« DEUX TACTIQUES DE LA SOCIAL-DEMOCRATIE DANS LA REVOLUTION DEMOCRATIQUE ». Ouvrage de V. Lénine, écrit en juin-juillet 1905, période d’essor de la révolution russe.

La classe ouvrière et le parti communiste avaient alors à résoudre des questions pratiques très sérieuses : organisation de l’insurrection armée, attitude à adopter envers la paysannerie, envers la bourgeoisie libérale, etc., ce qui exigeait l’élaboration d’une tactique du parti claire et précise.

Par suite de l’action scissionniste des menchéviks, le parti se scinda en deux fractions, et, pratiquement, en deux partis distincts.

Deux tactiques se révélèrent : la tactique du parti, qui avait trouvé son expression dans les résolutions du IIIe congrès du parti, et la tactique opportuniste des menchéviks qui avaient convoqué leur propre conférence.

Dans son ouvrage, Lénine analyse sous tous leurs aspects les résolutions tactiques du IIIe congrès et les décisions de la conférence menchevique de Genève.

Il y critique la tactique opportuniste des menchéviks, dénonce la tactique de l’opportunisme international, et développe une argumentation géniale à l’appui de la tactique bolchevique dans la révolution démocratique bourgeoise et au cours de sa transformation en révolution socialiste. L’ouvrage de Lénine constitua la préparation politique d’un parti prolétarien de type nouveau.

Le principe tactique essentiel qui imprègne l’ouvrage de Lénine, est l’idée de l’hégémonie du prolétariat dans la révolution démocratique bourgeoise.

Lénine justifie la nécessité historique d’une alliance de la classe ouvrière avec la paysannerie sous la direction de la classe ouvrière, condition décisive de la victoire de la révolution démocratique bourgeoise et de sa transformation en révolution socialiste.

Il critique sévèrement l’attitude des menchéviks qui abordaient le problème des forces motrices de la révolution, en se fondant non sur l’analyse concrète de la révolution, mais sur des analogies abstraites avec les révolutions bourgeoises antérieures.

La tactique bolchevique, élaborée par Lénine, reposait entièrement sur l’analyse dialectique de la première révolution russe, dont l’originalité historique détermina le rôle de la classe ouvrière en tant qu’élément dirigeant de la révolution populaire. En luttant contre le menchevisme. Lénine nous montre que seule la classe ouvrière, la classe la plus révolutionnaire et la plus avancée, est intéressée à la victoire décisive de la révolution, intéressée à ce qu’elle soit menée jusqu’au bout ; il montre que « la révolution bourgeoise est, dans un certain sens, plus avantageuse au prolétariat qu’à la bourgeoisie » (Lénine : Œuvres choisies en deux volumes, t. I, 2e partie, M. 1954, p. 46).

Lénine formule le mot d’ordre dont la réalisation devait assurer la victoire de la révolution démocratique: la victoire décisive de la révolution sur le tsarisme, c’est la dictature démocratique révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie.

Seule la classe ouvrière peut être conséquente dans sa lutte pour la démocratie. Mais elle ne pourra vaincre dans la révolution démocratique que si les masses paysannes viennent se joindre à sa lutte révolutionnaire.

Alors que la bourgeoisie est incapable de mener la révolution jusqu’au bout, la paysannerie est à même de se rallier résolument et sans réserve à la révolution démocratique.

En une formule claire et concise, Lénine définit les voies du développement révolutionnaire, de la transformation de la révolution démocratique bourgeoise en révolution socialiste, le rôle et la position respective des classes, les tâches du prolétariat : « Le prolétariat doit faire jusqu’au bout la révolution démocratique, en s’adjoignant la masse paysanne, pour écraser par la force la résistance de l’autocratie et paralyser l’instabilité de la bourgeoisie. Le prolétariat doit faire la révolution socialiste en s’adjoignant la masse des éléments semi-prolétariens de la population, pour briser par la force la résistance de la bourgeoisie et paralyser l’instabilité de la paysannerie et de la petite bourgeoisie » (Ibid., p. 105).

Le moyen essentiel de renverser le tsarisme et de conquérir la dictature démocratique révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie, Lénine le voyait dans l’insurrection armée victorieuse.

Il a justifié la résolution du IIIe congrès du parti sur l’attitude de la social-démocratie envers le gouvernement révolutionnaire provisoire, qui se formerait par suite de l’insurrection armée.

En principe, dit Lénine, la participation des représentants de la social-démocratie au gouvernement révolutionnaire provisoire (en période de révolution démocratique et de lutte pour la république) est admissible ; cette participation est pratiquement utile, parce qu’elle donne la possibilité de battre la contre-révolution non seulement « d’en bas », du dehors, mais aussi « d’en haut », de l’intérieur du gouvernement.

L’importance historique de l’ouvrage de Lénine « Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique », « c’est tout d’abord qu’il a battu idéologiquement la conception tactique petite-bourgeoise des menchéviks ; il a armé la classe ouvrière de Russie pour le développement ultérieur de la révolution démocratique bourgeoise, pour un nouvel assaut contre le tsarisme; il a donné aux social-démocrates russes des vues claires sur la nécessité de transformer la révolution bourgeoise en révolution socialiste.

Mais là ne se borne pas l’importance de l’ouvrage de Lénine. Ce qui fait sa valeur inestimable, c’est qu’il a enrichi le marxisme d’une nouvelle théorie de la révolution, qu’il a jeté les bases de la tactique révolutionnaire du Parti bolchevik à l’aide de laquelle, en 1917, le prolétariat de notre pays a remporté la victoire sur le capitalisme » (« Précis d’Histoire du P.C.(b) de l’U.R.S.S. »).

Dans cette nouvelle théorie de Lénine sur la révolution socialiste il n’y avait pas encore de conclusion directe sur la possibilité de la victoire du socialisme dans un seul pays capitaliste pris à part. Mais elle contenait presque tous les éléments essentiels nécessaires pour tirer cette conclusion.

Cette conclusion, Lénine l’a établie dans ses articles « Du mot d’ordre des Etats-Unis d’Europe » (1915) et « Le programme militaire de la révolution prolétarienne » (1916). Ayant développé dans ces articles les idées contenues dans son ouvrage « Deux tactiques de la social-démocratie dans la révolution démocratique », Lénine formula une théorie nouvelle, achevée, de la révolution socialiste, la théorie sur la possibilité de la victoire de la révolution tout d’abord dans un seul pays capitaliste pris à part, et sur l’impossibilité de sa victoire simultanée dans tous les pays. (V. Révolution socialiste, prolétarienne.)

DEVELOPPEMENT. V. Dialectique ; Evolution et révolution.


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