour orgue (11 volumes)

V. Œuvres pour le clavier et le luth (14 volumes)

VI. Musique de chambre (5 volumes)

VII. Œuvres pour orchestre (7 volumes)

VIII. Canons, L’Offrande musicale, L’Art de la fugue (2 volumes)

IX. Addenda (approximativement 7 volumes)

Supplément, Documents Bach (9 volumes)


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