HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE EN TANT QUE SCIENCE. L’histoire de la philosophie en tant que science est une création du marxisme. Auparavant, les tentatives d’écrire une histoire scientifique de la philosophie ont échoué parce qu’elles reposaient sur l’interprétation idéaliste de l’histoire de la société et de l’origine des idées.
Chaque philosophe déclarait que les systèmes philosophiques antérieurs n’étaient qu’erreurs, et toute l’histoire de la philosophie se présentait ainsi comme une galerie d’idées fausses.
La première tentative appréciable de créer une histoire systématisée de la philosophie a été faite par Hegel. Mais ce philosophe traitait son sujet en idéaliste, n’y voyant que le développement logique des idées, incarnation de l’« esprit absolu ». Les étapes de l’histoire de la philosophie seraient donc autant de degrés de ce processus au cours duquel l’« esprit absolu » prend conscience de lui-même.
L’histoire hégélienne de la philosophie méconnaît sciemment le courant matérialiste, elle dénigre les philosophes matérialistes, s’applique à les discréditer pour exalter l’idéalisme et affirmer que seule la philosophie idéaliste mérite d’être appelée philosophie. Après Hegel, on n’a vu aucune doctrine digne d’attention dans toute l’histoire bourgeoise de la philosophie (Kuno Fischer, Windelband, Ueberweg-Heinze, etc.).
Actuellement, l’histoire bourgeoise de la philosophie est tombée aussi bas que la philosophie bourgeoise elle-même. Les auteurs bourgeois de nos jours dénaturent l’histoire de la philosophie, de la lutte séculaire du matérialisme contre l’idéalisme, pour justifier les systèmes les plus réactionnaires, les plus antiscientifiques des siècles passés. Les philosophes bourgeois n’ont jamais été capables d’écrire une histoire vraiment scientifique de la philosophie.
Une précieuse contribution au progrès de l’histoire de la philosophie a été apportée par les travaux des philosophes russes du XIXe siècle, (notamment par les « Lettres sur l’étude de la nature » de Herzen (V.) et les œuvres de Tchernychevski (V.). Les « Essais sur la période gogolienne dans l’histoire de la littérature russe », de Tchernychevski, revêtent une importance particulière pour comprendre certaines questions relatives à l’histoire de la philosophie russe.
Seule l’idéologie du prolétariat, le marxisme, fournit le critère juste et les idées directrices d’une histoire scientifique de la philosophie. Forte de la conception matérialiste de la société, l’histoire marxiste-léniniste de la philosophie met en lumière les lois réelles du développement de la philosophie et montre que l’évolution des idées et des théories philosophiques reflète le devenir social, les changements du régime économique de la société.
La théorie marxiste de la base et de la superstructure (V. Base et superstructure) est d’une importance capitale pour la conception scientifique de l’histoire de la philosophie.
De même que les idées politiques, juridiques et autres, les idées philosophiques sont une superstructure et se modifient en fonction des changements de la base. Comme toute superstructure, les théories philosophiques constituent une force active du développement social, elles aident la base à se consolider.
Dans une société divisée en classes, la philosophie exprime l’idéologie de telle ou telle classe. Aussi doit-on envisager l’évolution et le changement des idées philosophiques en tenant compte des changements de la base sociale. L’histoire de la philosophie doit donc être considérée comme un processus inséparable de l’histoire de la société.
Les travaux des classiques du marxisme-léninisme mettent en lumière les étapes essentielles de l’histoire de la philosophie, les apprécient sous tous leurs aspects, critiquent les systèmes et les écoles philosophiques les plus importants. Dans son ouvrage « Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande » (V.) d’importance capitale pour l’histoire marxiste de la philosophie, Engels met en relief le problème philosophique fondamental, celui du rapport de la pensée et de l’être.
Cela a permis de définir scientifiquement les courants philosophiques fondamentaux et de considérer la lutte du matérialisme et de l’idéalisme comme la loi principale de l’histoire de la philosophie. Certains travaux de Plékhanov (V.), bien qu’ils ne soient pas exempts d’erreurs, ont également une haute valeur scientifique. La lutte contre les idéalistes menchévisants et les mécanistes (V. Idéalisme menchévisant ; Matérialisme mécaniste) a contribué aussi à élucider les problèmes de l’histoire marxiste de la philosophie. Au cours de cette lutte, ont été dénoncées les déformations idéalistes et mécanistes.
La discussion philosophique, organisée en U.R.S.S. en 1947, sur l’initiative du Comité Central du Parti communiste, représente un apport précieux au progrès de l’histoire marxiste-léniniste de la philosophie. L’intervention de Jdanov au nom du Comité Central du Parti communiste, et la discussion dans son ensemble, ont mis à nu les graves erreurs de l’ouvrage « Histoire de la philosophie en Europe occidentale » qui dénaturait les principes marxistes-léninistes dans la manière d’aborder l’histoire de la philosophie, l’exposait dans un esprit objectiviste et négligeait le principe de l’esprit de parti.
S’appuyant sur le fait que la lutte du matérialisme et de l’idéalisme est la loi du développement de la philosophie, que c’est sur cette base que s’est développée la philosophie scientifique matérialiste, Jdanov a donné une définition précise de l’objet de l’histoire scientifique de la philosophie. C’est « l’histoire de la naissance, de l’apparition et du développement de la conception matérialiste, scientifique du monde et de ses lois. Puisque le matérialisme a grandi et s’est développé dans la lutte contre les courants idéalistes, l’histoire de la philosophie est aussi l’histoire de la lutte du matérialisme contre l’idéalisme ».
Aux termes de cette définition, le principe fondamental et décisif de l’histoire marxiste de la philosophie, c’est son esprit de parti, son intransigeance envers l’objectivisme bourgeois, dans l’appréciation des courants philosophiques hostiles à la science.
Jdanov a critiqué l’interprétation non marxiste de l’histoire de la philosophie envisagée comme une succession d’écoles, la philosophie marxiste étant l’une d’entre elles. « L’apparition du marxisme comme idéologie scientifique du prolétariat, a dit Jdanov, met fin à l’ancienne période de l’histoire de la philosophie où la philosophie était cultivée par des individus isolés, était l’apanage d’écoles composées d’un petit nombre de philosophes et de leurs disciples, recroquevillés sur eux-mêmes, détachés de la vie et du peuple, étrangers au peuple.
Le marxisme n’est pas une école philosophique de ce genre. Au contraire, il signifie que l’ancienne philosophie, privilège d’un petit nombre d’initiés, d’une aristocratie de l’esprit, est dépassée, et il inaugure une période entièrement nouvelle où la philosophie est devenue un instrument scientifique entre les mains des masses prolétariennes qui luttent pour se délivrer du capitalisme. » L’apparition de la philosophie marxiste doit être considérée comme un bond révolutionnaire, comme un vrai bouleversement dans l’histoire de la pensée humaine et qui a fait de la philosophie une science.
Cette révolution ne signifie pas l’absence de filiation historique. Le matérialisme dialectique est le produit du développement des sciences, y compris la philosophie, au cours de la période antérieure. C’est pourquoi il est impossible de comprendre la philosophie marxiste, son apparition, sans avoir étudié tout le passé de la philosophie. La philosophie marxiste s’est assimilé et a remanié dans un esprit critique tout ce que la pensée humaine avait créé de précieux.
L’histoire marxiste de la philosophie doit en outre montrer comment change l’objet même de la philosophie en tant que science, à mesure que se développent la philosophie et les sciences. Avant l’apparition du marxisme, la philosophie était considérée comme la « science des sciences », englobant tous les domaines de la connaissance. Le dernier système artificiel de ce genre fut celui de Hegel (V.).
Une telle extension de l’objet de la philosophie avait sa justification : la science était encore indifférenciée et beaucoup de sciences positives, qui ont surgi par la suite, avec le développement des connaissances sur la nature, n’existaient pas encore. Mais, au fur et à mesure que les connaissances sur la nature et la société se développaient, les sciences positives se détachaient de la philosophie l’une après l’autre.
Ce processus signifiait l’approfondissement du savoir humain et avait une importance énorme pour les sciences naturelles et sociales aussi bien que pour la philosophie elle-même. L’étude des lois les plus générales de la nature, de la société et de la pensée, l’élaboration d’une théorie scientifique de la connaissance, basées sur les données des sciences concrètes et l’expérience historique, constituent l’objet de la philosophie marxiste.
L’apparition du marxisme ne marque pas la fin de l’histoire de la philosophie. L’histoire marxiste-léniniste de la philosophie comprend l’histoire, déjà centenaire, de la philosophie marxiste, sa lutte contre les tendances et les écoles réactionnaires bourgeoises, les développements apportés à la philosophie marxiste par Lénine, par le continuateur de son oeuvre Staline et par les autres disciples de Lénine dans les conditions historiques nouvelles, à l’époque de l’impérialisme et des révolutions prolétariennes.
A. Jdanov a critiqué sévèrement la séparation artificielle de l’histoire de la philosophie occidentale et de l’histoire de la philosophie russe ; omettre, dans le livre « Histoire de la philosophie en Europe occidentale », l’histoire de la philosophie russe, c’est minimiser son importance.
L’histoire vraiment scientifique de la philosophie doit analyser et exposer le développement de la philosophie matérialiste en rapport étroit avec l’histoire des sciences de la nature. Elle doit être directement liée aux tâches actuelles, être un instrument de l’éducation communiste. Toutes ces thèses résument les idées de Marx, Engels, Lénine et Staline sur l’histoire de la philosophie et donnent une définition profonde et complète de l’objet de l’histoire marxiste de la philosophie en tant que science.
Les œuvres des classiques du marxisme-léninisme fournissent des modèles d’analyses et d’exposés scientifiques de l’histoire de la philosophie. Tels les ouvrages de Marx et d’Engels « La Sainte famille » (V.), l’« idéologie allemande » (V.) ; « Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande » (V.) et l’« Anti-Dühring » (V.) d’Engels ; « Matérialisme et empiriocriticisme » (V.), « Les trois sources et les trois parties constitutives du marxisme », les « Cahiers philosophiques » (V.) de Lénine ; « Anarchisme ou socialisme ? » (V.), « Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique » (V.) de Staline.