« CHOSE EN SOI » ET « CHOSE POUR NOUS ». Termes philosophiques créés par Kant (V.). Tout en existant indépendamment de la conscience humaine, la « chose en soi » serait absolument inconnaissable et ne pourrait devenir une « chose pour nous », c’est-à-dire une chose connue.

Kant creuse un abîme entre la « chose en soi » et le phénomène ; à l’en croire nous ne pouvons avoir aucune idée des « choses en soi », la connaissance n’a trait qu’aux phénomènes, c’est-à-dire aux idées et sensations subjectives ; elle reste incapable de pénétrer la « chose en soi », qui devient en fin de compte un symbole stérile.

Cette doctrine est réactionnaire, car elle s’assigne consciemment l’objectif de concilier la science et la religion. Elle est à l’origine de nombreux courants idéalistes.

Le matérialisme dialectique enseigne qu’il n’existe pas de « choses en soi » inconnaissables, qu’il y a seulement une différence entre ce qui est déjà connu (« chose pour nous ») et ce qui n’est pas encore connu (« chose en soi »), mais qui le sera grâce à la science et à la pratique.

Une fois connue, la « chose en soi » devient une « chose pour nous ». Le caoutchouc naturel était une « chose en soi » jusqu’au jour où la chimie apprit à l’utiliser dans l’industrie et à le produire par la synthèse chimique, le transformant ainsi en une « chose pour nous » !

Le nombre des choses connues augmente à mesure que se développent la science et la technique. L’énergie atomique était une « chose en soi » ; mais la science contemporaine l’a découverte et a appris à la produire ; ainsi l’énergie atomique est devenue, elle aussi, une « chose pour nous ».

C’est la pratique qui est la condition décisive de la connaissance des « choses en soi », de leur transformation en « choses pour nous ».

CLASSE « EN SOI » ET CLASSE « POUR SOI ». Termes dont se servaient Marx et Engels pour désigner les divers degrés de maturité politique du prolétariat, les phases de sa prise de conscience en tant que force politique indépendante. Il a fallu que le prolétariat franchisse toute une étape historique pour comprendre que ses intérêts sont irréductiblement contraires à ceux du capital.

Des exemples historiques tels que le mouvement des luddites en Angleterre, où les ouvriers, exaspérés par une exploitation féroce, brisaient les machines, ne comprenant pas la cause réelle de l’exploitation, montrent que le prolétariat n’a pas pris d’emblée conscience de soi-même en tant que classe.

Ce sont d’abord des ouvriers isolés qui ont engagé la lutte, écrivaient Marx et Engels dans le « Manifeste du Parti communiste », puis les ouvriers d’une même fabrique, enfin les ouvriers d’une même branche d’industrie, dans une même localité, contre le bourgeois qui les exploite directement.

A cette étape les ouvriers ne luttent pas encore contre la classe des capitalistes. Le prolétariat ne s’est pas encore élevé jusqu’à la compréhension de ses tâches de classe, il est encore une classe « en soi ».

« A ce stade, le prolétariat forme une masse disséminée à travers le pays et émiettée par la concurrence » (Marx et Engels : « Manifeste du Parti communiste », P. 1954, p. 36).

Au degré suivant, supérieur, de sa conscience de classe, le prolétariat s’élève en raison du développement même du capitalisme.

Au fur et à mesure que se multiplient les fabriques et les usines, le prolétariat augmente en nombre, son organisation s’améliore, plus grandes deviennent sa cohésion et son expérience de la lutte de classe.

De la lutte contre un capitaliste isolé, leur patron immédiat, les ouvriers passent à la lutte contre la classe des capitalistes tout entière et contre l’Etat du Capital.

La conscience du prolétariat s’accroît au cours de sa lutte pratique contre les capitalistes, ce qui se manifeste par la création d’une théorie révolutionnaire, par l’organisation d’un parti politique du prolétariat, — le parti communiste, avant-garde de la classe ouvrière.

Le prolétariat prend conscience de sa mission historique et devient une classe « pour soi ».

Il subordonne sa lutte à une tâche : la conquête de la dictature du prolétariat et la transformation communiste de la société.


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