En septembre 1982, Edith Lagos était capturée et assassinée par l’armée péruvienne. Cette jeune femme âgée d’à peine 19 ans avait commandé un détachement de l’armée populaire de libération qui se porta à l’attaque de la prison d’État d’Ayucucho où bon nombre de prisonniers politiques étaient retenus.
Bien que ses funérailles aient été déclarées illégales par le vieil Etat, il y avait plus de 30.000 personnes pour assister à la procession funèbre dans les rues d’Ayacucho, soit la moitié de la population de la ville.
De fait, le PCP était le produit d’intellectuels métisses venant des provinces reculées, victimes du racisme omniprésent et de la discrimination pratiquée par les Blancs de la classe dominante.
La plupart des cadres étaient de jeunes métisses, hommes et femmes, des lycées et universités des grandes villes côtières et de la province. Puis vint l’incorporation des habitants non indiens et indiens des zones de jungle et des indiens opprimés des Andes, ainsi que des pauvres des villes et de la classe ouvrière de la région de Lima.
Nicolas Shakespeare, l’auteur du livre « The dancer Upstairs », [qui donna le scénario du film du même nom avec John Malkovich sorti en 2003] affirme que le Sentier Lumineux – le Parti Communiste du Pérou – se moquait éperdument des Indiens. C’est faux.
Les funérailles d’Edith Lagos, guérillera tuée en 1982, fit affluer à Ayacucho plus de 30.000 personnes, dans cette ville de 70.000 habitants à l’époque. La plupart étaient des Indiens. Cette ville est le berceau du mouvement maoïste péruvien, et la foule défia l’interdiction des cérémonies de deuil qui avait été imposées par les autorités.
Edith Lagos était élève dans un lycée catholique dirigée par des nonnes et venait d’avoir son baccalauréat, elle était vue comme une élève modèle.
Ses parents l’avaient envoyée à Lima étudier pour devenir avocate. Là-bas, elle séchait souvent les cours pour aller voir des films produits en Inde, parce que disait-elle, pleurer devant ces mélodrames lui était agréable. Si elle n’était pas au cinéma, elle se réunissait avec des ouvriers syndiqués en ville et y parlait de révolution.
Elle fut rapidement recrutée par le PCP, et ses discours flamboyants électrifiaient les Indiens des Andes méridionales.
A l’âge de 17 ans, elle était devenue une commandante de la guérilla. Elle fut capturée à plusieurs reprises par les forces gouvernementales.
Il y a une photo d’elle dans un commissariat en 1981, avec le visage battu par les coups, mais les yeux ardents de détermination.
Le 2 mai 1982 eut lieu une action de grande envergure du PCP. 500 combattants firent un raid d’assiègement contre la ville universitaire de Huamanga, de 80.000 habitants.
La prison fut attaquée à l’explosif et 304 maoïstes en furent libérés, dont Edith Lagos. La ville fut prise quelques heures, toutes les armes étatiques découvertes y furent confisquées, et les colonnes maoïstes se replièrent.
Après ce haut fait, le PCP passa à l’offensive à Ayacucho. Des ponts, des lignes à haute tension, des postes de police, des casernes, des banques et des commerces furent attaqués.
Trois mois après, le président Belaunde déclara l’état d’urgence dans 9 distrits des Andes méridionales, où fut imposé l’état de siège. A la fin de l’année 1983, 8000 paysans avaient trouvé la mort. La guerre était ouverte.
Une autre fois, avec d’autres combattants, Edith Lagos perça un trou dans la prison d’Ayacucho et libéra tous les prisonniers senderistes.
Dans les mois qui précédèrent sa mort, une légende était née, une guérillera du type Robin des Bois, une Che Guevara féminine.
Au marché de Huancayo, on pouvait trouver des statuettes de bois représentant une jeune femme se tenant droite devant un arbre bourgeonnant.
Elle finit par être blessée dans une fusillade avec les forces de répression, fut apparemment prise vivante, puis violée, torturée et tuée à coups de baïonnettes par les forces gouvernementales. Elle avait 19 ans.
Cette façon de faire était la norme de la part des forces de répression.
Au contraire, le PCP avait l’habitude de soigner les blessures des soldats capturés, de les faire prisonniers de guerre et de leur demander de déserter les forces de sécurité ou de rejoindre le Parti
Le père d’Edith Lagos vint à Andahualyas pour identifier le corps. Il prit le corps et le ramena à Ayacucho. Tout le long du chemin, une procession se fit et dut s’arrêter à plusieurs reprises pour laisser les groupes de paysans endeuillés exprimer leur chagrin et leur affection envers leur héroïne.
Les funérailles eurent lieu dans la cathédrale (catholique) principale d’Ayacucho, et son cercueil fut drapé du drapeau rouge frappé – à l’intérieur de l’église – de la faucille et du marteau.
Il existe une vidéo de la messe : on peut y voir une immense assemblée d’hommes et de femmes, tous vêtus d’habits indiens. Alors que le cercueil est sorti de l’église, jaillirent en tonnerre des chants rythmés d’applaudissements : « Commandante Edith presente ! Le peuple n’oubliera jamais ton sang versé ! »
Le foule fit trois fois le tour de la place de l’église, de plus en plus nombreuse alors que des habitants accourraient pour participer à l’hommage. La marche en cortège vers le cimetière fut un véritable mur humain.
Porté par de nombreuses mains tendues, les drapeaux du PCP volaient.
Certains participants jurent que Abimaël Guzman [le président Gonzalo, président du Parti Communiste du Pérou] était présent dans la foule.
C’est une chose probable, étant donné que les officiels de la police avaient donné ordre à leurs hommes de rester dans leurs casernes.
Edith Lagos a continué d’être « vénérée » par les Indiens, sa tombe devenant un lieu de pèlerinage, à tel point que les escadrons de la mort péruviens finirent par la faire exploser. Elle fut ensuite refaite.
Aujourd’hui, des poèmes, des sculptures célèbrent la mémoire d’Edith Lagos, particulièrement dans la ville de Huamanga.
Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste [B]
8 mars 2014