Accueil → Analyse → Culture → Rubriques du Petit dictionnaire philosophique de l'URSS (1955)
DIDEROT Denis (1713-1784). Illustre philosophe matérialiste français, idéologue de la bourgeoisie révolutionnaire du XVIIIe siècle, fondateur et rédacteur de l’« Encyclopédie ». (V. Encyclopédistes.)
Ses vues radicales lui valurent des mesures de répression. Diderot reconnaît l’existence objective de la matière éternelle en mouvement. Le repos absolu n’est qu’une abstraction. L’espace et le temps sont des formes objectives de l’existence de la matière composée de molécules.
Chaque molécule possède une source interne de mouvement, une « force intime », qui se manifeste par le déplacement mécanique dans l’espace. Toutes les modifications qui s’opèrent dans la nature sont déterminées par la loi de la causalité.
Les phénomènes sont indissolublement liés entre eux. Il n’existe point de limite infranchissable entre la matière organique et la matière inorganique, qui peuvent se convertir l’une dans l’autre.
Les œuvres de Diderot contiennent des éléments de la conception dialectique du monde, en particulier, en ce qui concerne l’évolution des êtres vivants, la transformation des espèces liée à leurs conditions d’existence (bien que, dans l’ensemble, le matérialisme de Diderot, comme celui de tous les philosophes français du XVIIIe siècle, soit mécaniste et métaphysique). Certaines formes vivantes subissent, selon Diderot, des changements continuels.
Le développement de la nature implique une succession naturelle qui aboutit à l’homme ; tel doit être le principe de la classification des êtres vivants. « Il faut commencer par classer les êtres, depuis la molécule inerte, s’il en est, jusqu’à la molécule vivante, à l’animal microscopique, à l’animal-plante, à l’animal, à l’homme. » La sensation est une propriété de la matière.
Diderot attribue la sensibilité à toute la matière. Il distingue la forme inerte, latente de la sensibilité, propre à la nature inorganique et la sensibilité agissante, celle de la nature organique. La pensée est une forme évoluée de la sensibilité de la matière.
La source de la connaissance humaine réside dans les sensations engendrées par l’action des objets et des phénomènes de la nature sur les sens. Non seulement les sensations, mais aussi les concepts et les jugements les plus complexes reflètent la connexion objective, réelle des phénomènes.
L’expérience est le critère de la vérité ; les idées justes sont celles qui reflètent fidèlement la réalité matérielle objective. Cependant, dans l’ensemble, Diderot n’a pas compris le rôle de la pratique sociale dans la connaissance.
Diderot était athée. Il niait l’existence de Dieu, critiquait l’idéalisme et les dogmes religieux de l’immortalité de l’âme, du libre arbitre, etc. Lénine appréciait hautement Diderot pour sa critique matérialiste de l’idéalisme subjectif de Berkeley (V.).
Répudiant la morale religieuse, Diderot affirmait que la moralité de l’homme a pour principe son aspiration au bonheur. Il se prononçait pour l’union raisonnable des intérêts personnels et sociaux. Malgré sa conception matérialiste de la nature, Diderot demeure idéaliste dans le domaine de l’histoire.
A l’égal des autres matérialistes français du XVIIIe siècle, il croit que le caractère de l’ordre social est déterminé par l’organisation politique qui dériverait de la législation existante, donc des idées qui règnent dans la société.
De même que les autres matérialistes français, Diderot compte sur l’avènement d’un monarque éclairé pour instaurer son régime social fondé sur la Raison. Mais ce règne de la Raison n’était que le règne idéalisé de la bourgeoisie, comme l’a dit Engels.
En 1773-1774, lors de son voyage en Russie, Diderot conseilla instamment à Catherine II de stimuler le développement de l’industrie et du commerce en s’appuyant sur le tiers état. On sait que les conseils de Diderot n’eurent pas l’heur de plaire à Catherine II.
Brillant théoricien de la littérature et de l’art, auteur de plusieurs œuvres littéraires, Diderot est un défenseur de la tendance réaliste.
Principaux ouvrages : « Pensées sur l’interprétation de la nature » (1754), « Le Neveu de Rameau » (1762), « Entretien entre d’Alembert et Diderot » (1769), « Rêve de d’Alembert » (1769), « Principes philosophiques sur la matière et le mouvement » (1770), « Eléments de physiologie » (1774-1780)