ESSENCE ET PHENOMENE. Catégories philosophiques qui reflètent différents aspects des objets, des processus de la réalité objective. L’essence exprime les caractéristiques fondamentales des objets, leur nature interne, les processus profonds qui s’y déroulent.
Le phénomène est une manifestation extérieure de l’essence, la forme extérieure sous laquelle les objets et les processus apparaissent à la surface. L’essence des choses est latente, inaccessible à l’observation simple. Les formes extérieures, directement perçues par les organes des sens, peuvent donner une idée fausse de l’essence véritable des choses.
Ainsi, le Soleil semble tourner autour de la Terre, tandis qu’en fait c’est la Terre qui tourne autour du Soleil. Le salaire de l’ouvrier embauché par le capitaliste apparaît comme la rémunération de tout son travail ; en réalité, son travail n’est payé qu’en partie, le reste étant accaparé par le capitaliste sous forme de plus-value, source de profits capitalistes.
Il y a donc un désaccord, une contradiction entre l’essence et le phénomène. La science a pour objet la découverte de l’essence des choses au-delà de leurs formes extérieures. « Si la forme d’expression apparente et l’essence des choses coïncidaient d’une façon immédiate, toute science serait superflue » (Marx : « Das Kapital », 3. Ed., Buch III, B. 1953, S. 870).
L’analyse marxiste, dit Staline, « distingue strictement entre le contenu du processus économique et sa forme, entre les processus profonds du développement et les phénomènes superficiels… » (« Les problèmes économiques du socialisme en U.R.SS. ». M. 1953, p. 60).
Dans son analyse des lois internes, de l’essence économique de la société bourgeoise, Marx montre que les trompeuses apparences de « l’égalité » entre le capitaliste et l’ouvrier masquent une féroce exploitation du prolétariat par la bourgeoisie, que la plus-value est la source de l’enrichissement des capitalistes.
Le fait qu’il existe en U.R.S.S. des marchandises, de l’argent, etc., pourrait faire croire que les catégories de l’économie capitaliste restent en vigueur dans l’économie socialiste.
On peut en effet aboutir à cette conclusion erronée, si l’analyse ne va pas au-delà des processus se déroulant à la surface des phénomènes. Mais si l’on distingue l’essence et le phénomène, on comprendra que dans la société soviétique seule la forme de ces catégories demeure, alors que leur contenu a changé radicalement.
En régime socialiste, l’argent, la marchandise, les banques, etc., contribuent à l’essor de l’économie soviétique dans l’intérêt des masses travailleuses.
Le processus de la connaissance va des phénomènes extérieurs à l’essence, à la mise en lumière de l’essence toujours plus profonde des objets. « La pensée humaine poursuit sans cesse sa marche à partir du phénomène vers son essence, de l’essence de premier ordre, pour ainsi dire, vers l’essence de deuxième ordre, et ainsi de suite sans fin » (Lénine : « Cahiers philosophiques », éd. russe, p. 237).
Un exemple frappant de cette pénétration toujours plus profonde de l’essence des phénomènes, c’est le progrès de nos idées sur la matière, sur l’atome. La physique moderne explore de plus en plus la nature de l’atome et du noyau atomique en dévoilant l’essence des transformations de la matière, de ses métamorphoses qualitatives.
Le parti communiste doit ses succès à la compréhension de l’essence des phénomènes sociaux, des lois du développement social ; le parti voit clair dans les liens essentiels, internes des phénomènes et arme les masses de la connaissance de ces liens.
Le matérialisme dialectique s’oppose irréductiblement à l’agnosticisme (V.) qui détache l’essence du phénomène et la déclare inconnaissable, de même qu’à l’empirisme vulgaire qui identifie l’essence et le phénomène. En réalité l’essence et le phénomène sont connexes et constituent une unité. « L’essence apparaît, le phénomène est essentiel » (Ibid.. p. 237).
Grâce à la généralisation, la science découvre l’essence des phénomènes, les lois qui les régissent, ce qui nous permet de nous orienter mieux, de séparer l’essentiel et le nécessaire d’avec le secondaire et le fortuit. Sans la connaissance de l’essence, des lois des phénomènes, toute activité pratique est vouée à l’échec. (V. également Apparence.)
ESPACE. V. Temps et espace.
ESPRIT DE PARTI EN PHILOSOPHIE. C’est avec esprit de parti que le marxisme-léninisme aborde tous les problèmes de la philosophie et de la lutte des tendances philosophiques. Le marxisme-léninisme estime que dans une société de classes toute idéologie, et par conséquent toute philosophie, exprime les intérêts de telle ou telle classe.
Le choc des idéologies, des philosophies, est une manifestation rie la lutte des classes. Les classes principales de la société capitaliste sont le prolétariat et la bourgeoisie. Aussi deux idéologies, deux conceptions du monde s’y affrontent : la conception socialiste et la conception bourgeoise.
C’est le matérialisme dialectique et le matérialisme historique qui forment la base théorique de l’idéologie socialiste du prolétariat. A cette conception du monde progressiste s’opposent diverses écoles de l’idéalisme et de la métaphysique qui défendent les intérêts des classes exploiteuses.
L’idéologie, la philosophie d’ure classe expriment les particularités de cette classe, elles sont fonction de la place que celle-ci occupe dans le système des rapports sociaux, de son rôle dans l’histoire de la société.
L’apparition du marxisme représenta un bond dans l’histoire de la philosophie, car le marxisme et sa philosophie étaient l’idéologie du prolétariat, des travailleurs et des masses exploitées, tandis que toutes les écoles et systèmes philosophiques précédents, même progressistes pour l’époque, exprimaient les intérêts d’une minorité exploiteuse, ou d’individus détachés du peuple qui combattaient les exploiteurs isolément.
La lutte entre les deux principaux partis opposés en philosophie, se manifeste en tant que lutte entre le matérialisme et l’idéalisme. Lénine considérait qu’un des grands mérites de Marx et d’Engels était d’avoir, au cours d’un demi-siècle, fait progresser le matérialisme philosophique dans la lutte contre l’idéalisme. Lénine qui a enrichi le marxisme par son analyse de la nouvelle époque historique, a développé plus avant le principe marxiste de l’esprit de parti en philosophie.
Dans son ouvrage « Matérialisme et empiriocriticisme » (V.) Lénine donne une analyse profonde de cette question. En examinant les tendances philosophiques, dit-il, il faut distinguer, dans l’amoncellement de subterfuges terminologiques nouveaux, deux lignes essentielles. « Il est impossible… de ne pas discerner derrière la scolastique gnoséologique de l’empiriocriticisme la lutte des partis en philosophie, lutte qui traduit en dernière analyse les tendances et l’idéologie des classes ennemies de la société contemporaine » (Lénine : « Matérialisme et empiriocriticisme », M. 1952, p. 418).
On doit démasquer l’idéalisme, quelle que soit sa forme. Les tentatives des machistes et d’autres philosophes pour s’élever aussi bien au-dessus du matérialisme que de l’idéalisme, sont qualifiées par Lénine d’actes de servilité envers la philosophie réactionnaire. « L’indépendance à l’égard de tout parti n’est, en philosophie, que servilité misérablement camouflée à l’égard de l’idéalisme et du fidéisme » (Ibid., p. 415). « Matérialisme et empiriocriticisme » est un exemple d’esprit de parti et d’intransigeance passionnée dans la critique des courants philosophiques hostiles au matérialisme.
Au cours de toute son activité, le Parti communiste de l’Union Soviétique a combattu toute tendance à réviser la philosophie marxiste et la théorie du marxisme en général. Il a démoli l’idéalisme menchévisant (V.) du groupe Déborine, le mécanicisme et la théorie de l’ « équilibre » (V.) des restaurateurs droitiers du capitalisme et les autres tendances hostiles à la philosophie marxiste.
La discussion organisée en 1947 par le Comité Central du Parti sur les problèmes de la philosophie a joué un rôle primordial dans la lutte pour la fermeté de principe et la position de parti en philosophie. Cette discussion mobilisa les philosophes soviétiques pour la lutte contre l’idéologie bourgeoise réactionnaire, contre la philosophie idéaliste, contre les manifestations d’objectivisme, de socialisme de la chaire (V.), de scolastique et de dogmatisme que l’on relève dans les ouvrages de certains savants soviétiques.
Sur l’initiative et sous la direction du Comité Central eut également lieu une discussion sur les problèmes économiques, qui révéla d’importantes lacunes dans la science économique soviétique, de graves déviations antimarxistes dans certaines questions.
L’ouvrage de Staline « Les problèmes économiques du socialisme en U.R.S.S. » (V.), consacré à cette discussion, porta un coup à l’interprétation volontariste, idéaliste et subjectiviste des lois économiques du socialisme, qui avait cours chez certains économistes et philosophes soviétiques. Cet ouvrage critique les méthodes métaphysiques employées dans l’analyse des problèmes du socialisme et de la transition du socialisme au communisme ; c’est une riposte foudroyante aux tentatives d’introduire frauduleusement dans la science économique soviétique la conception antimarxiste de Bogdanov (V.) et de Boukharine sur le développement de la société.
Le parti communiste enseigne aux philosophes et aux économistes soviétiques, à tous les travailleurs du front idéologique, l’art de combiner l’étude concrète des problèmes de l’actualité immédiate avec une critique implacable des théories et idées antimarxistes.
Pour appliquer l’esprit de parti en philosophie il faut aborder la solution des problèmes de façon créatrice, développer plus avant la philosophie marxiste-léniniste, allier étroitement la théorie et la pratique. L’esprit de parti en philosophie est incompatible avec l’objectivisme. « Le matérialisme inclut en soi, pour ainsi dire, l’esprit de parti, ce qui exige, dès qu’il est question d’apprécier un événement, que l’on adopte ouvertement et sans équivoque le point de vue d’un groupe social donné » (Lénine : Oeuvres, t. 1, éd. russe, pp. 380-381).
Défenseurs des intérêts égoïstes des exploiteurs, les idéologues de la bourgeoisie réactionnaire sont incapables de découvrir les lois objectives de l’histoire et n’ont du reste aucun intérêt à le faire ; ils déforment la réalité et falsifient les faits afin de justifier leurs conclusions et théories antiscientifiques. Ils s’efforcent défaire passer leurs vues réactionnaires pour des vues « impartiales », « universelles ». Les classiques du marxisme-léninisme enseignent comment arracher le masque d’« impartialité » et d’« universalité » à ces apologistes de l’idéologie bourgeoise.
Il ne saurait être de philosophie planant au-dessus des classes à l’époque de la lutte acharnée entre les forces de la réaction et les forces du progrès. Le plaidoyer pour une telle philosophie n’est qu’une imposture habituelle de la bourgeoisie.
En U.R.S.S., où ont été supprimées les classes exploiteuses, règne sans partage l’idéologie marxiste qui exprime les intérêts de la classe ouvrière mais aussi ceux de tous les travailleurs de la société socialiste. Dans la société soviétique il n’y a pas et il ne peut y avoir de base sociale pour une idéologie bourgeoise.
Toutefois, certains vestiges de l’idéologie bourgeoise subsistent encore en U.R.S.S. ; les Soviétiques ne sont pas garantis contre la pénétration du dehors des idées et conceptions étrangères. Aussi le XIXe congrès du P.C.U.S. a-t-il exigé d’intensifier le travail visant à démasquer l’idéologie bourgeoise.
L’esprit de parti en philosophie, ainsi que dans le marxisme en général, consiste précisément à lutter contre l’idéologie bourgeoise et ses survivances, à défendre et à développer plus avant le marxisme-léninisme, seule idéologie révolutionnaire et scientifique.