Le surréalisme est un mouvement artistique élaboré par André Breton (1896-1966) dans le Manifeste du surréalisme (1924). Directement fondé sur les principes de la psychanalyse élaborée par Sigmund Freud, André Breton appelle à exprimer ce qui serait la pensée « pure », c’est-à-dire selon ses termes
« en excluant toute logique et toute préoccupation morale ou esthétique. »
La méthode est celle de l’automatisme mental : il suffirait de prendre un stylo et de laisser parler son « inconscient », qui va créer une œuvre d’art totalement libre, en se fondant sur des associations d’idées, de mots, des métaphores.
Ce qui compte ce n’est plus la culture, ni même la nature c’est-à-dire les sensations comprises par la conscience, mais simplement l’inconscient, qui révélerait la seule vérité possible. C’est le prolongement direct de l’idéalisme de la poésie symboliste d’Arthur Rimbaud et de Stéphane Mallarmé.
Dans le Manifeste du surréalisme, Breton affirme ainsi sa thèse, qui est celle d’un subjectivisme radical :
« C’est à très juste titre que Freud a fait porter sa critique sur le rêve. Il est inadmissible, en effet, que cette part considérable de l’activité psychique (puisque, au moins de la naissance de l’homme à sa mort, la pensée ne présente aucune solution de continuité, la somme des moments de rêve, au point de vue temps, à ne considérer même que le rêve pur, celui du sommeil, n’est pas inférieure à la somme des moments de réalité, bornons-nous à dire : des moments de veille) ait encore si peu retenu l’attention. »
et encore :
« En hommage à Guillaume Apollinaire, qui venait de mourir et qui, à plusieurs reprises, nous paraissait avoir obéi à un entraînement de ce genre, sans toutefois y avoir sacrifié de médiocres moyens littéraires, Soupault et moi nous désignâmes sous le nom de SURRÉALISME le nouveau mode d’expression pure que nous tenions à notre disposition et dont il nous tardait de faire bénéficier nos amis.
Je crois qu’il n’y a plus aujourd’hui à revenir sur ce mot et que l’acception dans laquelle nous l’avons pris a prévalu généralement sur son acception apollinarienne. À plus juste titre encore, sans doute aurions-nous pu nous emparer du mot SUPERNATURALISME, employé par Gérard de Nerval dans la dédicace des Filles du feu.
Il semble, en effet, que Nerval posséda à merveille l’esprit dont nous nous réclamons, Apollinaire n’ayant possédé, par contre, que la lettre, encore imparfaite, du surréalisme et s’étant montré impuissant à en donner un aperçu théorique qui nous retienne.
Voici deux phrases de Nerval qui me paraissent, à cet égard, très significatives :
Je vais vous expliquer, mon cher Dumas, le phénomène dont vous avez parlé plus haut. Il est, vous le savez, certains conteurs qui ne peuvent inventer sans s’identifier aux personnages de leur imagination. Vous savez avec quelle conviction notre vieil ami Nodier racontait comment il avait eu le malheur d’être guillotiné à l’époque de la Révolution ; on en devenait tellement persuadé que l’on se demandait comment il était parvenu à se faire recoller la tête…
Et puisque vous avez eu l’imprudence de citer un des sonnets composés dans cet état de rêverie SUPERNATURALISTE, comme diraient les Allemands, il faut que vous les entendiez tous. Vous les trouverez à la fin du volume. Ils ne sont guère plus obscurs que la métaphysique d’Hegel ou les MÉMORABLES de Swedenborg, et perdraient de leur charme à être expliqués, si la chose était possible, concédez-moi du moins le mérite de l’expression…
C’est de très mauvaise foi qu’on nous contesterait le droit d’employer le mot SURRÉALISME dans le sens très particulier où nous l’entendons, car il est clair qu’avant nous ce mot n’avait pas fait fortune. Je le définis donc une fois pour toutes :
SURRÉALISME, n. m. Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. ENCYCL. Philos. Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d’associations négligées jusqu’à lui, à la toute-puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée. Il tend à ruiner définitivement tous les autres mécanismes psychiques et à se substituer à eux dans la résolution des principaux problèmes de la vie. Ont fait acte de SURRÉALISME ABSOLU MM. Aragon, Baron, Boiffard, Breton, Carrive, Crevel, Delteil, Desnos, Éluard, Gérard, Limbour, Malkine, Morise, Naville, Noll, Péret, Picon, Soupault, Vitrac. »
Cet éloge du subjectivisme correspond parfaitement à la décadence de la bourgeoisie et à l’effondrement de tout système de valeurs possible.
Il est d’ailleurs bien connu qu’André Breton vécut financièrement très bien de cette affirmation « radicale », mais acceptée par la bourgeoisie comme une expression artistique d’avant-garde, et cela d’autant plus qu’André Breton fut un partisan de Trotsky et un anti-communiste virulent.
En ce sens, le surréalisme est un prolongement français, à la fois artistique et psychologique, de la psychanalyse.