FEODALISME. Formation économique et sociale, deuxième forme de la société divisée en classes, précédée du régime esclavagiste et suivie du capitalisme, qui est la dernière formation sociale basée sur l’exploitation de l’homme par l’homme. Les classiques du marxisme-léninisme emploient quelquefois le terme « servage » comme synonyme de « féodalisme ».
Comparées aux forces productives du capitalisme, celles de la société féodale sont peu développées et stagnantes, mais par rapport à celles de l’antiquité elles constituent un grand pas en avant (perfectionnement de la fonte et du traitement du fer, emploi généralisé de la charrue et d’autres instruments de fer ainsi que du moulin à eau).
A un certain degré du développement de la société féodale, s’accentue nettement la division du travail entre l’agriculture et les métiers ; la production artisanale de la ville s’accroît, avec sa technique manuelle différenciée. Enfin, au degré supérieur du féodalisme surgit la manufacture. Avant l’apparition de la manufacture, les rapports de production féodaux correspondaient au caractère des forces productives dont ils favorisaient le développement.
Les rapports de production féodaux pouvaient jouer ce rôle avant tout grâce à l’affranchissement partiel du producteur immédiat ; comme on ne peut tuer le serf, — bien qu’on puisse le vendre et l’acheter, — comme il possède une exploitation et une famille, il est quelque peu intéressé au travail, il fait preuve d’une certaine initiative nécessaire aux nouvelles forces productives.
Les rapports de production féodaux ont pour fondement la propriété du seigneur féodal sur la terre, principal moyen de production agricole, alors que les travailleurs sont déshérités. Ce qui caractérise encore la forme féodale de la propriété des moyens de production, c’est la propriété partielle du seigneur féodal sur le travailleur (contrainte extra-économique) et la propriété des travailleurs (paysans et artisans) sur une partie des moyens de production, propriété basée sur leur travail personnel.
Les rapports des seigneurs et des paysans, classes fondamentales de la société féodale, et leur rôle dans la production découlent de la forme féodale de la propriété.
Sous une forme ou sous une autre, les seigneurs concèdent de la terre aux paysans et les contraignent à travailler pour eux, s’approprient une partie de leur travail ou de ses produits (rente féodale ou « redevances »). Les paysans et les artisans appartiennent, au sens large du mot, à une seule et même classe de la société féodale, leurs rapports ne sont pas antagoniques.
Sous le féodalisme, les classes et les groupes sociaux constituent des ordres. La forme de répartition des produits dépend entièrement de la situation et des rapports des groupes sociaux dans la production. Le début du féodalisme est caractérisé par la domination sans partage de l’économie naturelle. Avec le développement des métiers, la production marchande acquiert une importance de plus en plus grande à la ville comme à la campagne. Bien que la production marchande féodale ait préparé certaines conditions pour la production capitaliste, il ne faut pas la confondre avec la production marchande capitaliste.
Le système d’exploitation principal sous le, féodalisme est la rente féodale qui augmente au fur et à mesure que l’on passe d’une forme à la suivante : la corvée, la redevance en nature et la redevance en argent. Le système des corvées propre au féodalisme dans les pays d’Europe orientale n’est pas un simple retour à la première forme, il porte en lui les germes de la troisième : production pour le marché.
Avec l’apparition de la manufacture (XVIe siècle), au sein de la société féodale commence à se manifester la contradiction de plus en plus profonde entre le caractère nouveau des forces productives et les rapports de production féodaux qui deviennent un frein au développement de ces forces. Ce qu’on appelle l’accumulation primitive prépare l’apparition de la classe des ouvriers salariés et de la classe des capitalistes.
Par suite du caractère antagonique de son économie, toute la vie de la société féodale est marquée par la lutte de classes. Au-dessus de la base féodale se dresse la superstructure qui lui correspond : l’Etat, l’Eglise, l’idéologie, superstructure qui sert activement la classe dominante, qui l’aide à réprimer la lutte des travailleurs contre l’exploitation féodale.
En règle générale, l’Etat féodal traverse une série de stades : du morcellement politique (le fief est un « petit Etat ») à la monarchie absolue en passant par la monarchie féodale. La forme idéologique dominante sous le féodalisme est la religion. (V. Philosophie du moyen âge.)
La lutte de classe qui s’accentue donne la possibilité à la jeune bourgeoisie de se mettre en tête de l’insurrection des paysans et des éléments plébéiens des villes, de s’emparer du pouvoir et de renverser les rapports de production féodaux. Les révolutions bourgeoises aux Pays-Bas au XVIe siècle, en Angleterre au XVIIe, en France au XVIIIe, ont assuré la domination de la classe bourgeoise, qui à cette époque était une classe avancée, et ont conformé les rapports de production au caractère des forces productives.
A l’heure actuelle, la bourgeoisie impérialiste soutient et renforce les vestiges du féodalisme, nombreux dans beaucoup de pays capitalistes. Dans les pays de démocratie populaire (V.), ces survivances ont été liquidées par des réformes agraires démocratiques. Les peuples des pays coloniaux et dépendants luttent à la fois contre le féodalisme et contre l’impérialisme : chaque coup porté au féodalisme est aussi un coup porté à l’impérialisme.
FETICHISME. Tendance à diviniser certains objets, à leur attribuer une puissance surnaturelle, mystique, inintelligible pour l’homme. Dans les religions primitives, le fétiche (idole) était un objet de culte. Une grossière divinisation des choses est propre à toutes les religions (adoration des icônes, etc.). (V. également Fétichisme de la marchandise.)
FETICHISME DE LA MARCHANDISE. Représentation aberrante, factice, illusoire des choses, des marchandises, des rapports de production, qui apparaît infailliblement dans le cadre de la production marchande fondée sur la propriété privée, et surtout dans la production capitaliste.
Ici, le caractère véritable des rapports sociaux, des rapports de production, est voilé, dissimulé, mutilé. Cela tient au fait que, dans une société fondée sur la propriété privée, les rapports de production entre les hommes s’établissent non pas de façon directe, mais par l’échange au marché, par l’achat et la vente des marchandises dont ils prennent l’enveloppe, ou comme dit Marx, les rapports se matérialisent, ce qui leur donne un caractère mutilé de rapports entre les choses, ils deviennent en quelque sorte des propriétés de choses, de marchandises.
Dans la production marchande, sous le règne de la propriété privée, les lois économiques se manifestent comme une force spontanée, dont l’action est aveugle et destructrice. Ici, les producteurs n’ont pas de prise sur leurs propres rapports sociaux.
Chacun produit pour son compte, sans faire état des besoins de la société qu’il ne connaît pas et qu’il ne peut connaître. Il n’est guidé, en l’occurrence, que par ses intérêts personnels. Nul producteur ne sait quelle quantité de ces marchandises qu’il produit lui-même seront jetées sur le marché, à quel prix sa marchandise sera vendue, si les frais de production seront récupérés : il n’est même pas certain qu’elle soit vendue.
Le sort des producteurs, en régime capitaliste, est inséparable du mouvement spontané des marchandises, de leur circulation. En vertu des lois de la valeur, de la concurrence et de l’anarchie de la production, un petit groupe de producteurs de marchandises s’enrichit, alors que l’immense majorité se ruine.
Il semble donc de prime abord que le sort des producteurs dépend des choses, des marchandises, et non des rapports sociaux. C’est comme si les choses, les marchandises produites par les hommes commençaient à les dominer. En réalité, les hommes ne sont pas dominés par les choses, mais par leurs propres rapports sociaux qui ont pris une forme matérielle.
Cette matérialisation des rapports de production entre les hommes, cette dépendance des hommes à l’égard du mouvement spontané des choses, des marchandises, constituent la base objective du fétichisme de la marchandise. Les hommes s’imaginent que les choses en elles-mêmes, que les marchandises, de par leur nature, sont douées d’on ne sait quelles propriétés mystérieuses qu’elles n’ont pas en réalité.
Marx compare le fétichisme de la marchandise au fétichisme religieux. « Pour trouver une analogie à ce phénomène, il faut la chercher dans la région nuageuse du monde religieux. Là les produits du cerveau humain ont l’aspect d’êtres indépendants, doués de corps particuliers, en communication avec les hommes et entre eux. Il en est de même des produits de la main de l’homme dans le monde marchand. C’est ce qu’on peut nommer le fétichisme attaché aux produits du travail, dès qu’ils se présentent comme des marchandises, fétichisme inséparable de ce mode de production » (Marx : « Le Capital », L. I, t. 1, P. 1938, p. 89).
Dans la production marchande capitaliste, la fétichisation des rapports de production atteint son plus haut degré. Le capital, le salaire, le profit, les intérêts et les autres catégories économiques du capitalisme expriment les rapports de classes antagoniques entre la bourgeoisie et le prolétariat.
Mais la forme extérieure de ces catégories voile la situation réelle : la subordination du travail au capital, l’exploitation de la classe ouvrière. A la surface, les rapports entre capitalistes et ouvriers ont l’apparence de rapports entre possesseurs de marchandises égaux entre eux. L’exploitation de la classe ouvrière est camouflée. Toutes les illusions d’égalité et de liberté, enfantées par le capitalisme, reposent sur cette déformation des catégories économiques, inévitable dans la société capitaliste.
A la faveur du fétichisme de la marchandise, l’économie politique bourgeoise vulgaire dissimule la nature véritable du capital, la cause réelle de l’exploitation de la classe ouvrière. C’est Marx qui le premier a éclairci le mystère du fétichisme de la marchandise, ses racines, sa base objective. Le fétichisme marchand a un caractère transitoire. Avec la suppression du mode de production capitaliste disparaît le fétichisme de la marchandise.
Avec le socialisme, quand l’économie est régie par un plan, malgré l’existence de la production marchande, disparaît la base objective du fétichisme de la marchandise et, par suite, le fétichisme lui-même en tant que représentation aberrante des rapports de production. Sous le socialisme, la production marchande est d’un genre particulier, sans capitalistes, sans propriété privée des moyens de production, les marchandises étant livrées essentiellement par des producteurs socialistes réunis (Etat, kolkhoz, coopératives).
La propriété socialiste des moyens de production exige le développement planifié de l’économie nationale. La société a la possibilité objective de contrôler consciemment ses rapports sociaux, d’utiliser méthodiquement les lois économiques dans l’intérêt de la société tout entière. Le mouvement des choses dans la société cesse d’être un mouvement spontané qui estompe le contenu réel des rapports de production.
Aussi la société socialiste ignore-t-elle le fétichisme de la marchandise, cette idée aberrante que les hommes se font de leurs propres rapports de production.