a) La Tchécoslovaquie est en quelque sorte le modèle des démocraties populaires. Son Parti Communiste est puissant : il a été au premier rang dans la résistance anti-nazie, et d’ailleurs le compte-rendu de Julius Fucik sur son emprisonnement sera le livre de langue tchèque le plus publié dans le monde.
Il s’appuie sur une tradition solide depuis sa fondation, au lendemain de la révolution de 1917 ; il dispose ainsi d’une légitimité sans failles, de cadres éprouvés. Ses liens avec l’URSS sont d’autant plus forts que la culture nationale russe et sa langue sont proches, et que la Tchécoslovaquie, par ailleurs, fait partie des vainqueurs officiels de la seconde guerre mondiale, en tant que pays membre des alliés.
Les troupes soviétiques quittent ainsi le pays dès novembre 1945, alors que se forme un gouvernement de Front National. Aux élections de 1946, le Parti Communiste de Tchécoslovaquie obtient un score de 38 %. Si on lui additionne le score du parti social-démocrate, le chiffre montre à 55,75 % ; si on y ajoute le score du parti socialiste national, plus au centre, on a alors un résultat de 79,41 % pour l’ensemble de la gauche.
b) En Bulgarie, le régime avait été allié des nazis et se proclama neutre en catastrophe en 1944. L’armée rouge intervint cependant, alors que la Résistance occupait auparavant les ministères, procédant à l’arrestation du gouvernement monarchiste ; en pratique, les milices populaires du Front Patriotique ont ainsi désarmé tant la police que la gendarmerie, générant de nouvelles structures pour remplacer celles-ci.
Fut alors organisé un nouveau gouvernement, formé du Front Patriotique, généré en 1942 par les communistes, dont la guérilla était formée de 30 000 activistes et appuyée par 200 000 personnes. A ce Front s’ajoutèrent les tendances de gauche de la social-démocratie et de l’Union agraire.
Les élections de novembre 1945 marquèrent la victoire du Front avec 88% et en juillet 1946 un référendum marque l’abolition de la monarchie et l’instauration de la République. Cependant l’opposition s’était majoritairement abstenue et de nouvelles élections eurent lieu en octobre 1946, le Front obtenant 78% des voix.
c) En Albanie, la guérilla a été puissante. Active dès 1941 et l’occupation italienne, elle est passée rapidement de 10 000 à 20 000 puis 70 000 activistes armés, contrôlant dès 1943 les campagnes d’un pays d’un million de personnes. Ainsi, dès mai 1944 le Congrès Antifasciste de Libération Nationale forme un conseil national, dirigé par Enver Hoxha ; en décembre 1945 le Front Démocratique obtient 93 % et l’assemblée proclame la République Populaire.
d) En Yougoslavie, la guérilla a également permis la libération du pays, et le Front Populaire obtient en novembre 1945 90,4 % des voix avec un taux de participation de 88 %.
e) En Pologne, la situation est tout à fait différente. Ce sont les alliés qui sont obligés de forcer à la constitution d’un gouvernement d’union nationale des communistes et des conservateurs, ces derniers ayant formé un gouvernement à Londres.
La Pologne ne disposait, de fait, pas d’un Parti Communiste éprouvé. Le positionnement était si erroné et les erreurs si nombreuses, les scissions si fortes, que l’Internationale Communiste, en avril 1938, n’eut même pas d’autres choix que de le dissoudre. Le Parti Communiste ne put se reconstruire qu’à partir de 1942, dans les conditions de la clandestinité.
f) En Hongrie, la situation était proche de celle en Pologne, voire même pire sur certains plans, puisque le régime avait été l’allié de l’Allemagne nazie et était lui-même sur une ligne d’ultra-nationalisme expansionniste.
Un Front hongrois fut formé en mars 1944 par les communistes, mais son poids était faible. Aux élections de novembre 1945, les communistes n’obtiennent ainsi que 17 % des voix, autant que le reste de la gauche, alors que le parti des petits propriétaires et bourgeois indépendants obtient 59 % des voix.
g) En Roumanie, la situation était similaire aux cas polonais et hongrois. Le régime tenta, comme en Bulgarie et en Hongrie, une volte-face après son soutien à l’Allemagne nazie. La monarchie liquida le gouvernement pro-nazi, alors que l’armée rouge intervint dans le pays.
Fut alors constitué un Front national démocratique des forces libérales, conservatrices et communistes, ces dernières étant particulièrement faibles et avec un Front patriotique qui ne réussit pas à s’implanter véritablement mais qui lança une insurrection armée le 23 août 1944. Les milices populaires n’avait cependant pas encore pris le régime d’assaut.
L’épuration antifasciste affaiblit cependant la réaction, et aux élections de novembre 1945, le parti national paysan obtient 878.000 voix, contre 4,7 millions de voix au bloc gouvernemental (les communistes obtenant 68 sièges, les socialistes 81, et le front des laboureurs 70).
h) L’Allemagne sous contrôle de l’administration soviétique – l’Allemagne dite de l’Est – est un cas à part, puisqu’il n’y a pas eu de Résistance conséquente. Ainsi, elle est sévèrement épurée, 450.000 personnes étant révoquées des institutions et de l’économie, alors qu’une réforme agraire limite la propriété agricole à 5-10 hectares et constitue des fermes d’État.
Le Parti Communiste d’Allemagne organise une plate-forme commune avec la social-démocratie en août 1945 ; si les deux forces disposaient chacune de 90.000 membres à la fin 1945, elles disposent ensuite de respectivement 619.000 et 679.000 membres et finissent par fusionner en avril 1946, obtenant aux élections de 1946 55 % des voix, contre 20 % aux libéraux, 10 % aux chrétiens-démocrates, le reste des voix s’éparpillant.