ECLECTIQUE, ECLECTISME. Réunion mécanique, sans principe, de courants idéologiques, opinions, théories hétérogènes. Les éclectiques s’efforcent de concilier le matérialisme et l’idéalisme. Toute philosophie inconséquente a un caractère plus ou moins éclectique.
Exemple : les théoriciens de la IIe Internationale qui voulaient « unir » le marxisme aux courants idéalistes : le kantisme, le machisme, etc. Lénine a défini et critiqué l’éclectisme dans « Encore une fois à propos des syndicats, à propos du moment actuel et des erreurs de Trotski et de Boukharine ». « La logique formelle… use de définitions formelles en se fondant sur ce qui est le plus ordinaire ou ce qui saute le plus souvent aux yeux, et elle s’en tient là. Si on prend deux ou plusieurs définitions de ce genre et si on les réunit de façon absolument fortuite… on obtient une définition éclectique qui montre les aspects différents de l’objet et rien de plus » (Lénine : Œuvres, t. 32, éd. russe, p. 72).
Ainsi, les boukhariniens, ennemis du léninisme, en définissant le rôle des syndicats au pays des Soviets, voulaient concilier éclectiquement deux points de vue opposés : le point de vue des trotskistes qui exigeaient l’« étatisation » des syndicats et l’emploi des méthodes militaires pour les diriger, et le point de vue, le seul juste, de Lénine du parti communiste, qui considéraient les syndicats comme une école du communisme.
Les boukhariniens « démontraient » que les syndicats étaient en même temps l’un et l’autre. Lénine démolit leur éclectisme : la dialectique exige que l’on dégage l’aspect principal, décisif, d’un ensemble complexe, le « maillon décisif » de la chaîne des tâches historiques. Pour Lénine, les syndicats sont l’« école du communisme », l’école de la discipline socialiste au travail, une école de solidarité, de défense des intérêts des travailleurs, une école d’administration. Tel est l’aspect décisif, le « maillon décisif » de l’activité syndicale.
Lénine flétrissait l’éclectisme pour son caractère vague, confus, abstrait. Les opportunistes recourent à l’éclectisme pour estomper tout ce qu’il y a de concret dans la lutte révolutionnaire. « La dialectique, a dit Lénine, est concrète et révolutionnaire… L’éclectisme et la sophistique des Kautsky et des Vandervelde escamotent, pour plaire à la bourgeoisie, tout ce qu’il y a de concret et de précis dans la lutte de classe… » (« La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky », M. 1954. p. 118).
ECOLE DE MILET. Première école matérialiste de la Grèce antique. De même que les autres villes de la côte ionienne de la Méditerranée, Milet fut au VIe siècle av. n. è. un centre du commerce, de l’artisanat, de la navigation et de la culture dans la société esclavagiste.
Les philosophes de Milet étaient aussi des naturalistes. Ils développèrent certains rudiments de sciences naturelles empruntés aux peuples de l’Orient et firent les premières découvertes scientifiques dans le domaine de la géométrie, de la géographie, de l’astronomie et des mathématiques. Ils considéraient la nature comme une matière en mouvement et développement éternels, lui prêtaient une âme (V. Hylozoïsme) et soutenaient que le monde n’était pas l’œuvre des dieux.
Engels disait en parlant des philosophies de la nature créées par Thalès (V.), Anaximandre et Anaximène : « … Nous voyons déjà tout à fait se dessiner le matérialisme naturel spontané qui, au premier stade de son développement, considère tout naturellement comme allant de soi l’unité dans l’infinie diversité des phénomènes naturels et la cherche dans quelque chose de nettement physique, dans un corps particulier, comme Thalès dans l’eau » (« Dialectique de la nature », P. 1952, p. 187).
D’après Anaximandre, la matière infinie et indéterminée, les particules de la matière (les apeirons), en mouvement, constituent la base du monde. Anaximène considère que l’air est à l’origine de tout ce qui existe.
Les représentants de l’école de Milet s’efforçaient de résoudre la question des rapports entre la matière et les phénomènes concrets de la nature, d’expliquer comment les objets réels naissent de l’air, du feu ou de l’eau. Le problème ainsi posé des rapports de l’un et du multiple témoigne de la dialectique naïve des philosophes de Milet. A leur tentative de résoudre ce problème sont liées les premières tentatives de découvrir des lois dans la nature.
ECOLE IMMANENTE EN PHILOSOPHIE (lat. immanens). Un des courants les plus réactionnaires de la philosophie bourgeoise de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Variété de l’idéalisme subjectif. Ses représentants les plus connus sont Schuppe, Schubert-Soldern, Rehmke, Leclair.
Les empiriocriticistes Mach (V.) et Avenarius (V.) avouaient leur parenté étroite avec l’école immanente. Cette philosophie avait aussi ses partisans parmi les révisionnistes russes du marxisme (Bogdanov — V., Bazarov, Iouchkévitch et d’autres).
Les tenants de cette philosophie affirment que l’être est « immanent » à la conscience, c’est-à-dire que le monde n’existe pas indépendamment de la conscience, que le monde existe à l’intérieur de la conscience ou s’identifie avec elle.
Variété du kantisme, la philosophie immanente a rejeté du système de Kant (V.) son élément matérialiste, la théorie de la « chose en soi » (V.) existant en dehors de la conscience Elle nie l’existence de la matière et se rallie à l’idéalisme subjectif de Hume (V.) et de Berkeley (V.).
Selon l’école immanente, la science doit étudier non la matière, mais les lois de la combinaison et de la succession des sensations qui sont les seuls objectifs dignes de foi.
Tous les immanents glissent inévitablement vers le solipsisme (V.). Pour y échapper, les immanents (à l’exception de Schubert-Soldern qui se déclare carrément adepte du « solipsisme gnoséologique ») ont échafaudé le concept de « conscience en général » ou de « conscience générique », qui, disent-ils, existerait réellement en dehors du cerveau humain.
Cependant, il est parfaitement évident qu’il n’y a jamais eu et qu’il ne peut y avoir dans le monde une conscience de ce genre, une conscience qui ne serait pas le produit du cerveau et qui ne refléterait pas l’être matériel.
La « conscience en général » n’est autre chose qu’une fiction idéaliste. En partant de cette fiction, présentée comme une réalité irrécusable, les immanents s’efforcent de démontrer la réalité de Dieu et l’immortalité de l’âme et d’édifier ce qu’ils appellent la « théologie scientifique ».
Cette fiction est également utilisée par les immanents pour « justifier » toutes sortes d’autres idées réactionnaires susceptibles de servir les intérêts des classes bourgeoises dominantes. « Les immanents sont les réactionnaires les plus endurcis, des prêcheurs avérés de fidéisme, conséquents dans leur obscurantisme. On n’en trouve pas un parmi eux, qui n’ait ouvertement conduit ses travaux théoriques les plus achevés sur la gnoséologie à la défense de la religion et à la justification de telle ou telle survivance du moyen âge » (Lénine : « Matérialisme et empiriocriticisme », M. 1952, p. 241).
Au début du XXe siècle, l’école immanente en philosophie a dégénéré en une multitude de tendances infimes qui, aujourd’hui encore, continuent à prêcher la religion.