CABANIS Pierre-Jean-Georges (1757-1808). Philosophe matérialiste français, encyclopédiste, médecin de profession. Marx le rattachait à l’école de ceux qui adoptaient la physique de Descartes (V.), tout en rejetant sa métaphysique.

En la personne de Cabanis, cette école a atteint son point culminant. Témoin de la Révolution bourgeoise française de 1789-1794, Cabanis était girondin et réprouvait la terreur jacobine. Principal ouvrage : « Rapports du physique et du moral de l’homme » (1797).

La physiologie constituait le pivot de ses idées philosophiques. Il croyait que la conscience dépend essentiellement des fonctions physiologiques de l’homme, de l’activité de ses organes internes. Ses opinions sur la nature de la pensée s’écartaient de la doctrine des matérialistes français et se rattachaient au matérialisme vulgaire (V.).

Cabanis prétendait que le cerveau « sécrète » organiquement la pensée, comme le foie sécrète la bile. Il estimait que la science sociale devait prendre pour base les sciences naturelles, que la médecine et la physiologie étaient appelées à transformer les moeurs.

La connaissance de la structure et de l’activité de l’organisme humain est, pensait-il, la clé des phénomènes sociaux et de leurs modifications. Au déclin de sa vie, Cabanis devint vitaliste (V. Vitalisme), et admit l’existence indépendante de l’âme.

CABET Etienne (1788-1856). Socialiste utopique français ; devient, après la Restauration, membre de la société secrète des carbonari ; prend, en 1830, une part active à la révolution de Juillet. Par ses conceptions philosophiques, c’est un idéaliste.

Ayant pris connaissance de l’« Utopie » de Thomas More (V.) et de l’activité de Robert Owen (V.), Cabet s’installe sur les positions du socialisme utopique. Il a écrit un roman fantastique « Voyage en Icarie » (1840), où il démontre la supériorité de la société socialiste sur la société capitaliste.

Il se prononce pour l’abolition de la propriété privée, pour la communauté des biens. Cabet condamne la lutte révolutionnaire du prolétariat, préconise une propagande pacifique du socialisme et des réformes graduelles, excluant le renversement du pouvoir bourgeois par la violence.

Avec l’extension du mouvement ouvrier, la position de Cabet revêt un caractère nuisible et réactionnaire.

Les idées de Cabet sur le socialisme et le communisme s’inspiraient des préjugés petits-bourgeois. Il s’efforçait de légitimer la position subalterne de la femme dans la société ; il considérait la famille bourgeoise comme la cellule fondamentale de la société socialiste. Sur le conseil d’Owen, Cabet se rendit en Amérique, où il fonda une « colonie communiste », l’« Icarie ». Mais son entreprise avorta. Comme tous les utopistes, Cabet élaborait des plans et projets bâtis sur le sable, voués à un échec inévitable.

Cabet jouit un moment, parmi les ouvriers, d’une popularité qui s’explique exclusivement par la faiblesse du mouvement ouvrier. Cabet, dit Marx, a été populaire, bien qu’il fût « le représentant le plus superficiel du communisme ».

« CAHIERS PHILOSOPHIQUES ». Documents philosophiques de Lénine, parus dans les tomes IX et XII des « Recueils Lénine » et publiés en volume pour la première fois en 1933.

Les « Cahiers philosophiques » se composent de larges extraits tirés de divers ouvrages philosophiques (datant principalement de 1914-1916).

Les résumés de lecture s’accompagnent de remarques critiques, de conclusions et de généralisations de la plus haute importance.

Les « Cahiers philosophiques » contiennent l’analyse des œuvres suivantes : Marx et Engels : « La Sainte Famille » ; Feuerbach : « Leçons sur l’essence de la religion » ; Hegel : « Science de la Logique », « Leçons sur la philosophie de l’histoire » et « Leçons sur l’histoire de la philosophie » ; Lassalle : « Philosophie du mélancolique Héraclite d’Ephèse » ; Article : « Métaphysique ».

Le fragment « A propos de la dialectique », qui fait partie des « Cahiers philosophiques », offre un intérêt tout particulier ; Lénine y donne un bref et brillant aperçu de l’essence même de la dialectique matérialiste.

Les « Cahiers philosophiques » comprennent également des notes consacrées à des ouvrages sur les sciences de la nature. Dans l’analyse du livre de Marx et d’Engels « La Sainte Famille » (V.), Lénine met en évidence leur critique de la philosophie idéaliste de Hegel (V.) et des jeunes-hégéliens (V.) ; il souligne que déjà dans cet ouvrage de jeunesse, Marx touche de près au socialisme scientifique.

Dans son analyse du livre de Feuerbach « Leçons sur l’essence de la religion », Lénine met en relief ce qui distingue radicalement le matérialisme de Marx et d’Engels du matérialisme de Feuerbach (V.). Les analyses des ouvrages de Hegel sont un modèle de critique combative dirigée contre la dialectique hégélienne idéaliste.

Lénine insiste sur la profonde différence qui sépare la dialectique marxiste de la dialectique idéaliste, et met en garde contre une attitude non critique à l’égard de là dialectique hégélienne.

Son esprit de parti en philosophie, son ardeur révolutionnaire et son intransigeance dans la critique des aspects réactionnaires de la philosophie de Hegel se manifestent de façon éclatante ; mais il souligne en même temps ce qu’il y a de précieux dans la dialectique hégélienne, et indique comment il faut l’interpréter sous l’angle matérialiste. « D’une manière générale, je m’efforce de lire Hegel en matérialiste : Hegel, c’est le matérialisme mis la tête en bas (d’après Engels), c’est-à-dire que j’élimine en grande partie le bon Dieu, l’Absolu, l’Idée pure, etc. » (Lénine : « Cahiers philosophiques», éd. russe, p. 78).

Ce qu’il y a de rationnel dans la philosophie hégélienne, dit-il, c’est sa théorie de « l’autodynamisme », du développement éternel par la lutte des contraires.

Le thème central des « Cahiers philosophiques » est la dialectique. Lénine enrichit et précise la théorie de la dialectique matérialiste. Il en donne de profondes définitions, qui mettent à jour l’essence de cette méthode sous tous ses aspects.

Les indications de Lénine sur l’unité de la dialectique, de la logique et de la théorie de la connaissance sont d’une grande portée pour le progrès de la philosophie. A l’encontre des idéalistes et des métaphysiciens, qui détachent les lois de la pensée de celles du monde objectif, qui envisagent la logique comme une science des formes creuses de la pensée, Lénine montre que la pensée reflète le monde objectif, que les lois de la pensée correspondent aux lois de la nature.

Les « Cahiers philosophiques » sont une mine de conceptions profondes sur toutes les questions philosophiques: critique de l’agnosticisme de Kant (V.), critique de la logique métaphysique, définition marxiste de la logique et de ses catégories, caractéristique de la marche dialectique de la connaissance, mise en lumière de l’essence de la dialectique et de ses éléments fondamentaux, etc.

Les « Cahiers philosophiques » contiennent nombre d’indications primordiales sur l’élaboration de la logique dialectique ; une importance toute particulière s’attache, sous ce rapport, aux remarques de Lénine sur la coïncidence, en logique, de l’histoire de la pensée avec les lois de la pensée, sur la nécessité qu’il y a, pour édifier une théorie juste de la connaissance, de généraliser sous l’angle philosophique l’histoire de la technique, des sciences de la nature, du développement mental de l’enfant, de celui des animaux, etc.

L’analyse du livre de Hegel « Leçons sur l’histoire de la philosophie » offre un intérêt majeur ; Lénine montre que l’histoire de la philosophie est celle de la lutte du matérialisme et de l’idéalisme, il critique vivement Hegel, qui dénigre le matérialisme et exalte l’idéalisme dans l’histoire de la philosophie (Platon — V. et autres).

Dans ses remarques sur les ouvrages traitant des sciences de la nature, Lénine dénonce les tentatives d’implanter l’idéalisme dans les sciences de la nature ainsi que le caractère déclasse de ces tentatives.

Les « Cahiers philosophiques » offrent un modèle de développement magistral de la dialectique matérialiste et constituent un programme de travail dans le domaine de la philosophie marxiste. Cependant, quand on lit les « Cahiers philosophiques », il ne faut pas oublier qu’ils se composent de notes destinées par Lénine à son usage personnel, et non à être publiées.


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