« IMPERIALISME, STADE SUPREME DU CAPITALISME (L’) ». Ouvrage de Lénine écrit en 1916 et publié en 1917.
Ce livre est la suite directe du « Capital » (V.) de Marx. Lénine étudie l’évolution du capitalisme à une époque nouvelle, celle de l’impérialisme. Il montre que l’impérialisme est le dernier stade, le stade suprême du capitalisme, celui du capitalisme parasitaire, pourrissant, agonisant.
Dans les six premiers chapitres, Lénine analyse les cinq principaux traits de l’impérialisme. La libre concurrence qui dominait sous le capitalisme prémonopoliste a abouti à la concentration de la production et à la centralisation du capital.
Les monopoles ont commencé à jouer un rôle prépondérant dans l’économie, tel est le premier trait de l’impérialisme. La production s’est concentrée à tel point que la domination des monopoles s’est substituée à la libre concurrence. C’est en cela que réside l’essence économique de l’impérialisme. L’impérialisme est le stade monopoliste du capitalisme.
La domination des monopoles ne signifie nullement que les crises, la concurrence, l’anarchie et les autres plaies du capitalisme soient supprimées. Au contraire, les monopoles augmentent le chaos et l’anarchie propres à la production capitaliste en général.
« Les monopoles n’éliminent pas la libre concurrence, dont ils sont issus ; ils existent au-dessus et à côté d’elle, engendrant ainsi des contradictions, des frottements, des conflits particulièrement aigus et violents » (Lénine : Œuvres choisies en deux volumes, t. I, 2e partie, M. 1954, p. 526).
La concentration des banques et la formation des monopoles bancaires ont transformé les banques d’intermédiaires en monopolistes tout-puissants du marché financier. Par suite de la fusion des plus grosses banques et des monopoles industriels apparaît le capital financier qui constitue le deuxième trait de l’impérialisme.
L’impérialisme, c’est la domination d’une poignée de magnats de la finance qui vouent les masses laborieuses à une exploitation féroce. L’exportation du capital, parallèlement à l’exportation des marchandises, est devenue typique du capitalisme impérialiste.
A la poursuite du profit maximum, le capital se précipite dans les pays où il peut trouver une main-d’œuvre et des matières premières à bon marché. L’exportation du capital qui prend le pas sur celle des marchandises marque au sceau du parasitisme le pays qui vit de l’exploitation du travail de certains pays et des colonies ; elle accentue entre les pays capitalistes les contradictions et la lutte pour les sphères d’application du capital. C’est le troisième trait de l’impérialisme.
Le quatrième réside en ceci: les groupements de monopoles se partagent d’abord le marché national, puis c’est le partage économique du marché capitaliste mondial entre les grandes associations de monopoles internationales.
Or, ces unions internationales superpuissantes (cartels, syndicats, trusts, consortiums) se composent de monopoles isolés et de groupements de monopoles, dont chacun soutient une lutte acharnée pour augmenter sa part de bénéfices.
Ce qui aboutit à une accentuation de la concurrence au sein des associations monopolistes internationales, rend peu solides les accords entre monopolistes à l’intérieur de ces associations et provoque entre eux la lutte pour le repartage des marchés.
Le partage économique du monde entre les groupements de monopoles les plus puissants est intimement lié au cinquième trait de l’impérialisme : l’achèvement du partage territorial du monde entre les Etats impérialistes et la lutte pour son repartage, pour la conquête de terres étrangères.
En vertu de la loi du développement économique et politique inégal des pays capitalistes à l’époque de l’impérialisme, tels pays capitalistes dépassent les autres dans leur développement, le rapport des forces change dans l’arène internationale, ce qui met à l’ordre du jour la question du repartage du monde déjà partagé par les pays capitalistes.
En conséquence, des guerres impérialistes se déclenchent, qui entraînent dans leur orbite presque tous les pays capitalistes et peuples du monde. La lutte pour le repartage du monde prend la forme d’une lutte pour la domination mondiale d’un groupe d’Etats impérialistes ou d’un seul pays capitaliste, le plus puissant.
Critiquant la théorie kautskiste de « l’ultra-impérialisme » sur l’alliance et la coalition des Etats capitalistes, Lénine dit dans son livre : « Quelles que soient les formes de ces alliances, — qu’il s’agisse d’une coalition impérialiste dressée contre une autre, ou d’une union embrassant toutes les puissances impérialiste, — elles ne sont inévitablement que des « trêves » entre les guerres.
Les alliances pacifiques préparent les guerres, et, à leur tour, surgissent de la guerre ; elles se conditionnent l’une l’autre, engendrent les alternatives de lutte pacifique et non-pacifique, sur une seule et même base, celle des liens et rapports impérialistes de l’économie mondiale et de la politique mondiale » (Ibid., p. 562).
Ces paroles de Lénine ont été pleinement confirmées par les événements de l’histoire universelle de ces dernières décades. La « trêve » entre les deux guerres mondiales a duré moins de vingt-cinq ans, et l’intervalle a été rempli de nombreux conflits militaires isolés.
Dans le chapitre VII, Lénine dresse le bilan de l’analyse des principaux traits de l’impérialisme et définit la nature du capitalisme impérialiste ; il fait la synthèse de tous les aspects et de tous les traits du capitalisme actuel.
Dans le chapitre VIII, il parle du parasitisme et de la putréfaction du capitalisme au stade impérialiste. La monopolisation de la vie économique des pays capitalistes engendre la stagnation et la putréfaction. Des Etats-rentiers surgissent, des Etats-usuriers qui pillent des centaines de millions d’hommes dans les pays coloniaux et dépendants. L’Etat-rentier est l’Etat du capitalisme parasitaire pourrissant.
Dans son ouvrage, Lénine a mis en lumière les racines de l’idéologie opportuniste dans le mouvement ouvrier. Les immenses surprofits des monopoles, que les capitalistes extorquent des colonies et des pays dépendants, rendent économiquement possible la corruption des couches supérieures du prolétariat. Cette circonstance engendre l’idéologie de l’opportunisme et du réformisme dans le mouvement ouvrier. L’opportunisme et l’impérialisme sont intimement liés.
Les impérialistes de chaque pays capitaliste par l’intermédiaire de leurs agents dans la classe ouvrière, les opportunistes, cherchent à diviser le mouvement ouvrier et à l’engager dans la voie de l’opportunisme. C’est pourquoi, si l’on ne lutte pas contre l’opportunisme et son idéologie, le mouvement révolutionnaire du prolétariat ne pourra se développer avec succès.
Le chapitre IX est consacré à la critique des théories antimarxistes de l’impérialisme. Lénine soumet à une critique foudroyante les idées de Kautsky qui tentait d’embellir l’impérialisme, d’estomper ses contradictions les plus profondes, et qui vantait la « liberté s et la « démocratie » bourgeoises. Lénine a montré que la réaction politique sur toute la ligne est le propre de l’impérialisme.
Dans le dernier chapitre, le dixième, Lénine définit la place historique de l’impérialisme et établit que l’impérialisme est le stade suprême du capitalisme, la veille de la révolution socialiste. La socialisation très poussée de la production au stade impérialiste du capitalisme, est en contradiction antagonique flagrante avec les rapports de production capitalistes, devenus des chaînes qui entravent le développement des forces productives de la société.
L’impérialisme conduit les masses directement à la révolution socialiste qui détruit le régime capitaliste et crée les conditions nécessaires à l’édification d’une société nouvelle, socialiste.
La portée inappréciable de l’ouvrage « L’impérialisme, stade suprême du capitalisme » réside dans le fait que sur la base d’une analyse du stade impérialiste du capitalisme, Lénine a élaboré une nouvelle théorie de la révolution socialiste ; il a démontré que désormais, à l’époque de l’impérialisme, la victoire simultanée du socialisme dans tous les pays du monde ou dans leur majorité est impossible ; en revanche, la victoire du socialisme est devenue possible au début dans un seul pays capitaliste pris à part ou dans quelques-uns d’entre eux.
La théorie de Lénine de la révolution socialiste « donne une perspective révolutionnaire aux prolétaires des différents pays ; elle stimule leur initiative pour livrer assaut à leur bourgeoisie nationale ; elle leur apprend à utiliser les circonstances de guerre pour organiser cet assaut et affermit leur foi en la victoire de la révolution prolétarienne ». (« Précis d’Histoire du P.C.(b.) de l’U.R.S.S. »).
INDETERMINISME. V. Déterminisme et indéterminisme.
INDIVIDU DANS L’HISTOIRE. Les théoriciens bourgeois, ou bien réduisent l’histoire à l’activité consciente des « personnalités marquantes » (rois, chefs militaires, etc.), sans voir aucune loi qui la régisse, ou bien diminuent la portée de l’activité humaine, en ne voyant dans l’homme que l’instrument d’une nécessité aveugle, d’une volonté divine, d’un destin impénétrable.
Dans le premier cas, l’histoire est envisagée d’un point de vue volontariste, comme un domaine où tout s’accomplit suivant la volonté, le désir, l’idéal d’intellectuels « doués de l’esprit critique », ou de « héros ».
Telle était, par exemple, la théorie des populistes relative aux « héros » et à la « foule » passive (V. Méthode subjective en sociologie ; Populisme). Dans le deuxième cas, l’histoire revêt un caractère de fatalité : tout est prédéterminé et s’accomplit sans influence de l’activité humaine.
Les vues des matérialistes économistes vulgaires conduisent inévitablement à cette conception de l’histoire, comme ce fut le cas des « économistes », des menchéviks, etc. (V. Spontanéité et conscience.)
Diminution de la portée de l’action des masses populaires, du parti révolutionnaire, justification de la spontanéité, négation du rôle de la théorie avancée, des idées d’avant-garde, tel est le fond de la conception économique vulgaire de l’histoire.
A l’opposé des idéalistes et des matérialistes vulgaires, le marxisme-léninisme estime que les hommes créent eux-mêmes leur histoire, mais toujours en fonction de conditions matérielles historiquement définies. Le développement de la société repose sur des lois économiques objectives que les hommes ne peuvent ni abroger, ni supprimer.
Mais ayant appris à les connaître et agissant conformément à la nécessité historique, ils peuvent accélérer sensiblement le cours des événements. Les intérêts des classes progressistes expriment toujours des nécessités historiques venues à maturité, aussi l’activité de ces classes et de leurs représentants les plus éminents tend-elle à réaliser les tâches que pose l’histoire.
C’est cette activité, conforme au cours objectif de l’histoire, qui fait la force des hommes et de certaines personnalités. « Des individualités d’élite peuvent être réduites à rien si leurs idées et leurs souhaits vont à rencontre du développement économique de la société, à rencontre des nécessités de la classe d’avant-garde ; au contraire, des hommes d’élite peuvent véritablement devenir des personnalités marquantes, si leurs idées et leurs souhaits traduisent exactement les nécessités du développement économique de la société, les nécessités de la classe avancée » (« Précis d’Histoire du P.C.(b) de l’U.R.S.S. »).
Les dirigeants de la classe ouvrière offrent un exemple de pareilles individualités marquantes. Le mouvement révolutionnaire du prolétariat a avancé les personnalités les plus éminentes de l’histoire mondiale, qui ont exercé une influence immense sur le cours des événements sociaux.
Les classiques du marxisme ont armé la classe ouvrière et tous les travailleurs de la connaissance lucide des lois objectives du développement delà société qui existent indépendamment de la volonté ou de la conscience humaine. Ils leur ont montré la voie de la lutte contre toute exploitation et l’esclavage, pour le communisme.
Marx et Engels ont non seulement jeté les fondements théoriques du communisme, mais ils ont aussi organisé les premières armées révolutionnaires du prolétariat et les ont animées à la lutte contre l’oppression et l’exploitation.
Lénine a développé de façon créatrice la doctrine marxiste, il a été l’artisan et l’organisateur du premier Etat socialiste des ouvriers et des paysans, dont l’apparition a marqué le début de l’ère du triomphe du socialisme. Sous la direction du parti communiste, avec, à sa tête, le continuateur de l’œuvre de Lénine, J. Staline, le socialisme a vaincu en U.R.S.S.
Aujourd’hui, nombre de pays d’Europe et d’Asie, forts des idées du marxisme-léninisme, se sont également engagés dans la voie du socialisme. L’une des caractéristiques essentielles des dirigeants prolétariens réside dans leur aptitude à lier l’action pratique, organisatrice et révolutionnaire pour transformer le monde, à l’étude théorique profonde de la marche objective de l’histoire.
La Grande Révolution socialiste d’Octobre et l’édification du socialisme en U.R.S.S. ont fait surgir du sein de la classe ouvrière et de la paysannerie d’éminents hommes politiques, des dirigeants dans les domaines économique, culturel et militaire.
Les véritables dirigeants communistes doivent être indissolublement liés aux masses laborieuses et les servir par leurs connaissances et leurs talents ; ils doivent savoir non seulement instruire les ouvriers et les paysans mais aussi s’instruire auprès d’eux.
Les masses laborieuses jouent le rôle principal dans l’histoire et leur action est décisive. Ce qui fait la faiblesse des dirigeants bourgeois, ce qui les voue à l’échec, c’est qu’ils n’ont pas le soutien du peuple, qu’ils sont les leaders d’une minorité qui défend les intérêts de la classe exploiteuse. Ce qui fait la force d’un chef prolétarien, d’un dirigeant des masses laborieuses, ce sont ses liens avec les masses populaires et son activité pour le bien du peuple.
Partant du fait que ce n’est pas l’individu, aussi éminent soit-il, qui constitue la force principale dans l’histoire, mais les masses populaires, créatrices de toutes les valeurs, le marxisme-léninisme se prononce contre tout culte de l’individu. Ce culte est le propre des partis bourgeois, antipopulaires, qui défendent des intérêts complètement opposés à ceux des travailleurs et qui s’inspirent de conceptions sociales antiscientifiques et idéalistes.
Les grands éducateurs du prolétariat ont toujours combattu tout éloge excessif d’un individu, l’incompréhension du fait que ce sont les masses populaires qui décident de la marche de l’histoire.
« … Etant hostile à toute espèce de culte de l’individu, écrivait Marx, je n’ai jamais, durant l’existence de l’Internationale, permis la publication des nombreuses adresses qui, à mon grand déplaisir, me parvenaient d’une série de pays, et dans lesquelles il était question des services que j’avais rendus. Je n’y répondais même pas, sauf parfois pour faire des remontrances. Quand Engels et moi avons adhéré pour la première fois à la société secrète des communistes, ce fut à condition qu’on élimine des statuts tout ce qui pourrait contribuer à une adoration superstitieuse des personnalités en vue… ». (Lettre de Marx à Wilhelm Bloss, 10-XI-1877).
Marx, Engels, Lénine et Staline ont consacré toute leur énergie et toutes leurs connaissances à instruire et à organiser les larges masses laborieuses, à les élever jusqu’à l’activité créatrice consciente, car c’était en cela et en cela seulement qu’ils voyaient la garantie d’une marche victorieuse vers le socialisme.
Le grand mérite du Parti communiste de l’Union Soviétique est d’avoir su, en plein accord avec les lois objectives du développement social, animer et organiser la classe ouvrière et les paysans travailleurs, les conduire à l’assaut du régime périmé des grands propriétaires fonciers et des capitalistes, pour instaurer un ordre nouveau, socialiste. Le parti communiste est à la tête du peuple soviétique et oriente toute son activité vers un seul but : l’édification de la société communiste intégrale.