Des tentatives de « réconcilier » le matérialisme dialectique et la psychanalyse ont naturellement existé. Pour cela, il a d’abord fallu pour les penseurs bourgeois qui ont oeuvré en ce sens rejettent formellement Friedrich Engels et Lénine, pour ne conserver qu’un Karl Marx se résumant au principe de la lutte des classes.
La première tentative fut effectuée par un disciple direct de Sigmund Freud, Wilhelm Reich (1897-1957), dont les œuvres les plus célèbres sont La Psychologie de masse du fascisme et La Révolution sexuelle.
Wilhelm Reich considère que Sigmund Freud a reculé devant les conséquences de sa propre thèse : au lieu de faire l’apologie de la libre sexualité, ce dernier a appelé à accepter le refoulement sexuel pour préserver la civilisation. Wilhelm Reich considère que c’est une trahison et il se veut le théoricien de « l’amour libre », c’est-à-dire de la sexualité totalement « libérée ».
En affirmant cela, il faisait l’apologie du désir et par conséquent de l’individu, qui serait irréductible à la société.
Pour cette raison, Wilhelm Reich a considéré que le communisme et le fascisme étaient deux mouvements similaires, consistant en des « pestes émotionnelles », qui seraient « comme une biopathie chronique de l’organisme, conséquence directe de la répression, sur une vaste échelle, de l’amour génital ».
Cette conception idéaliste amènera Wilhelm Reich à basculer dans l’irrationalisme le plus complet à la fin de sa vie, cherchant une hypothétique source d’énergie universelle (biologique et cosmique), qu’il appela « orgone ».
Sa thèse fut largement reprise par les partisans d’un freudo-marxisme, qui exprimaient en pratique ouvertement le point de vue bourgeois selon lequel le fascisme n’était pas un mouvement idéologique, mais une « manipulation psychologique », conformément à la thèse du caractère « irréductible » de l’individu.
L’allemand Erich Fromm (1900-1980) était particulièrement proche de Wilhelm Reich. Il reprend sa thèse, qu’il associe à la conception trotskyste du fascisme comme révolte de la petite-bourgeoisie.
Il explique ainsi que :
« Ce qui importait c’est que les centaines de milliers de petits bourgeois, qui en temps normal n’ont que peu d’occasions de s’enrichir ou de conquérir des situations influentes, disposassent, comme agents de la bureaucratie nazie, d’une large part de richesses et de prestiges qu’ils obligeaient les classes possédantes à leur céder.
A ceux qui n’étaient pas les bras de la croix gammée, on distribua les postes et les affaires enlevées aux Juifs et aux ennemis politiques. Quant à la population, si elle ne reçut pas plus de pain, César lui offrit des jeux de cirque.
Les défilés spectaculaires, les manifestations sadiques et les ressources d’une idéologie qui lui donnait le sentiment d’être supérieure au reste de l’humanité lui procuraient assez de satisfactions pour compenser – du moins momentanément le fait que sa vie était appauvrie matériellement, autant qu’intellectuellement (…).
La personnalité d’Adolf Hitler, ses enseignements et son système, représentaient le symbole d’une forme extrême du caractère autoritaire [qui] aimantait puissamment les groupes qui lui ressemblaient mentalement ».
C’est la conception bourgeoise de la « personnalité autoritaire », qui a pu tromper les progressistes par son combat contre la réaction (la dimension « autoritaire ») alors qu’il s’agit en réalité de l’éloge de la personnalité, au sens bourgeois du terme.
C’est également précisément l’idée de base de la « théorie critique » des allemands Theodor W. Adorno (1903-1969) et Max Horkheimer (1895-1973), qui considèrent que les Lumières ont échoué et que la société revient à la barbarie, en raison du poids de la société bureaucratique et de la technique pesant sur les individus.
La « théorie critique » rejette ainsi « l’industrie culturelle » formant une culture de masse où domine l’autoritarisme, dont l’antisémitisme est la forme la plus naturelle. Sa démarche se fonde sur le rejet de la dialectique, rejet effectué notamment par Theodor W. Adorno dans La dialectique négative au nom de l’impossibilité pour la conscience de s’identifier à la transformation, au nom évidemment du caractère « irréductible » de l’individu.
L’allemand Herbert Marcuse (1898-1979) prolonge la conception des Erich Fromm, Theodor W. Adorno et Max Horkheimer, formant ce qu’on appelle « l’école de Francfort ».
Herbert Marcuse oppose la pulsion de vie à la pulsion de mort et considère que dans la société industrielle, l’être humain est devenu « unidimensionnel ». Lever le drapeau de la révolte subjective serait une nécessité historique pour sauver l’authenticité.
Naturellement, tant les universités américaines que les médias « de gauche » accorderont une importance capitale à ces penseurs, qui joueront un rôle idéologique majeur dans la révolte des années 1960 aux Etats-Unis et en Allemagne, la Fraction Armée Rouge étant très largement influencée par eux (le prolétariat étant censé être intégré, serait prolétaire celui qui se révolte, et le « sous-prolétariat » deviendrait le sujet révolutionnaire de toute une époque).