BOTEV Christo (1848-1876). Eminent poète bulgare, philosophe matérialiste de la période prémarxiste. La conception du monde de Botev était une fusion du démocratisme révolutionnaire et du socialisme utopique. La formation de ses idées a été fortement influencée par Herzen (V.) et Tchernychevski (V.), dont il propageait les vues matérialistes en Bulgarie.

Les trois ans qu’il passa en Russie favorisèrent le développement de ses idées démocratiques et révolutionnaires.

Chef de la révolution paysanne en Bulgarie, il estimait possible l’instauration d’un régime socialiste dans son pays, quand celui-ci serait affranchi du joug des féodaux turcs et de l’oppression des exploiteurs nationaux.

La communauté paysanne possédait d’après lui des « éléments socialistes ». Sous l’influence du livre 1er du « Capital » de Marx et du mouvement ouvrier d’Europe occidentale, il arriva, dans les dernières années de sa vie, à la conclusion que c’est au prolétariat qu’il appartient d’édifier le socialisme.

Cependant, il commit une erreur en entendant par prolétariat les pauvres en général. Selon Botev, le processus historique est le fruit du développement, du perfectionnement de la raison à travers la lutte des masses populaires.

Sa conception de la nature était matérialiste. Il flétrissait la religion en tant qu’instrument d’asservissement spirituel des travailleurs. Au cours de son activité révolutionnaire, il devenait dialecticien.

La vie sociale consiste, d’après lui, dans un développement incessant : « L’inexorable logique de l’histoire veut que l’ancien, le pourri disparaissent… et que tout ce qui est nouveau, sain et humain vive. » Le nouveau l’emporte sur l’ancien. La révolution, cet « arc de triomphe pour chaque peuple », était pour lui la forme supérieure de la lutte sociale. Il critiquait implacablement les libéraux.

Grand patriote et internationaliste, ami des peuples slaves, Botev combattait le nationalisme et le cosmopolitisme. En esthétique, il se ralliait à la doctrine de Tchernychevski. Son œuvre poétique offre une fusion organique du réalisme et du romantisme révolutionnaire, elle a joué un rôle important dans l’histoire du mouvement révolutionnaire bulgare.

BOUTLEROV Alexandre Mikhaïlovitch (1828-1886). Grand chimiste russe, créateur de la théorie de la structure chimique des composés organiques (1861), bilan de tout le développement précédent de la chimie et base théorique des recherches modernes relatives à toutes les classes de composés chimiques et leur synthèse en laboratoire et dans l’industrie.

En élaborant sa théorie, Boutlérov partait spontanément des positions matérialistes. Il reconnaissait la réalité objective des atomes et la possibilité illimitée de connaître leurs propriétés.

Boutlérov avait remarqué que toutes les propriétés de la matière sont en relations mutuelles de causalité. Il montrait que les théories chimiques qui synthétisent les faits empiriques sont nécessaires pour maîtriser les forces de la nature et les mettre au service de la société humaine.

Dans sa lutte contre les conceptions agnosticistes de Gerhardt et de Kekulé, il démontra théoriquement et expérimentalement que la nature chimique d’une molécule complexe était déterminée par la nature et le nombre des atomes qui la composent, par leurs rapports chimiques mutuels et leur interaction.

Dans sa théorie de la structure chimique des molécules Boutlérov a montré la loi générale régissant les rapports chimiques entre les atomes dans les molécules et les rapports chimiques entre les molécules de différentes substances.

Cette loi exprime l’essence des rapports indiqués comme cause des phénomènes chimiques. L’analyse des transformations chimiques donne, comme l’a démontré Boutlérov, la possibilité d’établir les rapports chimiques mutuels des atomes à l’intérieur de la molécule, l’ordre suivant lequel ils sont combinés entre eux et le caractère de leur interaction.

Boutlérov a surtout fait ressortir l’importance de l’étude des influences mutuelles des atomes dans la molécule, aussi bien de ceux qui sont directement reliés que de ceux reliés entre eux par l’intermédiaire d’autres atomes. La théorie de l’influence mutuelle des atomes dans la molécule fait organiquement partie de sa théorie.

Boutlérov accorda une attention toute spéciale à l’étude théorique et expérimentale du lien existant entre les propriétés chimiques de la molécule et sa structure chimique. Il expliqua théoriquement le phénomène de l’isomérie. Les phénomènes chimiques sont des manifestations du mouvement de la matière.

Donc, contrairement aux idées de nombreux chimistes, la molécule n’est pas une structure statique, mais ses atomes sont en mouvement continuel.

C’était là une conception dialectique spontanée de la structure chimique de la molécule qui permit à Boutlérov en 1877 de donner, pour la première fois dans l’histoire de la chimie, l’explication de la tautomérie, c’est-à-dire de la transformation réciproque réversible des molécules de certaines substances, indépendamment de toute influence extérieure. (Il avait dès 1862 découvert le premier cas de tautomérie et, en 1863, expliqué son mécanisme.)

Boutlérov soulignait que chaque molécule n’a qu’une seule structure et ne peut avoir deux structures à la fois, comme certains chimistes se sont efforcés plus tard d’expliquer la tautomérie.

Boutlérov prouva expérimentalement par un grand nombre de synthèses le bien-fondé de sa théorie et la développa.

La théorie de Boutlérov ouvrit de larges possibilités pour la synthèse chimique, notamment la synthèse organique, elle fut un puissant instrument de prévision scientifique en laboratoire et dans l’industrie. Grâce à elle, a été déchiffrée la structure chimique d’un grand nombre de composés naturels.

Des millions de composés chimiques n’existant pas dans la nature ont été synthétisés en laboratoire et en usine.

Confirmée par de longues années de pratique, la théorie de Boutlérov s’est enrichie au cours des dernières décades des données de la physique moderne et, en premier lieu, de la mécanique quantique (V.), qui permettent d’approfondir la nature de l’affinité chimique, de l’interaction chimique entre les atomes à l’intérieur de la molécule même, ainsi que le mécanisme des réactions chimiques.

Les chimistes soviétiques ont joué un rôle primordial dans le développement et la justification de la théorie de Boutlérov.

La théorie et les synthèses de Boutlérov ont définitivement fait échec à la notion idéaliste de « force vitale » qui agirait dans les organismes vivants où elle réaliserait la synthèse des composés organiques. Dans les questions de philosophie générale non reliées à la chimie, Boutlérov était un idéaliste.

Il faisait la propagande du spiritisme très en vogue à l’époque dans certains milieux intellectuels. Toutefois, ses opinions chimiques restaient naturellement matérialistes.

Boutlérov a lutté pour une préparation organisée de jeunes cadres scientifiques russes, pour le renforcement des écoles scientifiques en Russie, pour l’enseignement supérieur féminin. C’est lui qui a créé l’école des chimistes organiciens russes. Il était en tête des professeurs russes progressistes dans leur lutte contre la politique réactionnaire du gouvernement tsariste dans le domaine de la science.

Les ouvrages de Boutlérov sont : « De la structure chimique de la matière » (1861), « L’importance moderne de la théorie de la structure chimique » (1879), « La structure chimique et la « théorie de la substitution » (1885) et autres.

BRUNO Giordano (1548-1600). Philosophe italien de la Renaissance, précurseur d’une conception du monde nouvelle, progressive ; adversaire acharné de l’Eglise, de la scolastique et de l’obscurantisme religieux. Brûlé vif à Rome par l’Inquisition.

Le point de départ de sa philosophie est le système de Copernic (V.), qu’il enrichit d’idées nouvelles (par exemple l’idée de l’existence d’un nombre infini de mondes, celle de l’atmosphère terrestre qui tourne avec la Terre, du Soleil qui se déplace par rapport aux étoiles). L’audacieuse doctrine de Bruno a porté un coup vigoureux à la religion (V.).

Sa thèse fondamentale sur l’unité matérielle de l’univers, composé d’un nombre infini de mondes semblables à notre système solaire, a joué un rôle considérable dans le développement de la science, malgré son affublement panthéiste.

C’est à Bruno qu’appartient l’idée de l’histoire des mondes dans le temps ; c’est lui également qui a avancé l’hypothèse des changements géologiques perpétuels de notre planète.

Il a introduit ainsi l’idée du développement dans ce domaine. D’après lui, la matière et le mouvement sont inséparables, mais sa conception du mouvement demeure métaphysique. Il soutient que la connaissance scientifique de la nature doit se fonder sur l’expérience et rejette résolument la scolastique stérile avec ses définitions creuses, détachées de la nature.

A côté de l’expérience, la raison humaine doit jouer un rôle important. Qui plus est, Bruno considérait la connaissance des lois de la nature comme la fin suprême de la pensée humaine. L’influence de la théologie se fait sentir dans sa doctrine (par exemple il identifie Dieu et la nature), ce qui s’explique par des conditions historiques.

Pourtant, le panthéisme de Bruno était à cette époque le moyen le plus commode de propager les conceptions matérialistes. La philosophie bourgeoise cherche encore aujourd’hui à faire passer Giordano Bruno pour un idéaliste.

Afin d’atténuer l’importance historique de la pensée slave et son influence sur l’Occident, les philosophes bourgeois tentent de dénigrer le rôle de Giordano Bruno qui avait repris, pour les développer, les idées de l’illustre savant polonais Copernic.

Principaux ouvrages : « De la cause, du principe et de l’unité », « De l’infini, de l’univers et des mondes » et « Expulsion de la bête triomphante ».


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