Les saints et les reliques devinrent ainsi une composante vitale des églises. Mais le baroque utilisa de nombreuses autres armes idéologiques. Un élément significatif très connu du baroque, d’une importance extrême pour lui, est ainsi le trompe-l’oeil.
A la base une église romane, l’Abbaye de Neresheim en Bavière est un exemple significatif du baroque, puisqu’en effet elle a été « modernisée » en ce sens à la fin du XVIIe siècle; voici son trompe-l’oeil.
Voici un autre exemple de trompe-l’œil, à l’église des Jésuites à Vienne. Il a été réalisé par Andrea Pozzo (1642-1709), mort dans cette ville et né à Trente en Italie, ville du fameux concile de l’Église catholique qui justement a été le point d’orgue idéologique du baroque.
Voici l’intérieur de l’église jésuite de Breslau, réalisé par son élève Christoph Tausch (1673-1731). On y voit bien comment le trompe-l’œil s’inscrit dans le cadre, particulièrement chargé, de l’église baroque.
Le trompe-l’œil n’est, en effet, nullement une simple forme choisie au hasard. Elle est le symbole même de la vision baroque du monde : ce qui est, en fait, n’est pas. Ce qu’on croit savoir est en réalité faux. Le monde entier est une illusion.
Il n’y a ainsi nullement de trompe-l’œil dans la peinture flamande, comme les commentateurs bourgeois le prétendent parfois: il faut bien saisir ici que le trompe-l’œil, dans l’église, participe à un ensemble exubérant devant frapper l’imagination des visiteurs, devant « imprimer » son caractère.
Le trompe-l’œil trompe, et par conséquent il annonce à la personne trompée qu’elle ne saurait avoir confiance en ce qu’elle voit. C’est un appel au refus des sens, et pourtant les sens sont utilisés, dans une démarche s’appuyant sur l’irrationnel, pour être impressionné par la grandeur de ce qu’annonce le trompe-l’œil.
Car ce dernier témoigne de la grandeur infinie de l’Église ; il est un point d’appui visuel pour renforcer l’image de l’église comme fenêtre sur le divin.
Le trompe-l’œil est ainsi à la fois anti-scientifique, de par la négation de ce qui est vu, mais également directement irrationnel-religieux de par l’impression « infinie » attribuée aux images divines.
Il va de soi qu’une telle approche reflète une réflexion très profonde des religieux, des jésuites en particulier, sur le rôle de l’image. Alors que les temples des protestants sont épurés au possible, rejetant les saints, pour ne conserver qu’une sobriété complète propice à la raison, les églises nouvelles, façonnées par les jésuites, utilisent des images partout dans l’église, pour écraser la pensée des personnes présentes.
Le trompe-l’œil est une arme idéologique de grande importance ; ce n’est nullement une simple « forme », qui serait gratuite, ce n’est pas non plus un simple « style » : c’est un outil religieux.