[Article publié dans le dix-neuvième numéro de la revue au format PDF « Crise »]

À la mi-février, l’Ukraine devenait une actualité pour les médias internationaux. La question de la guerre entre la Russie et l’Ukraine remonte pourtant, si on étudie les faits, à avril 2021. Il y a tout un long processus, de plusieurs mois, aboutissant à la guerre impérialiste et portant en fait même celle-ci dès le départ.

La guerre entre la Russie et l’Ukraine n’est pas un accident de parcours d’un monde en paix ; c’est bien plutôt l’expression meurtrière d’un effondrement de l’ordre mondial qui s’est mis en place au tout début des années 1990, avec la disparition du bloc du social-impérialisme soviétique et la transformation de la Chine en usine du monde.

On trouve une chronologie pour les six premiers mois dans le numéro 17 de Crise, de décembre 2021 (« Les enseignements historiques des six mois d’escalade militaire impérialiste aux frontières ukrainiennes et la guerre impérialiste comme expression du développement inégal de la crise générale du capitalisme »).

Cependant, la guerre étant déclarée désormais (ce qui était déjà annoncé dans Crise), il faut se pencher plus directement sur le rapport entre la chronologie réelle des faits et la narration impérialiste. Cela forme deux pôles d’une contradiction à absolument comprendre.

On a tout de même un régime russe ayant expliqué pendant des mois qu’il amassait ses troupes à la frontière avec l’Ukraine sans aucune intention d’invasion, utilisant la moquerie pour dénoncer « l’hystérie » à son encontre… Pour du jour au lendemain modifier son fusil d’épaule et justifier l’invasion et la lancer, en 48 heures.

On a également des pays impérialistes occidentaux prétendant pendant des mois prôner la paix en Ukraine pour assumer du jour au lendemain de lui fournir des armes de manière massive et de l’appuyer pour la guerre.

Dans quelle mesure la guerre impérialiste est-elle « consciemment » menée ?

Ce qui se pose, c’est la question de la chronologie réelle, au-delà des événements apparents. Y avait-il un plan posé dès le départ pour envahir l’Ukraine, avec une lente mise en place pour opérer dans des conditions idéales ? Ou bien l’invasion a-t-elle été le produit d’un engrenage devenu progressivement inévitable ?

Ce n’est en effet pas parce que, du point de vue communiste, la guerre impérialiste apparaît comme inévitable, qu’elle est comprise pareillement par les impérialistes eux-mêmes. L’article du numéro 12 de Crise, en avril 2021, Comment la seconde crise générale du capitalisme modifie la nature de la guerre impérialiste : ce que montre le conflit entre l’Ukraine et la Russie, indique sur ce plan la chose suivante :

« Lorsque les troupes russes se sont accumulées à la frontière de ces deux pays, l’ensemble des commentateurs a affirmé que c’était une escalade militaire, mais que le risque de la guerre restait faible, que c’était un moyen de faire pression, d’impressionner.

Même dans les cas où la guerre a été considérée comme possible, il n’a pas été considéré qu’elle était inévitable. C’est-à-dire que les commentateurs ont dit que la guerre (possible) était la simple continuation de la politique russe, que tout dépend, en définitive, de la politique russe, des moyens pour elle de progresser. La guerre était une option et seulement une option.

Inversement, un regard matérialiste dialectique ne prend pas la question ukrainienne de manière figée à l’instant T, pas plus qu’elle ne fait des évaluations géopolitiques, des situations intérieures spécifiques à l’Ukraine et la Russie, avec éventuellement des contestations, des élections, le rôle de telle ou telle figure politique, etc.

Tout cela est pris en compte, bien entendu, mais l’aspect principal tient à la tendance historique. Or, la crise générale du capitalisme implique la fin d’un développement « normal » et un nécessaire repli agressif afin de mener bataille pour le repartage du monde. »

Cela est indéniablement juste et cela veut dire que le régime russe a raisonné de manière « géopolitique », car il ne peut pas faire autrement, et que donc son rapport à une compréhension juste de la guerre ne saurait qu’être faussé, troublé, masqué par le voile du capitalisme allant à la guerre.

C’est là quelque chose de très important, parce que cela signifie que lorsque Benito Mussolini lance l’Italie fasciste à la conquête de l’Éthiopie en 1935, lorsque Adolf Hitler lance l’Allemagne nazie contre la Belgique et la France en 1940, ils ne cernent pas ce qu’ils font au sens strict du terme ; à leurs yeux la guerre est la continuation de la politique. Ils ne voient pas en quoi la guerre consiste en un saut qualitatif.

Ils savent bien que la guerre change beaucoup de choses, voire tout. Pour autant, elle n’est à leurs yeux qu’un prolongement mécanique de leur propre positionnement politique-historique.

Ainsi, à la question de savoir si en amassant des troupes à la frontière ukrainienne en avril 2021, le président russe Vladimir Poutine savait qu’il déciderait de la guerre, la réponse est oui et non, car son existence même se place dans un espace historique décidant du cours des événements au-delà de ses propres choix, et pour quoi il a d’ailleurs été façonné historiquement.

La chronologie : le départ avec l’accumulation de troupes russes et la demande ukrainienne de rentrer de manière accélérée dans l’OTAN

Tout commence au tout début du mois d’avril 2021, avec une accumulation subite de troupes russes à la frontière ukrainienne, doublant pratiquement ses bataillons en date du 2 avril, alors que les accrochages se multipliaient à la ligne de démarcation entre le Donbass séparatiste et l’Ukraine. La superpuissance américaine a immédiatement commencé à apporter un soutien logistique à l’Ukraine, dont le régime est de fait un satellite.

Le moment clef, le 6 avril 2021, c’est lorsque le président ukrainien Volodymyr Zelensky a demandé au secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg d’accepter une entrée accélérée de l’Ukraine dans l’OTAN.

Le lendemain, le 7 avril donc, le président du Comité militaire de l’OTAN, qui est le maréchal en chef de l’air britannique Stuart Peach, se rend en Ukraine pour soutenir cette initiative. Le surlendemain, c’est le ministre des Affaires étrangères polonais, Zbigniew Rau, qui se rend en Ukraine.

Le 8 avril, c’est l’attachée à la défense auprès de l’ambassade américaine à Kiev, la colonel Brittany Stewart, qui se rend sur la ligne de front au Donbass, en tenue militaire ukrainienne.

Le 10 avril le président ukrainien Volodymyr Zelensky se rend à Istanbul pour rencontrer le président turc Recep Tayyip Erdogan, avec à l’arrière-plan l’achat de drones turcs par l’armée ukrainienne ; le 16 avril il se rend à Paris pour rencontrer le président français Emmanuel Macron.

La « ligne rouge » posée par la Russie

La séquence du début avril 2021 a été accompagnée de très nombreux autres petits événements en relevant, comme l’expulsion de diplomates russes par la république tchèque, etc. ; on les trouvera listées de manière utile sur le site agauche.org/ukraine. Mais ce qui compte substantiellement, c’est qu’il y a eu un choc immédiat, avec l’Ukraine devenant un lieu immédiat d’extrême polarisation.

De manière marquée, cela n’a été remarqué que par les « experts » en stratégie et ceux qui étudient de manière scientifique la réalité de la crise générale du capitalisme. En avril 2021, la question ukrainienne n’intéresse personne, l’attention se portant au mieux sur la ligne de front au Donbass. Les enjeux ne sont alors pas du tout compris par personne, sauf par les protagonistes.

Ainsi, le président russe Vladimir Poutine parle de « ligne rouge » – qu’il ne définit pas – dans son adresse à la nation du 21 avril 2021 :

« Nous voulons vraiment maintenir de bonnes relations avec tous ceux qui sont engagés dans la communication internationale, y compris, soit dit en passant, avec ceux avec qui nous ne nous entendons pas ces derniers temps, pour ne pas dire plus. Nous ne voulons vraiment pas brûler les ponts.

Mais si quelqu’un prend nos bonnes intentions pour de l’indifférence ou de la faiblesse et a l’intention de brûler ou même de faire sauter ces ponts, il doit savoir que la réponse de la Russie sera asymétrique, rapide et dure.

Ceux qui sont à l’origine de provocations qui menacent les intérêts fondamentaux de notre sécurité regretteront ce qu’ils ont fait d’une manière qu’ils n’ont pas connu depuis longtemps.

En même temps, je dois juste être clair, nous avons suffisamment de patience, de responsabilité, de professionnalisme, de confiance en soi et de certitude dans notre cause, ainsi que de bon sens, lorsque nous prenons une décision de quelque nature que ce soit.

Mais j’espère que personne ne songera à franchir la « ligne rouge » vis-à-vis de la Russie. Nous déterminerons nous-mêmes dans chaque cas spécifique où il sera tracé. »

La tension semble néanmoins retombée, en apparence, alors que la Russie enlève une large partie de ses troupes des frontières ukrainiennes, tout en laissant un très important matériel sur place.

Un interventionnisme impérialiste occidental forcené et un expansionnisme russe assumé

Dès le mois d’avril 2021, il y a une accélération des interventions impérialistes occidentales en Ukraine. La superpuissance impérialiste américaine a commencé à peser de tout son poids, accélérant ses fournitures d’armement : de 2014 à février 2022, elle a envoyé en Ukraine pratiquement 800 millions de dollars d’armement.

Cela a ouvert une brèche où de plus en plus de pays se sont engouffrés. On a ainsi le secrétaire d’État américain Anthony Blinken en Ukraine le 6 mai, la ministre des Affaires étrangères belge Sophie Wilmes le lendemain, alors qu’un ballet diplomatique incessant s’ouvrait alors, les pays baltes notamment apportant un soutien ouvert et belliciste au régime ukrainien.

La conférence à Genève à la mi-juin 2021 entre les présidents américain et russe Joe Biden et Vladimir Poutine témoigne que les choses se passent au plus haut niveau sur le plan des contradictions inter-impérialistes.

Il y a alors une initiative politique majeure avec l’écriture par le président russe Vladimir Poutine d’un long article, le 12 juillet 2021, « Sur l’unité historique des Russes et des Ukrainiens », devant être même lu par l’armée. Il y est affirmé que l’Ukraine est une invention de la révolution bolchevique et qu’il faut la ramener dans le giron russe.

Cela forme la seconde séquence.

Le retour forcené de la tension à la fin 2021 et les exigences russes

Le retour de la tension ouverte tient à quatre faits majeurs. Il y a la destruction par la Russie le 15 novembre 2021 d’un de ses satellites inactifs mis en orbite en 1982, au moyen d’un missile témoignant d’une capacité militaire très développée. Il y a une nouvelle accumulation de troupes militaires russes à la frontière avec l’Ukraine.

Il y a des ruptures toujours plus prononcées du cessez-le-feu sur la ligne de démarcation au Donbass, alternant avec des moments d’accalmie (1 889 violations du 12 au 14 novembre, une vingtaine du 14 au 16, etc.). Et il y a une propagande hallucinée du côté américain et britannique au sujet de la menace russe.

Commencent alors des tractations diplomatiques, qui vont durer de décembre à février 2022, avec notamment une discussion Biden-Poutine par téléconférence le 7 décembre 2021. La Russie commence alors à exposer toute une série de revendications, résumées comme suit dans un article du 18 décembre 2021 d’agauche.org :

« Qu’a proposé la Russie ?

1.
Elle propose déjà que la Russie et l’Otan n’envoient ni troupes ni matériel nulle part à part dans les pays où ils étaient présents en mai 1997.

Or, le problème est ici facile à comprendre. L’OTAN a vu l’ensemble des adhésions à l’Est après cette date. L’Allemagne de l’Est est le seul pays à avoir rejoint indirectement l’OTAN auparavant, en 1990, avec la réunification allemande, mais il y a eu à l’époque un « deal » : la Russie ne s’opposerait pas à la réunification en échange de l’absence d’envois de force de l’OTAN dans la partie Est.

Pour le reste, la Hongrie, la Pologne et la République tchèque ont adhéré en mars 1999, puis il y a eu une grande vague d’adhésions en mai 2004 : Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Roumanie, Slovaquie, Slovénie. Ont suivi en avril 2009 l’Albanie et la Croatie, en juin 2017 le Monténégro, en mars 2020 la Macédoine du Nord. Et il faut ajouter à cela les processus en cours d’adhésion de la Bosnie-Herzégovine, de la Géorgie et de l’Ukraine.

Cette proposition russe est donc par définition inacceptable pour l’OTAN ayant réussi son expansion. C’est comme si la Russie tentait de rattraper tout ce qu’elle avait perdu au moment de l’effondrement de la superpuissance soviétique, en faisant de l’Est de l’Europe au minimum une zone tampon. On ne peut que penser aux propos du président russe Vladimir Poutine comme quoi la chute de l’URSS a été « plus grande catastrophe géopolitique du 20e siècle ».

2.
La seconde proposition est que la Russie et la superpuissance américaine ne déploient pas d’armes atomiques dans des pays étrangers, ni ne forment du personnel de ces pays à l’emploi des armes atomiques.

Ce point est capital. Pour résumer : la Russie pense que l’OTAN peut très rapidement modifier certains missiles basés en Pologne pour les munir de têtes nucléaires. Inversement, l’OTAN pense qu’il y a des missiles nucléaires à Kaliningrad, la poche séparée géographiquement du reste de la Russie.

Cette proposition, si elle est refusée, implique un retour de missiles à têtes nucléaire se faisant face à face à moyenne distance en Europe. Cela renforce évidemment deux choses. Tout d’abord la possibilité d’une attaque nucléaire, ici contre la Russie. Il faut 15-30 mn pour un missile pour faire Moscou-New York, mais il n’en faudrait que quelques minutes pour faire Varsovie-Moscou.

Ensuite, la possibilité de l’emploi de l’arme atomique comme outil de guerre contre les troupes, dans le cadre d’un affrontement sur le sol européen, avec l’espoir d’un gain tactique très rapide prenant l’autre au dépourvu.

On notera ici que la stratégie française en cas d’invasion de l’Europe de l’Ouest par la Pacte de Varsovie prévoyait de lancer en masse des armes nucléaires sur les troupes ennemies arrivant aux frontières du pays !

3.
La troisième proposition est que ni la Russie ni la superpuissance américaine ne pratiquent de wargames prévoyant l’emploi de l’arme atomique.

Ce point est capital pour la Russie. Si la première proposition est une provocation, celle-ci est logique et vitale alors que des bombardiers stratégiques américains se baladent aux frontières russes.

4.
La quatrième proposition découle du reste : l’OTAN doit cesser son expansion, en particulier ne pas faire adhérer les « États de l’ancienne Union des Républiques Socialistes Soviétiques ».

Cela désigne bien sûr ici surtout la Géorgie et l’Ukraine, que l’OTAN veut intégrer, mais le choix russe pour les désigner en dit long !

5.
La cinquième proposition, qui est en fait la première dans la proposition russe, dit que la Russie et les États-Unis ne font rien l’un contre l’autre, à quelque niveau que ce soit. On remarquera que c’était ici la ligne de Donald Trump et ses partisans au plus haut niveau militaire sont encore sur cette ligne, critiquant justement le président américain Joe Biden pour sa ligne. »

La question de la diplomatie

Il a tout de suite été remarqué que les exigences russes allaient très loin. Certains ont dit : c’est pour feindre de vouloir la diplomatie, tout en voulant le conflit. D’autres ont dit : c’est pour mieux négocier ensuite. Quoiqu’il en soit, en raison de la seconde crise générale du capitalisme, il n’était naturellement pas possible pour la superpuissance américaine de rentrer dans quelque négociation que ce soit.

On doit même dire que cette question diplomatique est le nexus de la contradiction entre la chronologie réelle et la narration impérialiste. Elle est lieu de la formulation de cette contradiction, son déclencheur, son moment-clef.

Il y a bien entendu dans la diplomatie un moment virtuel surtout, mais c’est également un lieu de synthèse. Il est évident que, vu du futur, dans dix ou vingt ans, cette question diplomatique ne sera pas perçue comme un intermède, ni comme un tournant, mais comme un véritable lieu historique où il s’est déroulé quelque chose pour les pays impérialistes et leurs orientations.

Le refus par l’OTAN des exigences russes

Le 12 janvier 2022, l’OTAN invita la Russie à une réunion, mais pour en fait rejeter ses demandes. Les rapports furent brûlants ou glaçants, comme on l’entendra. L’article du 13 janvier 2021 d’agauche.org raconte ainsi :

« L’OTAN s’est réunie avec la Russie le 12 janvier 2022 pour la première fois depuis deux ans et demi ; normalement de telles réunions se tiennent deux-trois fois par an, mais les intérêts tellement divergent ont provoqué une cassure. La crise internationale provoquée par la pandémie a ramené l’existence d’une telle réunion, mais celle-ci s’est bien entendu conclu sur rien de concret.

La Russie, par l’intermédiaire d’Alexandre Grouchko, vice-ministre russe des Affaires étrangères, exige en effet que l’Ukraine et la Géorgie ne rejoignent pas l’OTAN, et cette dernière dit qu’elle n’y peut rien, qu’elle laisse la porte ouverte. Ce qui implique qu’elle les acceptera, alors qu’en plus il existe en ce moment une intense campagne anti-Russie dans le Nord de l’Europe.

Après la Suède, c’est ainsi la Norvège qui affirme qu’elle est menacée d’une possible invasion russe, et il y a un discours officiel appelant à renforcer la présence militaire de l’OTAN en Europe de la part du Danemark, de la Suède, de la Norvège et de l’Estonie. De plus, le Royaume-Uni a envoyé en Ukraine toute une équipe de généraux.

La superpuissance américaine met également le paquet. Le 12 janvier 2022, la Secrétaire d’État adjointe des États-Unis Wendy R. Sherman présente lors de la réunion Russie-OTAN a également eu une rencontre avec le secrétaire général du ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères François Delattre, le secrétaire d’État allemand aux affaires étrangères Andreas Michaelis, le directeur politique italien des affaires étrangères Pasquale Ferrara, le ministre d’État britannique pour le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et l’Amérique du Nord James Cleverly.

Et lors de la réunion de l’OTAN en tant que tel, Wendy R. Sherman a dit au représentant russe qu’il était une seule personne parmi 30, mais qu’en fait les 29 représentants de l’OTAN ne formaient également qu’une seule personne, au sens où l’OTAN formait un bloc. Et lorsqu’elle a pris la parole et qu’en même temps la délégation russe s’échangeait des documents en murmurant, elle les a rappelés à l’ordre.

La Russie est donc prise à la gorge : soit elle essaie de passer en force en envahissant l’Ukraine, un pays qu’elle ne reconnaît somme toute pas, ou bien elle recule et alors elle s’effiloche sous la pression occidentale. Tant la Russie que l’OTAN n’ont comme seule possibilité d’existence que l’expansion territoriale, politique, militaire. »

L’OTAN confirma cette ligne avec la remise à la Russie d’une lettre de la part des États-Unis et une autre de la part de l’OTAN par l’ambassadeur américain à Moscou, John Sullivan, le 26 janvier 2022.

Tout était alors joué.

L’impérialisme est flottant et mouvant

Si l’on regarde bien, ce ne sont pas Benito Mussolini et Adolf Hitler qui ont décidé des guerres en 1935 et en 1940, mais ce qu’ils représentent ; leurs choix n’en sont pas et relèvent d’un État, un état-major militaire, dont ils n’ont été qu’un rouage essentiel. Il faut raisonner en termes de tendance historique en étudiant la nature des pays, leurs contradictions internes.

Il en va de même pour la guerre entre la Russie et l’Ukraine, se concrétisant par l’invasion russe de l’Ukraine. C’est essentiel. Le numéro 12 de Crise, en avril 2021 raconte ici quelque chose d’utile, avec une intense polémique en Italie en 1993 au sujet justement de l’analyse de l’évolution des initiatives impérialistes (1914, le modèle du déclenchement de la guerre impérialiste ? Le débat italien de 1993 avec la question de la « photographie » des rapports inter-impérialistes).

Concrètement, un groupe attaque militairement la base militaire américaine d’Aviano en Italie et justifie son action par une argumentation qui est très violemment critiquée par les Brigades Rouges pour la construction du Parti Communiste Combattant. La critique est la suivante : cette action se pose comme une réponse à des « relations internationales » posées par l’impérialisme, or c’est perdre de vue à la fois le caractère central de la contradiction interne et la substance des contradictions inter-impérialistes.

On ne saurait « courir derrière » les actes de l’impérialisme, qui est un phénomène historique, l’action révolutionnaire ne doit pas se poser en « miroir » de l’impérialisme. C’est là une critique tout à fait importante, car si l’on regarde en France par exemple, on peut voir que la « gauche » du Parti « Communiste » Français, voire ce dernier, a tendance de manière plus ou moins inavouée à voir en la Russie (et la Chine) un phénomène de contre-tendance à l’impérialisme.

C’est d’ailleurs une tendance très française, la France étant une grande puissance alliée à la superpuissance américaine tout en cherchant un degré d’indépendance, et utilisant donc de tels renforts pseudos anti-impérialistes et contribuant en fait à l’impérialisme français lui-même. Un tel problème ne se pose pas en Belgique, c’est vraiment propre à la France avec son alliance et sa volonté, en même temps, de préserver son « indépendance stratégique ».

La question de cette dernière va par ailleurs devenir toujours plus importante dans les affrontements entre les factions de la bourgeoisie, plus exactement de la haute bourgeoisie.


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