« CAPITAL (Le) ». Principal ouvrage de Karl Marx, œuvre immortelle, qui a totalement bouleversé les notions sur la société humaine et a donné au socialisme une base scientifique. « Le Capital » est « l’œuvre d’économie politique la plus prodigieuse de notre siècle » (Lénine : « Karl Marx ; Friedrich Engels », M. 1954, p. 51).

Marx disait que « Le Capital » était l’œuvre de sa vie. Il commença à l’écrire dans les années 40 et il y travailla jusqu’à sa mort. Le premier livre paru en 1867. « Il est certain, disait Marx, que c’est la bombe la plus redoutable qui ait été jamais lancée à la tête des bourgeois (y compris les propriétaires fonciers) » (Marx-Engels : Briefe über « Das Kapital », B. 1954, S. 133).

Les livres suivants furent publiés après la mort de Marx sous la direction d’Engels : le livre deuxième en 1885 et le livre troisième en 1894. La première traduction du « Capital » fut faite en russe.

La traduction du livre premier, commencée par G. Lopatine et terminée par N. Danielson, parut en 1872. Le livre premier est consacré à l’analyse du procès de la production du capital ; le deuxième à la circulation et le troisième à l’analyse de la production capitaliste dans son ensemble.

Marx analyse à fond le mode capitaliste de production, considéré comme une formation économique et sociale déterminée, et révèle les lois de la naissance, du développement et de la disparition de cette formation. « Le Capital » est un « modèle d’analyse scientifique d’une formation sociale — la plus complexe — suivant la méthode matérialiste, modèle reconnu de tous et insurpassé » (Lénine : « Ce que sont les « amis du peuple » et comment ils luttent contre les social-démocrates », M. 1954, pp. 18-19).

Même dans les travaux des meilleurs savants bourgeois, le régime capitaliste est considéré comme une forme « éternelle », « naturelle » de la société.

Marx a démontré irréfutablement que les rapports capitalistes sont une forme historique, transitoire de la production sociale. Cette forme surgit avec la nécessité d’une loi naturelle à une étape déterminée du développement social, et non moins inéluctablement elle doit disparaître dans le feu de la révolution prolétarienne, céder la place à des formes sociales nouvelles plus progressives.

Les socialistes utopistes, ces critiques du capitalisme, qui formaient des projets fantastiques pour délivrer l’humanité du joug capitaliste, espéraient les réaliser en persuadant les hommes, et avant tout les classes dominantes, du caractère légitime et rationnel de ces projets.

Marx « a mis fin à la conception selon laquelle la société est un agrégat mécanique d’individus qui subit toutes sortes de changements au gré des autorités (ou ce qui revient au même, au gré de la société et du gouvernement) ; qui naît et se transforme suivant le hasard ; il fut le premier à donner une base scientifique à la sociologie en établissant le concept de la formation économique et sociale comme un ensemble de rapports de production donnés, en établissant que le développement de ces formations est un processus d’histoire naturel » (Ibid., p. 17).

Marx a découvert la loi économique du mouvement de la société capitaliste et montré que le communisme constitue l’étape future et inévitable du développement social, dont l’avènement est préparé par toute l’histoire de l’humanité, par les lois objectives internes de l’évolution du capitalisme lui-même.

Marx a mis en lumière les facteurs matériels, les forces sociales qui mènent le régime capitaliste à sa perte.

Il a démontré que, dans certaines limites et à une étape historique donnée, le mode capitaliste de production est un mode progressiste, puisque les rapports de production capitalistes, qui se trouvent à cette étape pleinement adaptés au niveau des forces productives, stimulent l’essor décès dernières, essor beaucoup plus rapide que dans les formations sociales antérieures.

Toutefois cette croissance, en premier lieu, est obtenue au prix d’un gaspillage inconsidéré de la principale force productive, la force de travail du prolétariat et des richesses de la nature ; en deuxième lieu, elle a un caractère unilatéral, se réalise avec beaucoup d’inégalités, freine le progrès de diverses branches de la production ; en troisième lieu, il se trouve qu’elle est mortelle pour le capitalisme, car elle entre en contradiction irréductible avec les rapports de propriété privée, exige des rapports sociaux nouveaux, plus progressifs.

Le capitalisme se transforme donc de plus en plus en entrave pour les forces productives en développement.

Par suite de l’essor des forces productives de la société capitaliste, la production revêt un caractère social. Cette socialisation du travail sous le capitalisme se traduit avant tout de la manière suivante : à mesure que la division du travail s’accuse à l’intérieur de la société, la fonction de chaque, individu devient une parcelle de moins en moins indépendante du travail de toute la société.

Cette socialisation se manifeste encore dans le fait que la production capitaliste, en vertu de ses propres lois, se concentre dans des entreprises géantes.

Le développement des formes coopératives du travail sous le capitalisme, et surtout l’emploi toujours plus considérable de machines, évincent les petits capitalistes. Les gros capitalistes accaparent une part sans cesse accrue de la production sociale.

Cette socialisation de la production est spécifiquement capitaliste. Loin d’entraîner la suppression de la propriété privée des moyens de production, elle contribue à sa consolidation.

Il en résulte une accentuation toujours plus grande de la contradiction fondamentale de la société capitaliste, entre le caractère social de la production et la forme privée, capitaliste, d’appropriation des résultats de la production (ce qui se manifeste en particulier sous la forme de crise de surproduction). En même temps s’aggravent toutes les autres contradictions de la société capitaliste.

La théorie de la plus-value, élaborée par Marx, révèle l’essence de l’exploitation capitaliste des ouvriers salariés, vrais créateurs de toutes les richesses de la société bourgeoise, et constitue, comme le dit Lénine, la pierre angulaire de la doctrine économique marxiste.

Marx a ainsi mis à nu la base d’existence des classes capitalistes, l’essence de l’exploitation capitaliste que l’économie politique bourgeoise s’évertue à masquer. L’ouvrier travaille pour le capitaliste en lui vendant sa force de travail, payée sous forme de salaire, en règle générale au-dessous de sa valeur. Or, l’ouvrier crée une valeur beaucoup plus grande.

La classe capitaliste s’approprie sous forme de plus-value toute la différence entre la valeur de la marchandise produite par l’ouvrier, et le salaire de ce dernier, et cette différence constitue la source de tous les revenus capitalistes : profits, intérêts, rente, impôts.

La classe capitaliste dont l’existence est fondée sur l’appropriation de la plus-value, s’oppose dans son ensemble au prolétariat, elle est son exploiteur collectif. La course à la plus-value aboutit à l’élévation continue de la norme d’exploitation du travail.

L’augmentation de la journée de travail, l’exploitation féroce du travail des femmes et des enfants, la destruction de la force de travail, la mutilation physique de millions d’ouvriers — tels sont les moyens du capital pour satisfaire sa soif insatiable de surtravail.

L’emploi des machines et le développement des forces productives sont pour le capital un moyen d’élever la norme de la plus-value et non d’économiser le travail.

A mesure que le capitalisme évolue, l’exploitation de la classe ouvrière augmente, sa situation ne fait qu’empirer. L’extension des rapports capitalistes et l’emploi des machines engendrent le chômage, une armée de réserve industrielle.

Cet excédent de la main-d’œuvre exerce continuellement une pression sur le marché du travail et permet aux capitalistes de réduire les salaires, de les fixer à un taux inférieur à la valeur de la force de travail.

De là la paupérisation relative et absolue de l’ouvrier. « L’accumulation de richesse à un pôle égale l’accumulation de pauvreté, de souffrance, d’ignorance, d’abrutissement, de dégradation morale, d’esclavage, au pôle opposé, du côté de la classe qui produit le capital même » (Marx : « Le Capital », L. I., t. 3, P. 1939, p. 98).

Le développement du capitalisme n’offre à la classe ouvrière aucun moyen d’améliorer sa situation dans le cadre du régime capitaliste. C’est pourquoi les intérêts du prolétariat s’opposent diamétralement aux bases mêmes du régime capitaliste et exigent leur destruction. Or, « en augmentant la dépendance des ouvriers envers le capital, le régime capitaliste crée la grande puissance du travail unifié » (Lénine : Œuvres choisies en deux volumes, t. I, 1re partie, M. 1954, p. 67).

A cause de la concentration et de la centralisation de la production capitaliste, le nombre des prolétaires salariés s’accroît sans cesse aux dépens des petits propriétaires et surtout des paysans ruinés par le capitalisme.

Le prolétariat augmente en nombre et en force. Les ouvriers se concentrent en masses toujours plus grandes et compactes dans les vastes entreprises capitalistes. C’est ainsi que le capitalisme au cours de son évolution engendre lui-même la force sociale appelée à le détruire. Le prolétariat révolutionnaire s’empare du pouvoir, établit sa dictature et exproprie les expropriateurs.

Marx montre également l’impasse dans laquelle sont acculées sous le capitalisme les masses de petits propriétaires et en particulier la petite paysannerie exploitée férocement par le capital.

Le capitalisme apporte au gros des masses de petits propriétaires la ruine inéluctable et la transformation en prolétaires. « Marx, ce marxiste ferme entre tous, conseillait instamment au parti communiste de ne pas perdre de vue la paysannerie, de la gagner au prolétariat et de s’assurer son appui dans la révolution prolétarienne à venir » (Staline : Œuvres, t. 5, éd. russe, p. 344).

La loi de la naissance, de l’évolution et de la disparition de la société capitaliste, découverte par Marx, ne signifie nullement que l’histoire conduira inéluctablement l’humanité au communisme sans recourir à la lutte de classes.

La loi de développement du capitalisme, comme de toute société antagonique en général, implique l’accentuation de ses contradictions, l’aggravation de la lutte de classes.

La connaissance des lois objectives de l’évolution du capitalisme permet au prolétariat d’orienter sa lutte contre le régime capitaliste dans la voie révolutionnaire, de discerner ses ennemis, de trouver ses alliés et d’avancer avec assurance vers la victoire, vers l’instauration de sa dictature.

« Le Capital » met en pleine lumière la nécessité historique de la dictature du prolétariat (V.) et sa victoire inévitable à la suite de la révolution socialiste triomphante. La doctrine de Marx a permis au prolétariat mondial de prendre conscience de son rôle historique, de connaître et d’appliquer les méthodes de lutte victorieuse contre le capitalisme.

« Le Capital » de Marx n’est pas seulement un ouvrage d’économie politique, c’est aussi un grand ouvrage d’histoire et de philosophie. Il constitue un exposé magistral des principes du matérialisme historique (V.) appliqués avant tout à l’étude approfondie d’une formation économique et sociale déterminée, le capitalisme.

« Le Capital » est également un modèle incomparable de mise au point et d’application de la dialectique (V.) matérialiste à l’étude, de la société humaine. Lénine souligne la portée philosophique du « Capital » : « Le Capital » est l’application de la logique, de la dialectique et de la théorie de la connaissance du matérialisme à une science déterminée » (Lénine : « Cahiers philosophiques », éd. russe, p.215).

Reflétant fidèlement le monde réel, « Le Capital » considère le mode capitaliste de production non comme un fait immuable et éternel, mais comme un phénomène qui naît et évolue historiquement et engendre nécessairement les conditions de son écroulement.

En montrant que les contradictions propres au mode capitaliste de production sont la source de son devenir, Marx analyse comment ces contradictions s’accentuent et s’aiguisent, comment, par tout son développement, le capitalisme crée les prémisses objectives de sa substitution révolutionnaire par le socialisme. Tout en examinant la formation sociale capitaliste, Marx élabore la théorie de la connaissance marxiste.

Le caractère rigoureusement scientifique du « Capital » s’allie à l’esprit de parti intransigeant envers tous les ennemis du prolétariat. Le sous-titre du « Capital » : « Critique de l’économie politique » correspond parfaitement au contenu théorique de cet ouvrage. L’analyse des lois du capitalisme est inséparable de la critique scientifique de l’économie politique bourgeoise.

Depuis que « Le Capital » a paru et jusqu’à nos jours, les théoriciens bourgeois et les laquais réformistes du capitalisme mènent une lutte acharnée contre cet ouvrage qu’ils défigurent et diffament. Mais toute l’expérience historique de l’humanité, en particulier toute l’histoire de la lutte de classes depuis la parution de ce livre, confirment pleinement les idées géniales du « Capital ».


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