HISTORIQUE ET LOGIQUE. Catégories philosophiques qui caractérisent les rapports entre le processus de la connaissance logique d’une part, et le développement historique de la société dans son ensemble, de l’histoire de la connaissance en particulier, de l’autre. La connaissance scientifique véritable reflète l’histoire de la nature et de la société.

Un phénomène ne peut être compris que s’il est étudié du point de vue de son apparition, de son développement et de son dépérissement, autrement dit, dans son évolution historique. Comprendre un objet, c’est refléter l’histoire de son apparition et de son devenir. Par conséquent, le logique coïncide en principe avec l’historique.

Mais cette coïncidence ne signifie guère que la pensée doive reproduire l’histoire dans toute sa diversité concrète, dans tous ses détails, avec tous ses éléments fortuits et secondaires. Le logique est l’historique épuré de ces contingences, pris dans ses caractères essentiels et nécessaires.

« La suite des idées, écrivait Engels, doit commencer par quoi l’histoire en question commence, et son développement ultérieur ne sera que le reflet, sous une forme abstraite et théoriquement conséquente, du cours historique… » (Marx-Engels : Etudes philosophiques, P. 1935, p. 99). « Le Capital » de Marx offre un exemple éclatant de l’analyse fondée sur l’unité du logique et de l’historique Lénine écrit que ce livre contient l’histoire du capitalisme et l’analyse des notions théoriques qui la généralisent.

Ainsi, l’analyse logique des formes de la valeur reproduit l’histoire du développement de l’échange. Dans la logique dialectique, les lois de la pensée, les concepts, les catégories, leur système et leur subordination (leurs rapports réciproques, leurs liens et leur interdépendance) coïncident pour l’essentiel avec l’histoire des idées. « En logique, écrivait Lénine, l’histoire des idées doit, en principe, coïncider avec les lois de la pensée » (« Cahiers philosophiques », éd. russe, p. 214).

Le processus dialectique de la connaissance va de la contemplation vivante à la pensée abstraite et de cette dernière à la pratique. Ceci montre que la marche logique de la connaissance d’une chose reproduit sous une forme succincte et condensée le cours historique de la connaissance allant de la connaissance de l’immédiat à la découverte des aspects essentiels, toujours plus profonds, de la nature et de la société.

La thèse marxiste de l’unité du logique et de l’historique est dirigée contre l’idéalisme et la métaphysique qui détachent la pensée de la réalité, la théorie de la pratique, la logique de l’histoire ; elle offre une méthode sûre pour connaître le monde réel.

HOBBES Thomas (1588-1679). Eminent philosophe matérialiste anglais. Exposant l’histoire du matérialisme, Marx écrivait dans « La Sainte Famille » : « C’est Hobbes qui a systématisé le matérialisme de Bacon » (Marx/Engels : Gesamtausgabe, Erste Abteilung, Bd. 3, B. 1932, S. 305).

A la suite de F. Bacon (V.), Hobbes s’éleva résolument contre l’idéologie féodale en philosophie comme dans le domaine social et politique. Il niait catégoriquement l’existence de substances immatérielles, tout « esprit » ou « substance incorporelle » n’étant pour lui rien d’autre que des produits de l’imagination humaine. Hobbes se dressait contre la doctrine idéaliste se Ion laquelle les concepts ont une existence objective et sont antérieurs aux choses.

Critiquant les idéalistes, y compris les scolastiques du moyen âge. il déclara : « Ces gens assurent avec sérieux, qu’en plus de Pierre, de Jean et des autres hommes qui existent, existaient ou existeront dans le monde, il y aurait quelque chose d’autre, ce que nous appelons « homme » ou bien « homme en général ».

Hobbes affirme sans hésiter que seuls les corps matériels qui existent en dehors de l’homme sont réels ; quant aux représentations et aux notions, elles ne sont que leur reflet dans la conscience. Il ramène à l’étendue les qualités essentielles des corps matériels. Seules l’étendue et la quantité sont des qualités permanentes, intégrantes des corps, toutes les autres étant sujettes à des modifications.

Hobbes n’a pas compris que l’espace et le temps sont des formes universelles d’existence de la matière ; c’est là le dé faut de son matérialisme. Il définit l’espace comme « la représentation imaginaire d’une chose qui existe en dehors de nous » ; « le temps existe non dans les objets eux- mêmes en dehors de nous, mais seulement dans notre pensée ».

D’autre part, Hobbes estime que l’espace et le temps sont des représentations dues à l’action des objets extérieurs sur l’homme. Le mouvement, selon lui, n’est pas non plus la forme universelle de l’existence de la matière ; il n’est qu’un accident, une propriété secondaire bien qu’inhérente à la matière tout comme l’état de repos.

Réduisant toutes les formes du mouvement de la matière au mouvement mécanique. Hobbes nie le caractère objectif de la détermination qualitative des objets : lumière, son, odeur, goût, couleur, etc. Le matérialisme de Hobbes est un matérialisme mécanise (V.). Le comparant à Bacon, Marx écrit que chez ce dernier « la matière décoche à l’homme tout entier des sourires poétiques et matériels à la fois », tandis que dans le matérialisme de Hobbes « la matérialité perd sa fleur et devient la matérialité abstraite du géomètre » (Ibid., S. 305).

Sa théorie de la connaissance est pour l’essentiel sensualiste, mais il ne développe pas le principe suivant lequel les idées et les connaissances proviennent des sensations.

Dans son « Léviathan » Hobbes expose ses vues politiques et sociales en partant de positions idéalistes. Sa doctrine se forma sous l’influence de la première victoire décisive de la bourgeoisie sur l’aristocratie féodale. Elle repose sur l’affirmation qu’« à l’état naturel », c’est-à-dire avant l’organisation de l’Etat, « l’homme est un loup pour l’homme ».

De là, une lutte acharnée, « la guerre de tous contre tous ». Cet état de la société humaine ne peut durer, car il exclut la vie normale. Développant la théorie du contrat social, Hobbes soutient que les hommes créent l’Etat en vue de sauvegarder la paix dans la société.

Il donne à l’Etat le nom symbolique de « Léviathan » (monstre biblique omnipotent). Hobbes considère la monarchie comme la forme idéale de gouvernement. Il répudie catégoriquement les libertés sociales, la démocratie. D’après lui, le pouvoir de la grande bourgeoisie doit être illimité. Ce qu’il y a de positif dans cette doctrine, c’est la critique des dogmes théologiques concernant l’Etat et son origine. Mais Hobbes se représentait la société bourgeoise comme la limite du progrès.

Principaux ouvrages : « Traité du citoyen » (1642) et « Léviathan » (1651).

HOLBACH Paul-Henri d’ (1723-1789). Un des représentants en vue du matérialisme et de l’athéisme du XVIIIe siècle, idéologue de la bourgeoisie révolutionnaire française, collaborateur de l’ « Encyclopédie ». Il est l’auteur du célèbre ouvrage « Système de la nature » qui reflète nettement la liaison du matérialisme français avec les progrès des sciences naturelles, ainsi que d’une série de pamphlets antireligieux : « Le christianisme dévoilé », « La théologie portative », « La contagion sacrée », etc. Holbach résout la question fondamentale de la philosophie (V.) dans l’esprit du matérialisme ; il définit la nature comme la cause première de tout ce qui existe. La matière c’est la réalité objective agissant sur les sens de l’homme.

Les propriétés premières de la matière sont l’étendue, le mouvement, la divisibilité, la solidité, la pesanteur, etc. ; les propriétés secondes: la densité, le poids, la figure, la couleur, etc. Le grand mérite d’Holbach est d’avoir reconnu le mouvement comme l’attribut inhérent à la matière. Mais son matérialisme étant métaphysique et mécaniste, il conçoit le mouvement comme un simple déplacement des corps dans l’espace. Sa classification des formes de mouvement est une théorie purement mécaniste. La doctrine d’Holbach est dirigée contre la théologie et l’idéalisme, contre l’idéalisme subjectif de Berkeley (V.).

La nature, d’après Holbach, existe de toute éternité ; elle n’est créée par personne et ne sera jamais détruite. « La matière agit par ses propres forces, et n’a besoin d’aucune impulsion extérieure pour être mise en mouvement. » Holbach affirme que les propos sur les esprits incorporels ne sont que des absurdités. Il considère la conscience comme une propriété de la matière organisée.

Dans son « Système de la nature », Holbach critique sévèrement le point de vue religieux qui représente l’homme comme fait à l’image de Dieu. « L’homme est l’ouvrage de la nature, il existe dans la nature, il est soumis à ses lois, il ne pour s’en affranchir, il ne peut, même par la pensée, en sortir. »

L’homme est une partie de la nature soumise à ses lois, à l’égal de tous les corps physiques. Holbach qualifie d’inconsistante la tentative des philosophes idéalistes de diviser l’homme en être physique et être spirituel. « L’homme est un tout organisé composé de différentes matières. » « Récusant les conceptions idéalistes, leur foi en l’âme immortelle, Holbach démontre que les facultés mentales de l’homme dépendent de l’organisation du corps humain.

La sensibilité nous permet de connaître le monde et ses lois. Il n’existe pas d’idées innées. L’homme ne puise pas ses idées dans son âme, mats dans le monde extérieur. Holbach oppose à la téléologie son déterminisme mécaniste.

Les phénomènes dont nous ignorons la cause sont appelés par lui effets de hasard. Ne comprenant pas le caractère objectif des contingences, Holbach considère le développement de la société comme un processus fatal.

Ses vues sur la société sont idéalistes, ce sont celles d’un philosophe bourgeois du siècle des lumières. Tout en reconnaissant l’action de l’ambiance sur la formation de la personnalité, Holbach aboutit à la conclusion erronée, idéaliste, selon laquelle « l’opinion gouverne le monde ».

Il affirme que l’humanité peut s’affranchir du joug féodal par la diffusion de l’instruction et le triomphe de la raison sur l’obscurantisme médiéval. Idéologue de la bourgeoisie française, Holbach craint le mouvement révolutionnaire des masses ; il préfère la révolution « d’en haut », c’est-à-dire la transition pacifique du régime féodal à la société bourgeoise par la voie d’une législation « parfaite » — monarchie constitutionnelle ou même « éclairée ».

Critiquant la religion, Holbach n’y voit qu’une conséquence de l’ignorance, mais il n’est pas à même de la caractériser du point de vue historique, de révéler la nature de classe de la religion. Cependant, ses écrits athéistes jouèrent un rôle immense dans la lutte contre l’obscurantisme et la superstition.


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