Alexandre Deïneka, Etendue, 1944

Alexandre Deïneka, Etendue, 1944

FORCES PRODUCTIVES. Instruments à l’aide desquels les biens matériels sont produits, les hommes qui manient ces instruments et produisent les biens matériels grâce à une certaine expérience et aux habitudes de travail.

L’état des forces productives indique par quels instruments les hommes produisent les biens matériels, et exprime le comportement de la société envers les forces de la nature. La productivité du travail social dépend du niveau historique de développement des forces productives, de la qualité des instruments, de l’expérience des hommes et de leurs habitudes de travail.

A tout moment historique donné, la vie de la société est déterminée, en dernière instance, par les forces productives dont elle dispose. Les hommes primitifs n’auraient pu exister sans arcs et flèches, sans hache de pierre, etc., de même que le capitalisme moderne est inconcevable sans machines et sans ouvriers, principale force productive de la société.

Le développement des forces productives et, avant tout, des instruments de production est à la base de l’évolution du mode de production des biens matériels (V.). Le changement du mode de production aboutit à celui du régime social dans son ensemble.

Les forces productives n’existent pas en dehors d’une forme sociale déterminée, c’est-à-dire en dehors des rapports de production (V.). Le marxisme-léninisme critique sévèrement les théories qui envisagent les forces productives en dehors de leur interaction avec les rapports de production auxquels elles sont liées indissolublement. Telle est, par exemple, la conception de Bogdanov (V.) et de Boukharine, absolument étrangère au marxisme. Le développement des forces productives ne peut être compris qu’en liaison avec les rapports de production.

Les forces productives sont la base sur laquelle surgissent des rapports de production déterminés. Mais ceux-ci, apparus sur la base des forces productives, exercent une puissante action en retour. Si les rapports de production ne correspondent pas au caractère des forces productives, s’ils sont en contradiction avec elles, ils entravent leur développement. Les forces productives étant l’élément le plus mobile et le plus révolutionnaire de la production, vont toujours de l’avant.

C’est ce qui détermine le retard des rapports de production sur le niveau des forces productives, l’apparition d’une contradiction entre eux à un certain stade du développement. Pour que les forces productives puissent progresser, il faut anéantir les anciens rapports de production et les remplacer par de nouveaux.

Les nouveaux rapports de production sont la force principale et décisive qui détermine la montée continue des forces productives. Ainsi le développement des forces productives du capitalisme actuel est entravé par les rapports de production bourgeois. Au contraire, les forces productives de la société soviétique s’épanouissent impétueusement, car les rapports de production socialistes les favorisent.

Dans son ouvrage « Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique », Staline brosse un tableau du développement des forces productives depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours : « Transition des grossiers outils de pierre à l’arc et aux flèches et, par suite, passage de la chasse à la domestication des animaux et à l’élevage primitif ; transition des outils de pierre aux outils de métal (hache de fer, araire muni d’un soc en fer, etc.) et par suite, passage à la culture des plantes, à l’agriculture ; nouveaux perfectionnements des outils de métal pour le travail des matériaux, apparition de la forge à soufflet et de la poterie et par suite, développement des métiers, séparation des métiers et de l’agriculture, développement des métiers indépendants et puis de la manufacture ; transition des instruments de production artisanale à la machine et transformation de la production artisanale-manufacturière en industrie mécanisée ; transition au système des machines et apparition de la grande industrie mécanisée moderne : tel est le tableau d’ensemble, très incomplet, du développement des forces productives de la société tout au long de l’histoire de l’humanité. »

En même temps que les instruments de production changent, les hommes qui constituent l’élément essentiel des forces productives, ainsi que leurs habitudes de travail, se développent également. Au cours du passage de l’ancienne formation économique à la nouvelle, les rapports de production existants sont supprimés tandis que les forces productives se maintiennent et s’épanouissent.

FORMATION ECONOMIQUE ET SOCIALE. Régime économique et superstructure correspondante d’une société à un stade déterminé de l’évolution historique. Dans le processus de la production, les hommes se réunissent pour produire en commun les biens matériels. « Dans leur totalité, les rapports de production forment ce qu’on appelle les rapports sociaux, la société, disait Marx, et notamment une société à un stade de développement historique déterminé, une société à caractère distinctif déterminé » (« Travail salarié et capital », P. 1931, p. 39).

La commune primitive, l’esclavage, le féodalisme, le capitalisme, le régime socialiste (communiste) sont des formations économiques et sociales diverses, des étapes particulières dans l’évolution de la société humaine. La base économique de chaque société engendre une superstructure complexe : les conceptions politiques, juridiques, religieuses, philosophiques et artistiques de la société, et les institutions politiques, juridiques et autres qui leur correspondent.

Chaque formation économique et sociale a ses propres lois historiques qui président à sa naissance et à son évolution. En même temps, il existe des lois générales qui régissent toutes les formations et qui les relient en un seul processus qui constitue l’histoire. Loin d’être accidentel, le passage d’une forme de société à une autre s’effectue suivant des lois rigoureuses, par suite du développement, au sein de l’ancienne société, de contradictions qui la conduisent à la décadence et au dépérissement, et préparent le terrain à l’apparition et au triomphe d’un régime nouveau, progressif. La succession des formations économiques et sociales a pour fondement une loi objective, la loi de correspondance nécessaire entre les rapports de production et le caractère des forces productives (V.).

Dans la société divisée en classes antagoniques, le passage d’une formation économique et sociale à une autre s’effectue par la lutte entre les classes, par le renversement révolutionnaire de la classe dominante. Ainsi, la lutte de la classe ouvrière conduit à la chute du pouvoir des capitalistes, à l’instauration de la dictature du prolétariat (V.) et à la création du régime socialiste. Seule la victoire du socialisme inaugure l’histoire véritablement humaine, lorsque les hommes, délivrés du joug du capital, développent librement leurs capacités, et que les forces productives s’épanouissent à des rythmes sans précédent.

FORME ET CONTENU. Catégories de la dialectique matérialiste d’une grande importance pour la conception du développement. Tout objet, tout phénomène de la nature et de la société a son contenu et sa forme. Par contenu on entend l’aspect le plus important de l’objet qui caractérise son essence intime, son fond qui se manifeste dans ses caractères et ses propriétés. La forme est l’organisation interne du contenu ; elle relie en un tout les éléments du contenu, sans elle le contenu est impossible. La plupart des systèmes philosophiques idéalistes et métaphysiques détachent la forme du contenu.

Pour le matérialisme dialectique la forme et le contenu sont indissolublement liés, le contenu étant le facteur déterminant. Ainsi, les forces productives matérielles sont le contenu du mode de la production, mais elles ne représentent qu’un côté de la production ; les rapports de production, c’est-à-dire les rapports entre les hommes dans le processus de la production en sont un autre.

Les rapports de production en tant que forme sont déterminés par les forces productives en tant que contenu. Un type déterminé de rapports de production correspond au niveau, au caractère des forces productives. Le moulin à eau, a dit Marx, donne une société avec un suzerain, alors que le moulin à vapeur donne une société avec le capitaliste à sa tête.

Le marxisme apprend à considérer la forme, non comme une chose qui se suffit à elle-même, mais comme l’expression d’un contenu déterminé. « Le kolkhoz est une forme socialiste d’organisation économique, comme les Soviets sont une forme socialiste d’organisation politique. Kolkhoz et Soviets constituent une des plus grandes conquêtes de notre révolution, une des plus grandes conquêtes de la classe ouvrière. Mais les kolkhoz et les Soviets ne sont qu’une forme d’organisation, socialiste il est vrai, mais forme d’organisation cependant. Tout dépend du contenu qui sera coulé dans cette forme ». (Staline : « Les Questions du léninisme », M. 1951, p. 607).

Les ennemis du régime soviétique ont essayé d’utiliser la forme des kolkhoz et des Soviets pour la remplir d’un contenu bourgeois, contre-révolutionnaire. C’est pourquoi le parti communiste enseigne qu’il ne faut pas surestimer la forme, qu’il faut se rappeler qu’elle ne joue pas et ne peut jouer un rôle indépendant.

Tout en soulignant la primauté du contenu par rapport à la forme, la méthode dialectique ne prétend pas que la forme soit un élément indifférent, passif par rapport au contenu ; il n’y a pas de contenu sans forme comme il n’y a pas de forme sans contenu. Le contenu informe cesse d’être un contenu ; un contenu donné, concret, n’existe que sous une forme déterminée.

Par exemple, l’agriculture socialiste par son contenu ne peut exister sans une forme déterminée : la forme kolkhozienne. Le parti du prolétariat, révolutionnaire par son contenu, par ses buts, ne peut agir efficacement qu’en revêtant une forme déterminée d’organisation, fondée sur les principes du centralisme démocratique, sur une stricte discipline, etc. En dehors de cette forme, le parti du prolétariat ne peut accomplir ses tâches.

La forme agit sur le contenu en favorisant ou en entravant son développement. Par exemple, les rapports de production capitalistes, dans les conditions du capitalisme en putréfaction, entravent l’essor des forces productives. Par contre, les rapports de production nouveaux, socialistes, conformes au caractère des forces productives, donnent libre cours à l’épanouissement des forces productives. En U.R.S.S., la propriété collective des moyens de production est en pleine conformité avec le caractère social de la production, en vertu de quoi les rapports de production socialistes sont un facteur puissant du progrès accéléré des forces productives.

L’unité de ces deux catégories implique les contradictions inévitables entre elles. Le développement commence toujours par le contenu, élément le plus mobile dans les objets et dans les processus. Etant donné que le contenu est en perpétuel devenir, il ne peut y avoir de correspondance absolue entre le contenu et la forme. C’est pourquoi, au cours du développement, la contradiction surgit entre le contenu et la forme ; au début, cette contradiction n’exige pas encore le remplacement de la forma existante.

Mais par la suite, la contradiction s’aggrave et le moment arrive où la forme épuise toutes ses possibilités et devient une entrave au développement. Ainsi, la connexion dialectique de la forme et du contenu signifie que dans son devenir le contenu entre en lutte avec la forme ancienne qui ne correspond plus au contenu nouveau ; cette contradiction s’élimine quand le contenu nouveau supprime, rejette la forme surannée. Il n’y a pas de conflit entre le contenu et la forme en général, mais entre la forme ancienne et le contenu nouveau, qui cherche une forme nouvelle et qui tend vers elle.

Ainsi, la dictature du prolétariat, instaurée à la suite de la Grande Révolution socialiste d’Octobre, était en contradiction avec la forme parlementaire bourgeoise de l’Etat. Le nouveau contenu a fait naître une forme nouvelle : les Soviets, forme étatique de la dictature du prolétariat.

Des conclusions politiques et pratiques très importantes découlent de la conception dialectique de la forme et du contenu. Puisque le contenu détermine la forme, il faut organiser tout le travail relatif à l’édification du socialisme, à l’affermissement et au développement des Soviets, des kolkhoz, de la culture soviétique, etc., de façon à sauvegarder leur contenu socialiste.

Du moment que la forme n’est pas un élément indifférent, passif par rapport au contenu, on ne peut rester indifférent envers la forme que prend tel ou tel phénomène. Par exemple, seule la forme nationale de la culture soviétique favorise, à l’étape historique actuelle, le développement de son contenu socialiste. Seuls les Soviets en tant que forme politique de la dictature du prolétariat en U.R.S.S. favorisent le développement et l’affermissement de l’Etat socialiste, etc.

Le parti communiste oriente l’art soviétique dans la voie du réalisme socialiste, en luttant contre toute espèce de formalisme bourgeois, étranger à la culture socialiste. Le formalisme signifie la rupture de l’art avec la vie sociale, avec la lutte du peuple pour le communisme, la transformation de la forme en un but en soi.

Dans les décisions d’après-guerre sur les questions idéologiques, le Comité Central du Parti communiste de l’Union Soviétique a soumis à une critique serrée les survivances bourgeoises dans l’art soviétique et a indiqué que c’est seulement en représentant la vie du peuple sous ses multiples aspects, en s’inspirant d’idées profondes, en participant activement à la lutte pour le communisme, que l’art soviétique peut se développer avec succès.

D’autre part, les décisions du Comité Central du Parti communiste réclament des artistes qu’ils continuent à perfectionner la forme de leurs œuvres, car sans une forme parfaite il est impossible d’exprimer un contenu idéologique profond, il est impossible de peindre véridiquement la réalité.

Il faut également noter que le contenu nouveau peut utiliser telle ou telle forme ancienne, sans la briser, mais en la pénétrant, en la transformant, en l’adaptant à ses fins. Par exemple, la société soviétique se sert de formes économiques anciennes telles que l’argent, la marchandise, les banques.

Mais leur contenu, leurs fonctions, comparées à celles de la société capitaliste, ont foncièrement changé. Ce qui reste dans l’économie socialiste de ces catégories du capitalisme, c’est la forme ; quant au fond, elles ont subi un changement radical, conformément aux besoins de l’économie socialiste.


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