ENERGETISME. Courant idéaliste réactionnaire de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, répandu aujourd’hui encore parmi les philosophes et les savants bourgeois. L’énergétisme, une des manifestations de l’idéalisme « physique » (V.), était prêché par le chimiste et philosophe allemand Ostwald. Devant le bouleversement qui s’est produit dans les théories physiques de la matière à la fin du siècle passé, certains savants ont voulu abandonner la notion de matière en général.

L’énergétisme devait faire admettre l’idée du mouvement sans matière. Plus de matière, plus de réalité objective, elle est « écartée » et remplacée par l’énergie. L’énergétisme détache le mouvement de la matière, affirme que l’énergie (V.) existe sans matière, que tous les phénomènes de la nature, de la société et de la pensée peuvent être réduits à l’énergie, considérée comme quelque chose de subjectif qui dépend de la conscience humaine.

Dans « Matérialisme et empiriocriticisme » (V.), Lénine a fait justice de l’énergétisme d’Ostwald, a mis à nu son caractère idéaliste, antiscientifique, a démontré toute l’inconsistance des tentatives d’assigner à cette « théorie » un fondement scientifique.

Le machiste Bogdanov (V.) avait essayé d’appliquer le « principe énergétique » aux phénomènes sociaux. Il considérait les changements sociaux comme « un accroissement ou une diminution d’énergie… ». Lénine a dénoncé également ces tentatives de substituer l’énergétisme au matérialisme historique.

Les tenants de cette doctrine combattaient les théories matérialistes avancées entravant par là le progrès des sciences. Ainsi, ils luttaient contre l’atomisme en physique et en chimie. L’énergétisme a été critiqué par plusieurs chercheurs d’avant-garde : Boltzmann, Planck, Stolétov (V.) et d’autres. De nos jours, à l’occasion de la découverte, par la physique moderne, de la loi de la corrélation de la masse et de l’énergie, certains savants s’efforcent d’accréditer l’idée du mouvement sans matière et de faire de l’énergie la «substance du monde ».

Dénaturant le sens de cette loi, les énergétistes actuels déclarent que la matière se transforme en énergie. Les élucubrations « dernier cri » de l’énergétisme ne sont pas moins absurdes que celles du passé.

ENERGIE. Mesure du mouvement de la matière. La notion d’énergie, dans son acception moderne, date de la seconde moitié du XIXe siècle, et se rattache à la découverte de la loi de la conservation et de la transformation de l’énergie.

Engels rangeait cette découverte parmi les trois grandes acquisitions de la science du XIXe siècle qui ont fait progresser à pas de géant la connaissance de l’enchaînement des processus naturels. Cette loi développe et concrétise la loi générale de la conservation de la matière et du mouvement formulée par Lomonossov (V.). Pour Engels et Lénine, les concepts d’énergie et de mouvement sont des notions du même ordre.

Aux formes spécifiques du mouvement, physiques et chimiques, qualitativement différentes, correspondent des formes déterminées d’énergie : mécanique, thermique, électromagnétique, chimique, etc. Le concept de l’énergie traduit le caractère indestructible, au point de vue quantitatif et qualitatif, du mouvement matériel, son aptitude à des métamorphoses perpétuelles. L’énergie se conserve quantitativement, elle ne peut être anéantie.

Toutes les espèces d’énergie se convertissent l’une dans l’autre. C’est pourquoi, Engels dit que la loi de la conservation et de la transformation de l’énergie est la loi fondamentale du mouvement, la loi absolue de la nature.

La transformation de l’énergie s’opère en dehors et indépendamment de la conscience. L’énergie n’existe pas sans les objets matériels. Lénine estime que la tentative de concevoir l’énergie en dehors de la matière équivaut à la tentative idéaliste de concevoir le mouvement sans la matière. La physique moderne a montré que l’énergie est indissolublement liée à la masse des corps. La loi de la corrélation masse-énergie est une des lois fondamentales de la physique moderne ; elle est une nouvelle confirmation de la loi de Lomonossov.

Les idéalistes s’efforcent de détacher l’énergie de la matière, de déclarer la matière « inexistante », de représenter l’énergie comme la « substance universelle unique ». Ils interprètent l’énergie dans le sens subjectiviste en la faisant dériver de la conscience. (V. également Energétisme.)

ENGELS Friedrich. Chef et éducateur du prolétariat, ami et collaborateur de Marx, qui a élaboré, avec ce dernier, la théorie du communisme scientifique et lutté avec lui pour la libération de la classe ouvrière, pour le communisme.

Engels naquit le 28 novembre 1820 à Barmen, en Prusse-Rhénane. Son père était un fabricant de textile.

Engels fit ses études au collège de Barmen, puis au lycée d’Elberfeld, qu’il fut obligé de quitter. Il travailla près d’une année au bureau de son père, puis à Brème dans une grande maison de commerce. C’est là qu’il se lia avec le groupe d’hommes de lettres radicaux « La Jeune Allemagne » et collabora dans « Le télégraphe allemand ».

Au printemps de 1841, Engels quitta Brème et, après un voyage en Suisse et en Italie du Nord, il vint à Berlin et s’engagea dans un régiment d’artillerie, ce qui ne l’empêcha pas de suivre le cours de philosophie à l’Université où il prit contact avec le cercle des jeunes-hégéliens (V.). En mars 1842, Engels publia la brochure « Schelling et la révélation » où il soumet à une critique serrée les conceptions mystiques réactionnaires de Schelling (V.).

En 1842, son service militaire accompli, Engels se rendit en Angleterre, à Manchester. Il y fit connaissance avec la vie des ouvriers, étudia la situation de la classe ouvrière anglaise, entra en relations avec les militants chartistes et commença à collaborer aux publications socialistes. En 1844, Engels publia à Paris dans les « Annales franco-allemandes » de Marx et Ruge son « Etude critique sur l’économie politique». Marx a qualifié cet ouvrage d’esquisse géniale d’une économie politique nouvelle, prolétarienne.

Fin août 1844, Engels quitta Manchester et se rendit en Allemagne ; en passant par Paris, il rencontra Marx. Ainsi commença l’amitié de deux grands guides du prolétariat, amitié dont Lénine a dit qu’elle dépasse « toutes les légendes les plus émouvantes des anciens, relatives à l’amitié des hommes » (Lénine : « Karl Marx ; Friedrich Engels », M. 1954, p. 52). A Paris Marx et Engels écrivent le livre « La Sainte Famille » (V.), dirigé contre les jeunes-hégéliens et qui jette les fondements du socialisme matérialiste révolutionnaire.

En 1845, Engels, revenu en Allemagne, publie son célèbre ouvrage « La situation des classes laborieuses en Angleterre » que Lénine a qualifié comme « une des meilleures œuvres de la littérature socialiste du monde… » (Œuvres, t. 19, éd. russe, p. 504).

Dans cet ouvrage, Engels a démontré le premier que le prolétariat n’est pas seulement la classe qui souffre », que « le prolétariat en lutte s’aidera lui-même » (Lénine : « Karl Marx ; Friedrich Engels », M. 1954, p. 48).

Au printemps de 1845 Engels se fixa à Bruxelles où habitait alors Marx. Ils écrivirent en commun l’« Idéologie allemande » (V.), critique des insuffisances de la philosophie de Feuerbach, des vues des jeunes-hégéliens et du « vrai socialisme », doctrine réactionnaire allemande, dont les tenants s’élevaient contre la lutte de classe et prêchaient la réconciliation générale.

De 1845 à 1847, Engels vécut à Bruxelles et à Paris poursuivant ses études scientifiques et son action pratique parmi les ouvriers. Comme Marx, il prit contact avec l’organisation clandestine la « Ligue des communistes », et mena à bien un grand travail de préparation pour le Ile congrès de cette ligue. Il écrivit les « Principes du communisme », ébauche du programme de la « Ligue des communistes », et, en commun avec Marx, le célèbre « Manifeste du Parti communiste » (V.).

Quand la révolution de 1848 éclate en France, Engels se rend à Paris à la suite de Marx expulsé de Bruxelles. Au début d’avril 1848, la révolution ayant commencé en Allemagne, Engels et Marx quittent Paris pour Cologne, où ils se mettent à la tête de la « Nouvelle gazette rhénane » qu’ils avaient fondée et s’adonnent à un grand travail révolutionnaire.

L’ordre d’arrestation ayant été lancé contre les rédacteurs de la « Nouvelle gazette rhénane », Engels part pour Bruxelles. Là il est arrêté, jeté en prison, puis expulsé. En octobre il arrive à Paris, d’où il s’enfuit en Suisse, et ce n’est qu’en janvier 1849 qu’il rentre à Cologne.

Bientôt ils sont, Marx et lui, traduits en justice, accusés d’« outrage aux autorités ». A l’audience, les accusés se corn portent en accusateurs, et le tribunal doit les acquitter. Engels prend part à l’insurrection populaire armée ; celle-ci une fois réprimée, Engels passe en territoire suisse avec les derniers détachements révolutionnaires. Sur les instances de Marx, il se rend à Londres.

Engels dresse le bilan de la période révolutionnaire de 1848-1849 dans deux ouvrages. Dans le livre « La guerre des paysans en Allemagne » (publié en 1850) il démontre que les classes et les représentants des classes, qui ont partout trahi la révolution en 1848 et en 1849, se rencontrent déjà en qualité de traîtres en 1525, bien que leur trahison fût alors moins évidente.

Dans l’autre ouvrage, « Révolution et contre-révolution en Allemagne » (1851-52), écrit en collaboration avec Marx, Engels accorde une grande attention aux questions de l’insurrection armée, et enseigne aux ouvriers révolutionnaires que l’insurrection est un art.

En novembre 1850, il vient s’établir à Manchester où il travaille en qualité de commis dans une maison de commerce dont il devint plus tard l’un des associés. Il s’occupe de nouveau de ce « maudit commerce » pour pouvoir accorder à Marx un appui financier.

Pendant son séjour à Manchester, Engels a écrit plusieurs ouvrages sur des questions militaires qui l’intéressaient vivement. Lénine considérait Engels comme un grand expert en matière militaire. A cette époque, Engels travaille aussi à élargir ses connaissances de langues étrangères. Il vit à Manchester jusqu’en 1870. Marx et lui s’écrivaient presque chaque jour, discutant les questions les plus diverses de théorie, politique, tactique et économie.

Au sein de la 1re Internationale, Engels et Marx combattent les proudhoniens, les bakouninistes et autres ennemis de l’Internationale. A l’automne de 1870 Engels vient se fixer à Londres, où il est coopté comme membre du Conseil général de la 1re Internationale. Quand elle fut dissoute, Marx et Engels continuent néanmoins à diriger le mouvement ouvrier. Tout le poids de la lutte contre les courants hostiles au marxisme incombait alors à Engels, Marx étant absorbé par son travail sur « Le Capital ».

De cette époque datent les articles contre Dühring, publiés en 1877-78, qui constituèrent l’« Anti-Dühring » (V.) où Engels « analyse les problèmes les plus importants de la philosophie, des sciences naturelles et sociales… C’est un livre remarquablement instructif et riche de contenu » (Ibid., p. 51). En même temps Engels s’adonne à l’étude des sciences de la nature et des mathématiques ; on peut juger des résultats de son travail en lisant la « Dialectique de la nature » (V.).

Après la mort de Marx, Engels entreprend la mise au point et la publication des deuxième et troisième livres du « Capital » que Marx n’avait pu achever. Le deuxième livre sortit en 1885 et le troisième en 1894. Par ce travail Engels érigea à son génial ami un monument grandiose.

C’est dans cette période qu’il écrivit « L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat » (V.). En 1888 parut son livre « Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande » (V.) qui, comme l’« Anti-Dühring », a servi à des générations de marxistes pour apprendre les éléments du matérialisme dialectique et du matérialisme historique.

Au début des années 90, dans sa correspondance, Engels continue à développer les idées du matérialisme historique. Les vulgarisateurs du marxisme prétendaient que le matérialisme historique, attribuant une importance décisive aux changements dans l’économie, niait le rôle de la superstructure : Etat, idéologie, etc.

Une telle interprétation du marxisme comportait un sérieux danger : elle menait à une contemplation passive de l’histoire, à lu sous-estimation du rôle des idées, des institutions politiques, de la lutte du prolétariat pour la conquête du pouvoir politique.

Cette interprétation ne pouvait surgir, écrivait Engels à Mehring en 1893, qu’à partir d’« une conception banale, non dialectique de la cause et de l’effet, considérés comme des pôles opposés l’un à l’autre de façon rigide, à partir de l’ignorance absolue de l’action réciproque.

Le fait qu’un facteur historique, dès qu’il est engendré finalement par d’autres faits économiques, réagit aussi à son tour et peut réagir sur son milieu et même sur ses propres causes, ces messieurs l’oublient souvent tout à fait à dessein » (Marx-Engels : Etudes philosophiques, P. 1935, p. 167).

Dans ses lettres, Engels met en lumière l’interaction de la base et de la superstructure, montre les particularités spécifiques du développement de l’idéologie (philosophie, religion, art) à la différence de l’économie ; il critique les « marxistes » qui, ayant appris certains principes généraux du matérialisme historique, ne se donnent pas la peine d’étudier en détails les faits concrets de l’histoire.

Tout en fournissant un immense travail théorique, Engels exerçait pratiquement la direction du mouvement ouvrier international. Il s’intéressait vivement au mouvement révolutionnaire en Russie et rédigea une série d’articles consacrés aux rapports sociaux dans ce pays. Il écrivit en 1885 que les Russes s’approchaient de leur révolution démocratique bourgeoise. « La révolution doit éclater dans un temps donné ; elle peut éclater chaque jour. Dans ces conditions le pays est comme une mine chargée, où il ne s’agit que d’appliquer la mèche » (Marx-Engels : Ausgewählte Briefe, B. 1953, S. 456).

Comme Marx, Engels voyait clairement que la révolution politique en Russie aurait une importance considérable pour le mouvement ouvrier d’Occident.

Du début de son activité politique à la fin de sa vie, Engels a été un ardent combattant révolutionnaire, le guide reconnu du prolétariat international, le meilleur interprète de ses intérêts de classe. Il a implacablement combattu l’opportunisme dans les partis ouvriers, mis à nu et sévèrement critiqué leurs erreurs, orienté leur activité dans la voie révolutionnaire. « Après la mort de Marx, a écrit Lénine, Engels continua seul à être le conseiller et le guide des socialistes européens » (« Karl Marx ; Friedrich Engels », p. 52).

Il est mort le 5 août 1895. « Les révolutionnaires russes, a dit Lénine, ont perdu en sa personne leur meilleur ami » (Ibid., p 54).


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