CONTRADICTIONS ANTAGONIQUES ET NON ANTAGONIQUES. Pour la dialectique marxiste la lutte des contraires, la lutte entre le nouveau et l’ancien est la source et le contenu intrinsèque de tout développement. Le développement implique toujours des contradictions, et seule leur élimination assure le mouvement progressif.

La dialectique marxiste distingue les contradictions antagoniques et non antagoniques.

Les contradictions antagoniques dans la société ont pour base les intérêts inconciliables de forces, de classes ou de groupes ennemis. Les contradictions de ce genre ne s’éliminent d’habitude que par la violence, c’est-à-dire par une lutte de classe révolutionnaire et la victoire d’une classe sur l’autre, ou bien par des guerres, etc.

Ainsi, les contradictions entre la bourgeoisie et le prolétariat, dont les intérêts essentiels sont diamétralement opposés, s’éliminent par la révolution socialiste.

Tant qu’existe le capitalisme, « l’antagonisme entre le prolétariat et la bourgeoisie est une lutte de classe à classe, lutte qui, portée à sa plus haute expression, est une révolution totale » (Marx : « Misère de la philosophie », P. 1947, p. 135). En U.R.S.S., dans la période de transition du capitalisme au socialisme, il y avait des contradictions antagoniques entre la classe ouvrière et la paysannerie laborieuse d’une part, et la bourgeoisie urbaine et les koulaks, de l’autre.

L’Etat de la dictature du prolétariat surmonta ces contradictions antagoniques en liquidant les classes exploiteuses.

Autre exemple de contradictions antagoniques : les contradictions entre les Etats impérialistes, entre la bourgeoisie impérialiste des différents pays. A l’origine de ces contradictions se trouvent la lutte des pays capitalistes pour les débouchés et le désir de noyer ses concurrents, la tendance des rapaces impérialistes à s’enrichir les uns aux dépens des autres.

Et bien que ces contradictions antagoniques ne soient pas des contradictions de classe, — ce qui fait qu’elles sont moins fortes, moins aiguës que l’antagonisme entre la classe des prolétaires et la classe des bourgeois, — elles suscitent néanmoins une lutte violente entre les impérialistes des différents pays.

Dans ces contradictions résident les causes des guerres impérialistes pour un nouveau partage du monde, pour les débouchés, etc. Le trait distinctif des contradictions antagoniques, c’est qu’elles s’accentuent et s’approfondissent au cours de leur développement, qu’elles se transforment en opposition, et que la lutte entre elles aboutit à un conflit aigu.

Dans le cas des contradictions non antagoniques il ne s’agit plus de classes ennemies aux intérêts diamétralement opposés, ces contradictions touchent les questions particulières courantes et non les questions fondamentales.

Le trait distinctif des contradictions non antagoniques, à la différence des précédentes, c’est qu’au cours de leur développement, elles ne se transforment pas nécessairement en une opposition hostile, et que la lutte entre elles n’aboutit pas à un conflit.

Un exemple de contradictions de ce genre est fourni par celles qui existaient avant l’édification du socialisme en U.R.S.S., entre la classe ouvrière, représentante du socialisme, et la paysannerie, classe de petits propriétaires.

Mais les ouvriers et les paysans ont aussi d’importants intérêts communs, qui compensent ces contradictions : seul le socialisme affranchit ouvriers et paysans du servage et de l’exploitation et crée les conditions d’une vie vraiment humaine et heureuse. C’est pourquoi l’alliance des ouvriers et des paysans est le principe suprême de la dictature du prolétariat.

Les contradictions non antagoniques, à la différence des contradictions antagoniques, ne s’éliminent pas par la violence et une lutte de classe acharnée, mais par une transformation méthodique et graduelle des conditions économiques, qui sont la cause de ces contradictions.

L.’U.R.S.S. a donné un exemple frappant de la manière dont il faut surmonter les contradictions non antagoniques entre la classe ouvrière et la paysannerie, exemple d’une grande portée internationale.

Ces contradictions, en U.R.S.S., ont été surmontées sous la direction du parti communiste, par une transformation socialiste progressive des petites exploitations paysannes.

Mais c’est également par la lutte que les contradictions non antagoniques entre la classe ouvrière et la paysannerie ont été éliminées : lutte contre la mentalité petite-bourgeoise de la paysannerie attachée à la propriété privée, lutte qui n’a pas détruit, mais au contraire consolidé l’alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie laborieuse, lutte qui a abouti à une atténuation progressive des contradictions entre elles.

Les distinctions économiques et politiques qui subsistent entre la classe ouvrière et la paysannerie kolkhozienne, sont dues à l’existence de deux formes de propriété : la propriété nationale et la propriété kolkhozienne ; elles seront complètement liquidées au cours de la transition graduelle du stade inférieur du communisme à son stade supérieur (V. Classes en U.R.S.S.).

Les pays de démocratie populaire (V.), s’inspirant de l’exemple de l’Union Soviétique, apprennent, en se fondant sur l’alliance des deux classes, à surmonter les contradictions entre les ouvriers et les paysans, et à transformer la petite agriculture morcelée en une grande agriculture socialiste.

Avec la victoire du socialisme, l’antagonisme des classes à l’intérieur du pays disparaît. Au XVIIIe congrès du parti, caractérisant la situation nouvelle qui s’était créée en U.R.S.S. par suite des victoires historiques du socialisme, Staline disait : « Ce qu’il y a de particulier dans la société soviétique de notre époque, à la différence de toute société capitaliste, c’est qu’elle n’a plus dans son sein de classes antagonistes, ennemies ; que les classes exploiteuses ont été liquidées et que les ouvriers, les paysans et les intellectuels formant la société soviétique, vivent et travaillent en collaboration fraternelle.

Alors que la société capitaliste est déchirée par des antagonismes irréconciliables entre ouvriers et capitalistes, entre paysans et grands propriétaires fonciers, ce qui conduit à l’instabilité de sa situation intérieure, — la société soviétique, libérée du joug de l’exploitation, ignore ces antagonismes ; elle est affranchie des collisions de classes et offre l’image d’une collaboration fraternelle entre ouvriers, paysans, intellectuels.

C’est sur la base de cette communauté d’intérêts que se sont développées des forces motrices comme l’unité politique et morale de la société soviétique, l’amitié des peuples de l’U.R.S.S., le patriotisme soviétique » (« Rapport présenté au XVIIIe congrès du Parti sur l’activité du Comité Central du P.C.(b) de l’U.R.S.S. », M. 1952, p. 41).

Cette communauté d’intérêts, qui est fondée sur la destruction des antagonismes, ne signifie pas, cependant, que sous le socialisme toutes les contradictions sont éliminées. Le progrès de la société socialiste s’effectue aussi par l’apparition et l’élimination de contradictions, par la lutte. Mais les contradictions du développement de la société socialiste ne sont plus les mêmes, ce sont des contradictions non antagoniques.

Telles sont, par exemple, les contradictions entre les forces avancées et les forces retardataires, inertes de la société, entre la réalité socialiste et les survivances du capitalisme dans la conscience des hommes. La marche de la société soviétique vers le communisme ne peut s’effectuer avec succès si l’on ne lutte pas contre ces forces inertes, contre toutes les survivances du capitalisme dans la conscience des hommes.

Ces survivances se manifestent sous les formes les plus diverses : bureaucratisme, nationalisme, cosmopolitisme, attitude non socialiste à l’égard du travail, de la propriété publique, etc.

Seule la lutte du nouveau contre l’ancien, de ce qui est avancé contre ce qui a fait son temps est source de progrès, même quand il n’y a plus de classes antagoniques. Quelle que soit leur nature, les contradictions ne peuvent être surmontées que dans la lutte.

Avec le changement du caractère, du contenu des contradictions, ce ne sont que les formes de la lutte qui changent. Pour surmonter les contradictions de la société socialiste, il n’est pas besoin de révolution.

Elles peuvent être éliminées et elles le sont sur la base même du socialisme, lors du passage graduel du socialisme au communisme. Au sein de la société soviétique, dans la lutte du nouveau, de ce qui est avancé, contre l’ancien et ce qui a fait son temps, le rôle primordial appartient à la critique et l’autocritique (V.).


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