FOURIER Charles (1772-1837). Célèbre socialiste utopiste français, brillant critique de la société bourgeoise. Il mit à nu la contradiction entre les idées et les promesses des idéologues de la révolution française sur l’égalité, la fraternité, la justice d’une part et la misère matérielle et morale de la société bourgeoise d’autre part. Le régime bourgeois est dépravé. La pauvreté à un pôle y est engendrée par la surabondance à l’autre. Cet ordre social mutile l’homme, étouffe ses sentiments, ses désirs, ses pensées. Sous le régime bourgeois, le bonheur des uns cause le malheur des autres.
Sous l’influence des idées professées par les matérialistes français sur le rôle décisif de l’éducation, Fourier élabore sa théorie des passions humaines pour prouver la nécessité de l’avènement de la société socialiste. Douze « passions » sont propres à l’homme (le goût, le tact, la vue, l’ouïe, l’odorat, l’amitié, l’ambition, l’amour, le « famillisme » — sentiment de la paternité, la « cabaliste » — passion de l’intrigue, la « papillonne » — tendance à la diversité, la « composite » — instinct grégaire). Les moralistes n’avaient fait que dénoncer la dépravation de la nature humaine, ils appelaient à étouffer les passions.
En réalité, déclare Fourier, c’est le régime social qui est vicieux. L’homme est foncièrement bon. Il s’agit de créer une société qui favorise la pleine satisfaction des passions humaines, leur développement et leur épanouissement.
A partir de ces prémisses, Fourier brosse le tableau de l’ordre social futur, dont la cellule fondamentale est la phalange, composée de « différentes séries de production ». Tous les membres de la phalange ont droit au travail. De leur plein gré, obéissant à leurs passions, ils s’enrôlent dans les différents groupes de production.
Le travail dans la phalange est considéré comme un besoin, comme une source de jouissance. L’absence de la spécialisation étroite qui mutile l’homme sous le régime bourgeois, y contribue. Au cours de la journée, chaque membre de la phalange change d’occupation à plusieurs reprises.
Ainsi est satisfaite la « papillonne », le besoin de diversité propre à l’homme. Fourier disait des hommes de l’avenir que leur altière intrépidité surmonterait tous les obstacles, que, pour eux, le mot « impossible » n’existerait pas. Dans la société future, les intérêts de l’individu coïncideront avec ceux de la société. On y verra l’abondance des biens matériels, résultat d’un travail créateur et hautement productif. La répartition dans la phalange se fait, pour l’essentiel, d’après le travail et le talent : 5/12 des revenus vont au travail et 3/12 — au talent.
Sous une forme rudimentaire, Fourier exprime l’idée de la suppression de l’opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel, entre la ville et la campagne.
Le socialisme de Fourier a un caractère utopique. Fourier se dressait contre la révolution violente. Déçu de la révolution française, il pensait organiser la société socialiste de l’avenir grâce à la propagande pacifique de ses idées. Il croyait possible de créer des phalanges sous le capitalisme. Fourier s’adressait aux riches, à qui il confiait ses projets dans l’espoir d’obtenir des subventions pour les réaliser.
Afin d’attirer les capitalistes, Fourier leur promettait les 4/12 restants du revenu de la phalange.
Comme les autres socialistes utopiques, il ignorait la mission historique du prolétariat. Fourier, Saint-Simon (V.), Owen (V.) étaient des socialistes solitaires que les masses ne suivaient pas. Le socialisme utopique ne pouvait indiquer une issue efficace pour délivrer l’humanité de l’esclavage capitaliste.
Fourier a exercé une grande influence sur le développement des idées socialistes. Marx l’appelait un des « patriarches du socialisme ». A côté du socialisme de Saint-Simon et d’Owen, celui de Fourier constitue l’une des sources théoriques du communisme scientifique.
Œuvres principales : « Théorie des quatre mouvements et des destinées générales » (1808), « Théorie de l’unité universelle » (1822), « Nouveau monde industriel et sociétaire » (1829). (V. également Socialisme utopique.)
FRANKO Ivan Iakovlévitch (1856-1916). Grand écrivain et penseur ukrainien, savant et homme public. Fils d’un paysan forgeron de la région de Drogobytch. Etudia à l’Université de Lvov. Les autorités autrichiennes le persécutaient, il fut jeté trois fois en prison, accusé d’être socialiste, d’organiser des sociétés secrètes, de sympathiser avec les Russes et d’entrer en contact avec le mouvement paysan.
Sa conception du monde s’est formée sous l’influence de Chevtchenko (V.) et des démocrates révolutionnaires russes : Herzen (V.), Biélinski (V.), Tchernychevski (V.), Dobrolioubov (V.), Pissarev (V.), de Saltykov-Chtchédrine et de Nekrassov. Le marxisme a influé sur le développement de l’idéologie démocratique révolutionnaire de Franko et l’a orienté vers le socialisme scientifique.
Il étudiait et diffusait le « Manifeste du Parti communiste » de Marx et d’Engels, et « Le Capital » de Marx ; il a été le premier à traduire en ukrainien le chapitre 24 du livre premier du « Capital » et certains chapitres de l’« Anti-Dühring » d’Engels.
La conception du monde de Franko était étroitement liée au mouvement de libération des travailleurs ; au prolétariat qui, faisant son apparition à ce moment dans les régions des exploitations pétrolières et dans les villes de l’Ukraine occidentale, commençait à s’intéresser à la vie politique ; aux progrès des sciences naturelles, notamment à la doctrine de Sétchénov (V.) et au darwinisme.
Il a exposé ses idées philosophiques dans plusieurs ouvrages : « Quelques mots sur la façon d’établi : nos éditions populaires et d’y mettre de l’ordre », « Des idées sur l’évolution dans l’histoire de l’humanité », « La littérature, sa destination et ses traits fondamentaux », « Lettres critiques sur les intellectuels de Galicie », ainsi que dans ses œuvres d’art.
La matière, selon Franko, forme la base de tout ce qui existe. La nature est immortelle, éternelle, elle est constamment en mouvement et en effervescence.
L’esprit n’est pas un deuxième principe constituant du monde, mais seulement le reflet de la matière en mouvement, la fonction du cerveau et du système nerveux. Les connaissances humaines sont le reflet de la réalité, de la nature.
Franko réfutait l’agnosticisme et le relativisme. Il formulait certaines idées dialectiques, voyait le changement incessant du monde, son caractère contradictoire, et s’orientait sur ce qui va de l’avant.
Franko était athée, combattait le fidéisme, le cléricalisme et l’éducation religieuse de la jeunesse.
Franko critiquait la pseudo-théorie du caractère éternel du capitalisme, dénonçait dans la société capitaliste une société rapace qui engloutit des générations entières et ruine la santé et la morale des masses. C’est un monde de mensonges et de violences.
Franko croit fermement à la victoire de la révolution. Dans sa lutte pour une littérature d’un idéal élevé, Franko oppose à l’esthétique idéaliste avec ses représentations métaphysiques sur l’immutabilité des normes d’art, l’esthétique matérialiste de Biélinski, Tchernychevski, Dobrolioubov et Chevtchenko.
Il souligne le caractère historique de l’art en affirmant que la vie en est le mobile principal. Il soumet à une critique véhémente la théorie de « l’art pour l’art » et la décadence en littérature.
Dans ses œuvres littéraires, Franko a retracé avec beaucoup de réalisme l’oppression des travailleurs de l’Ukraine occidentale. Il a le premier introduit l’ouvrier dans la littérature ukrainienne. L’œuvre de Franko était hautement appréciée par Maxime Gorki.
Patriote remarquable, champion de l’amitié des peuples russe et ukrainien, Franko croyait que « l’heure viendra ! » où l’Ukraine brillera « auréolée de pourpre au sein des peuples affranchis… ». Il défendait la réunion de l’Ukraine à la Russie où, selon sa conviction, avait fait son apparition « le printemps de l’humanité » — la révolution de 1905.
Franko était un ennemi résolu du nationalisme bourgeois ukrainien, mais aussi du cosmopolitisme. Il fut le premier en Ukraine à arracher le masque à Grouchevski, idéologue du nationalisme bourgeois ukrainien, à dénoncer sa pseudo-théorie selon laquelle la nation ukrainienne aurait évité le stade capitaliste de développement, fit le procès du livre de Grouchevski sur l’histoire de l’Ukraine, livre écrit pour gagner les bonnes grâces des agresseurs allemands qui préparaient l’annexion de l’Ukraine, sa séparation d’avec la Russie.
La pensée de Franko comporte aussi des points de vues erronés. Il n’a pas toujours su surmonter l’étroitesse nationale, fait souligné par Lénine, dans l’intérêt du mouvement démocratique de libération nationale en Ukraine.
Il ne s’est pas rallié aux positions du marxisme, mais sa vie toute entière remarquable, son grand talent littéraire mis au service des travailleurs, son activité en faveur de l’affranchis sèment du peuple ukrainien et du resserrement des liens d’amitié entre les peuples russe et ukrainien, lui ont valu l’amour général.
Le peuple ukrainien, ainsi que tous les peuples de l’Union Soviétique, honorent la mémoire d’Ivan Franko.
FREUDISME. Courant idéaliste, réactionnaire, répandu dans la science psychologique contemporaine et désigné du nom de son fondateur, le psychiatre viennois Sigmund Freud. Le freudisme prétend que la conscience est soumise au « subconscient » dont le contenu est la « libido », c’est-à-dire l’instinct sexuel.
La conscience naît du conflit entre la libido et le milieu social. Ce conflit, qui apparaît dès la première enfance, exerce une influence fatale sur toute la destinée de l’homme et cause les névroses et les maladies mentales.
Le freudisme considère la libido comme la « loi » fondamentale, unique, de la vie psychique de l’homme et de toute son activité et l’oppose aux lois de la vie matérielle. La psychologie scientifique nie l’existence du subconscient freudien et considère la conscience comme une propriété de la matière cérébrale.
La psychologie scientifique réfute l’idée selon laquelle l’instinct sexuel se manifesterait dès la plus tendre enfance et dément l’influence fatale de quelque « facteur » que ce soit sur la destinée humaine. Le freudisme démasque entièrement son caractère réactionnaire dans ses tentatives d’« expliquer » les phénomènes sociaux, depuis les rites et les mythes des « sociétés primitives » jusqu’aux guerres et révolutions contemporaines.
Le néo-freudisme qui essaie de diminuer le rôle de la libido ou de la remplacer par un autre « facteur » analogue, ne diffère pratiquement en rien du freudisme.